UN J K U N R HO M MK AVANCE
raccommodeur de faïences, avec une petite trompette, et qui n'a
pas l’àme bien remuable, je vous en fiche mon billet!... Nous
allons faire un de ces lancements, avec reproduction des épisodes
au cinéma... Quand vous aurez des sujets comme ça...
Des sujets comme ça, Mahuzot en eut neuf ! Les neuf tragédies
que Racine écrivit avant Esther et Athalie. Mahuzot le traite
même de feignant pour n’en avoir fait que neuf. Quant à Lamar-
tine, il l’a en horreur : il n’a pas pu gagner un sou avec lui.
Jean Drault.
» UNE EXCELLENTE INTENTION
Je sais bien que vous allez me prendre pour un petit farceur,
hausser les épaules et me regarder en ricanant; je le sais, mais
ma conscience m’ordonne de vous conter l’histoire de M. Pom-
melât, et ce n’est pas en ce moment-ci que je vais risquer de
fâcher ma conscience.
Donc, M. Pommelât, après dix-huit mois et plus de profondes
réflexions, avait résolu de s’engager dans les troupes- combat-
tantes. Notez que c’est une belle décision pour un homme de
quarante-huit ans passés, célibataire, jouissant d’une aimable
aisance, habitué à l’enveloppante douceur du confort et aux
caresses intérieures d’.une cuisine bien faite.
Oui, mais pouvait-il — et c’est la question que lui posa son ami
Canivet —- pouvait-il, tout de go, partager les fatigues et les
efforts des poilus endurcis? Un ventre rondelet l’empêchait de
se mouvoir rapidement; la plante de ses pieds n’avait pas acquis
L)ts équipa neyres oont aider a l'enlèoe.menl
des ordures ménagères. ..
— Oh !... Dessin de Nob.
cette corne invincible qui permet les longues marches sur des
routes caillouteuses. Tous ses muscles, enfin, amollis par un
constant repos, se déroberaient aux ordres répétés de l’énergie.
Devant cet avertissement de la saine raison, M. Pommelât se
gratta le crâne, qu’il avait dénué de cheveux. Mais son patrio-
tisme lui suggéra bientôt une réponse péremptoire : l'entrai-
nement!
Quoi de plus logique? Ce ventre, il le fera disparaître par le
moyen de judicieuses fatigues; ces pieds, des marches savam-
ment graduées leur donneront la résistance nécessaire. Tous ces
muscles deviendront souples et forts, grâce à de méthodiques
exercices. Gymnastique et sport, sport et gymnastique. La pré-
paration militaire n’est pas faite pour les
seuls adolescents...
Sur-le-champ, M. Pommelât se mit à
l’œuvre. Vous l’eussiez pu voir, dès l’aube,
alors que la rue Cortambert est encore
dans les bras de Morphée, vous l’eussiez
pu voir vêtu d’une courte culotte et d’un
gilet de flanelle, chaussé d’espadrilles, cou-
vrir au petit trot quatre cents mètres de ma-
cadam, puis six cents, puis mille, puis— que
sais-je ? — trois ou quatre kilomètres, peut-
être.
Le tantôt, au gymnase Révannes, il ma-
niait des haltères redoutables, après avoir
bondi sur d’élastiques barres parrallèles, ou
pris d’assaut un trapèze vertigineux. Et
chaque dimanche, parti sur le dernier coup
de la huitième heure, il s’astreignait à mar-
cher jusqu’à des Versailles, des Joinville-
le-Pont, voire même des Poissy loin-
tains.
Trois mois ne s’étaient pas écoulés, que
ce régime avait produit un résultat ines-
péré. M. Pommelât n’était plus que l’ombre
de lui-même. De son ventre attendrissant,
le souvenir seul demeurait. Il était maigre
LES INDISPENSABLES
- M’en passer? Vous n’y songez pas. C'est lui qui est chargé du rapport quand il n’y a rien
de sérieux à signaler. y Dessin de Cahard. ^
raccommodeur de faïences, avec une petite trompette, et qui n'a
pas l’àme bien remuable, je vous en fiche mon billet!... Nous
allons faire un de ces lancements, avec reproduction des épisodes
au cinéma... Quand vous aurez des sujets comme ça...
