DEUX PLATS POUR TOUS ET DEUX DESSERTS
Une légère atteinte à la Liberté, mais quel pas vers l’Égalité!
Ainsi, j’aurais eu la poule et le coke..
* * * Parmi les événements les plus esbrouffants de cette
charmante époque, signalons l’entrée de M. Gustave Hervé aux
Anna'es.
Oui, Hervé collabore aussi à la revue chère à tant d’académi-
ciens : il trempe sa plume, cette plume qui..., enfin il la trempe
dans l’encre de Richepin, de Masson, de Donnav, de Bazin. Et
il écrit pour les jeunes filles, lui qui... Agnès après Mam’zelle
Cizaille !
Que d’autres s’étonnent et moralisent gravement sur cette
conversion tardive... Pour moi, je me contente d’en sourire.
Rien de plus banal, en France, que de pareilles aventures.
Henri Rochefort mangea du curé toute sa vie et finit dans un
journal de la bonne presse. Mais, lui, du moins, évolua avec le
sourire et sans attacher d’importance à aucun de ses gestes, de
ses écrits. Il faisait ses pirouettes sur un talon rouge... Sur une
chaussette à clous, c’est plus difficile.
>Au fait, ne sommes-nous pas tous, en France, du même avis,
même en temps de paix?
Nous avons l’air, comme ça, de nous manger le nez et malgré
les injures, les coups, voire la machine à Guillotin, nous nous
entendons le mieux du monde.
C’est pourquoi, vous verrez : après la victoire, Gustave Hervé
entrera tout doucement à l’Académie.
Au fait, il y a déjà eu, sous la coupole, un journaliste du nom
d’Hervé... Qui sait? En héritant de son fauteuil, Gustave héritera
peut-être aussi de ses idées.
* * * Un académicien, c’est un général dans l’armée des gens
de lettres. L’avancement est lent dans cette armée-là, où l’on
n’arrive guère qu’à l’ancienneté.
Dans l'armée pour de bon, l’avancement n’est pas rapide non
plus, même en temps de guerre. Que de formalités, que de pape-
rasses pour obtenir un galon mérité cent fois sur le champ de
bataille !
En d’autres temps, les choses marchaient plus rondement. Le
record de l’avancement appartient au premier des trois Dumas
qui, de caporal, devint, en neuf mois, général de division.
Sous le Premier Empire, on arrivait moins vite, mais, tout de
même, on progressait... II y avait, dans la vieille garde, un offi-
cier qui se croyait en droit de réclamer de l’avancement. Que
fit-il? A 'a première revue sur la place du Carrousel, il attendit
le passage de l’Empereur... A ce moment, il fit trois pas en
avant et dit, d’une voix rapide, au Petit Caporal :
— 27 blessures, 16 campagnes, capitaine, chevalier!
Et Napoléon, sans s’arrêter, de répondre :
— Commandant, baron, officier!...
* * * Certes, je déplore le marasme où le théâtre est tombe
depuis l’aggravation du fléau que nous subissons depuis bientôt
trois ans.
Je le déplore en pensant — non aux spectateurs privés de leur
plaisir — mais aux malheureux « travailleurs du spectacle »
privés de leur pain.
Mais la justice immanente trouve toujours le moyen de se
manifester...
Que sont devenus, dans la tourmente, ces « grands cabots »
qui, en ternes de paix, avaient accaparé l’attention du peuple le
plus spirituel de la terre? Ils se croyaient, eux aussi, indispen-
sables... Et les voilà remis à leur place, derrière, bien loin der-
rière le moindre mécanicien, le plus modeste forgeron, le plus
vague agriculteur.
Les grands cabots? Ah! nous les donnerions tous pour un Petit
Caporal...
A l’heure des tragiques réalités, nous apprenons — enfin ! —
que l’art de rouler les r est moins utile que l’art de tourner les
obus. Nous avons dû, comme dit l’autre, « reviser les valeurs »
et, par ces temps de disette, une fois de plus, le bonhomme Chry-
sale constate que nous vivons de bonne soupe et non de beau
langage, voire de belle diction.
C’en est fait de votre prestige, ô dérisoires comédiens... C’est
en vain que l'un de vous, habitue à tous les hommages, disait à
un officier du front :
— Dans mon métier, je suis gén irai!
Général? Mais non, vous n’êtes plus qu’un particulier... La
guerre a remis gens et choses à leur place logique : le masque
de Melpomène est moins émouvant que celui du poilu...
PlCK-ME-UP.
LA SEMAINE ÉCONOMIQUE, LIM1TATOIRE ET RESTRICTIONNAIRE
Tous les matins, manœuvre « du pain de Quatre jours sur sept, permission de vingt- Lundi et jeudi, journal à deux pages (un quart
guerre » par nos vaillantes ménagères.
quatre heures à Brichanteau.
de communiqués, un quan de blancs, et le reste
en publicité). Dessins de L. Métivet.