Des sujets comme ça, Mahuzot en eut neuf ! Les neuf tragédies
que Racine écrivit avant Esther et Athalie. Mahuzot le traite
même de feignant pour n’en avoir fait que neuf. Quant à Lamar-
tine, il l’a en horreur : il n’a pas pu gagner un sou avec lui.
Jean Drault.
» UNE EXCELLENTE INTENTION
Je sais bien que vous allez me prendre pour un petit farceur,
hausser les épaules et me regarder en ricanant; je le sais, mais
ma conscience m’ordonne de vous conter l’histoire de M. Pom-
melât, et ce n’est pas en ce moment-ci que je vais risquer de
fâcher ma conscience.
Donc, M. Pommelât, après dix-huit mois et plus de profondes
réflexions, avait résolu de s’engager dans les troupes- combat-
tantes. Notez que c’est une belle décision pour un homme de
quarante-huit ans passés, célibataire, jouissant d’une aimable
aisance, habitué à l’enveloppante douceur du confort et aux
caresses intérieures d’.une cuisine bien faite.
Oui, mais pouvait-il — et c’est la question que lui posa son ami
Canivet —- pouvait-il, tout de go, partager les fatigues et les
efforts des poilus endurcis? Un ventre rondelet l’empêchait de
se mouvoir rapidement; la plante de ses pieds n’avait pas acquis
L)ts équipa neyres oont aider a l'enlèoe.menl
des ordures ménagères. ..
— Oh !... Dessin de Nob.
cette corne invincible qui permet les longues marches sur des
routes caillouteuses. Tous ses muscles, enfin, amollis par un
constant repos, se déroberaient aux ordres répétés de l’énergie.
Devant cet avertissement de la saine raison, M. Pommelât se
gratta le crâne, qu’il avait dénué de cheveux. Mais son patrio-
tisme lui suggéra bientôt une réponse péremptoire : l'entrai-
nement!
Quoi de plus logique? Ce ventre, il le fera disparaître par le
moyen de judicieuses fatigues; ces pieds, des marches savam-
ment graduées leur donneront la résistance nécessaire. Tous ces
muscles deviendront souples et forts, grâce à de méthodiques
exercices. Gymnastique et sport, sport et gymnastique. La pré-
paration militaire n’est pas faite pour les
seuls adolescents...
Sur-le-champ, M. Pommelât se mit à
l’œuvre. Vous l’eussiez pu voir, dès l’aube,
alors que la rue Cortambert est encore
dans les bras de Morphée, vous l’eussiez
pu voir vêtu d’une courte culotte et d’un
gilet de flanelle, chaussé d’espadrilles, cou-
vrir au petit trot quatre cents mètres de ma-
cadam, puis six cents, puis mille, puis— que
sais-je ? — trois ou quatre kilomètres, peut-
être.
Le tantôt, au gymnase Révannes, il ma-
niait des haltères redoutables, après avoir
bondi sur d’élastiques barres parrallèles, ou
pris d’assaut un trapèze vertigineux. Et
chaque dimanche, parti sur le dernier coup
de la huitième heure, il s’astreignait à mar-
cher jusqu’à des Versailles, des Joinville-
le-Pont, voire même des Poissy loin-
tains.
Trois mois ne s’étaient pas écoulés, que
ce régime avait produit un résultat ines-
péré. M. Pommelât n’était plus que l’ombre
de lui-même. De son ventre attendrissant,
le souvenir seul demeurait. Il était maigre
LES INDISPENSABLES
- M’en passer? Vous n’y songez pas. C'est lui qui est chargé du rapport quand il n’y a rien
de sérieux à signaler. y Dessin de Cahard. ^