Une légère atteinte à la Liberté, mais quel pas vers l’Égalité!
Ainsi, j’aurais eu la poule et le coke..
* * * Parmi les événements les plus esbrouffants de cette
charmante époque, signalons l’entrée de M. Gustave Hervé aux
Anna'es.
Oui, Hervé collabore aussi à la revue chère à tant d’académi-
ciens : il trempe sa plume, cette plume qui..., enfin il la trempe
dans l’encre de Richepin, de Masson, de Donnav, de Bazin. Et
il écrit pour les jeunes filles, lui qui... Agnès après Mam’zelle
Cizaille !
Que d’autres s’étonnent et moralisent gravement sur cette
conversion tardive... Pour moi, je me contente d’en sourire.
Rien de plus banal, en France, que de pareilles aventures.
Henri Rochefort mangea du curé toute sa vie et finit dans un
journal de la bonne presse. Mais, lui, du moins, évolua avec le
sourire et sans attacher d’importance à aucun de ses gestes, de
ses écrits. Il faisait ses pirouettes sur un talon rouge... Sur une
chaussette à clous, c’est plus difficile.
>Au fait, ne sommes-nous pas tous, en France, du même avis,
même en temps de paix?
Nous avons l’air, comme ça, de nous manger le nez et malgré
les injures, les coups, voire la machine à Guillotin, nous nous
entendons le mieux du monde.
C’est pourquoi, vous verrez : après la victoire, Gustave Hervé
entrera tout doucement à l’Académie.
Au fait, il y a déjà eu, sous la coupole, un journaliste du nom
d’Hervé... Qui sait? En héritant de son fauteuil, Gustave héritera
peut-être aussi de ses idées.
* * * Un académicien, c’est un général dans l’armée des gens
de lettres. L’avancement est lent dans cette armée-là, où l’on
n’arrive guère qu’à l’ancienneté.
Dans l'armée pour de bon, l’avancement n’est pas rapide non
plus, même en temps de guerre. Que de formalités, que de pape-
rasses pour obtenir un galon mérité cent fois sur le champ de
bataille !
En d’autres temps, les choses marchaient plus rondement. Le
record de l’avancement appartient au premier des trois Dumas
qui, de caporal, devint, en neuf mois, général de division.
Sous le Premier Empire, on arrivait moins vite, mais, tout de
même, on progressait... II y avait, dans la vieille garde, un offi-
cier qui se croyait en droit de réclamer de l’avancement. Que
fit-il? A 'a première revue sur la place du Carrousel, il attendit
le passage de l’Empereur... A ce moment, il fit trois pas en
avant et dit, d’une voix rapide, au Petit Caporal :
— 27 blessures, 16 campagnes, capitaine, chevalier!
Et Napoléon, sans s’arrêter, de répondre :
— Commandant, baron, officier!...
* * * Certes, je déplore le marasme où le théâtre est tombe
depuis l’aggravation du fléau que nous subissons depuis bientôt
trois ans.
Je le déplore en pensant — non aux spectateurs privés de leur
plaisir — mais aux malheureux « travailleurs du spectacle »
privés de leur pain.
Mais la justice immanente trouve toujours le moyen de se
manifester...
Que sont devenus, dans la tourmente, ces « grands cabots »
qui, en ternes de paix, avaient accaparé l’attention du peuple le
plus spirituel de la terre? Ils se croyaient, eux aussi, indispen-
sables... Et les voilà remis à leur place, derrière, bien loin der-
rière le moindre mécanicien, le plus modeste forgeron, le plus
vague agriculteur.
Les grands cabots? Ah! nous les donnerions tous pour un Petit
Caporal...
A l’heure des tragiques réalités, nous apprenons — enfin ! —
que l’art de rouler les r est moins utile que l’art de tourner les
obus. Nous avons dû, comme dit l’autre, « reviser les valeurs »
et, par ces temps de disette, une fois de plus, le bonhomme Chry-
sale constate que nous vivons de bonne soupe et non de beau
langage, voire de belle diction.
C’en est fait de votre prestige, ô dérisoires comédiens... C’est
en vain que l'un de vous, habitue à tous les hommages, disait à
un officier du front :
— Dans mon métier, je suis gén irai!
Général? Mais non, vous n’êtes plus qu’un particulier... La
guerre a remis gens et choses à leur place logique : le masque
de Melpomène est moins émouvant que celui du poilu...
PlCK-ME-UP.
LA SEMAINE ÉCONOMIQUE, LIM1TATOIRE ET RESTRICTIONNAIRE
Tous les matins, manœuvre « du pain de Quatre jours sur sept, permission de vingt- Lundi et jeudi, journal à deux pages (un quart
guerre » par nos vaillantes ménagères.
quatre heures à Brichanteau.
de communiqués, un quan de blancs, et le reste
en publicité). Dessins de L. Métivet.