N’importe, six cent mille francs pour six grimaces de Mistin-
guett, c’est un rêve...
Au fait, ce n’est peut-être qu’un rêve.
Il y a de ces ponts d’or dans lesquels on n’est pas obligé de
couper.
* * * Pendant que les rois et les reines du film gagnent un
argent fou — il faut qu'il soit maboul, en effet — le rigorisme à
la mode empêche les pauvres diables de musiciens de gagner
leur vie...
A Nice, l’autorité a supprimé les concerts dans les cafés et les
restaurants... Soyons tristes!
Et pourquoi ?
Pourquoi ce parti pris de mauvaise humeur et d’austérité ?
Parce qu’il y a la guerre ? Mais il ne suffira, malheureusement
pas, de quelques flonflons pour l’égayer... Et.quand même?
Est-ce que la musique gaspille les denrées alimentaires ? Y
a-t-il une crise de colophane? Les faiseuses d’anches sont-elles
toutes mobilisées dans les usines?
Chose bizarre, si je vais dans un café pour m’y distraire en
écoutant un peu de musique, j’apprends que les plus innocentes
ritournelles sont purement et simplement supprimées... Mais je
peux les remplacer par des petits verres : si la musique est
indécente, la saoulographie ne l’est pas.
— Ne cherchons pas à comprendre! comme dit l’autre...
En Belgique, ou du moins dans le peu qui en reste, la musique
est parfaitement autorisée, et cependant les Belges souffrent
encore plus de la guerre que nous.
Dans la dernière petite plage du littoral où flotte encore le
drapeau noir, jaune et rouge, plusieurs cafés et restaurants
offrent à leurs clients, deux fois par jour, d’agréables concerts...
A quelques kilomètres de la ligne de feu, — tandis qu’au large,
les monitors anglais lancent à grand bruit leurs marmites vers
les fortifications boches — j’ai entendu les valses, les tangos,
les two-steps du bon vieux temps.
Et personne n’en était choqué... Bien au contraire, chacun
prenait grand plaisir à s’étourdir un peu avec des flonflons...
Après tout, nous ne sommes pas des moines guerriers et je
ne vois pas pourquoi nous ne garderions pas la petite somme de
plaisirs honnêtes que veut bien nous concéder cette horrible
guerre.
LA DISETTE BOCHE
Pour augmenter les abatages du
bétail, VAllemagne entame son chep-
tel. (Les journaux.)
— Oui, ma bonne madame, ils bouffent du cheptel !
LA CONSIGNE
— Pas d’urgence qui tienne ! Le Préfet est en train de lire les menus
de tous les restaurants des vingt arrondissements et de la banlieue.
Dessins de L. Métivet.
* * Gardons aussi le silence sur les opérations militaires...
C’est inouï, ce qu’il y a de gens qui prodiguent les tuyaux tac-
tiques et stratégiques ! Il est vrai que leurs indiscrétions sont
réellement nombreuses et contradictoires, qu’elles se neutra-
lisent et n’ont plus aucune espèce d’importance.
L’un m’affirme que la prochaine offensive sera faite, en Egypte,
par l’armée portugaise; l’autre me laisse entendre qu’un corps
d’armée autrichien a tenté de débarquer à Lisbonne ; le troisième
vient d’apprendre, d’un cousin mobilisé comme auxiliaire dans
un hôpital de la rue de la Pompe, que la flotte turque a été
repoussée avec pertes et fracas par une escadre japonaise... J’ap-
prends que les fusiliers marins suisses sont sur pied, que la
Sibérie est transformée en camp retranché et que l’armée belge
est maintenant en liaison avec l’aile gauche de l’armée italienne.
Oh! ma tête !...
Et dire que, d’après le communiqué, il n’y a jamais rien de
nouveau !
Tous ces lanceurs d’informations sensationnelles pèchent par
vanité...
Ils veulent produire de l’effet, épater leurs amis, leurs fournis-
seurs, leur concierge : ils sont dans le grand secret, eux, tandis
que nous... Ah ! pauvres de nous ! Nous sommes ceux qui ne savent
rien, qui ne comptent pas, quelque chose comme des citoyens
de deuxième classe.
Quel personnage infatué que le monsieur qui sait!... Mais aussi
quel raseur!...
Fuyons ce bavard intarissable. Taisons-nous, défilons-nous!
* * * ■ Des raseurs, nous n’en manquerons jamais sous notre
beau ciel...
Le beau ciel va être mis à contribution : pourvu qu’il fasse
lever et mûrir la « moisson de la victoire « !
Un certain nombre de grosses légumes ont signé un éloquent
appel aux agriculteurs, appel que je me permets de résumer
ainsi :
— L’agriculture française doit « avoir » la kultur boche !
En attendant, elle nous a, nous autres, bons citadins français.
Mâtin! Ce qu’ils nous les font payer, les paysans idéalistes de
Paul Deschanel, leurs camemberts, leurs œufs, leurs patates,
leurs carottes et leurs poireaux! Pick-mk-up.
guett, c’est un rêve...
Au fait, ce n’est peut-être qu’un rêve.
Il y a de ces ponts d’or dans lesquels on n’est pas obligé de
couper.
* * * Pendant que les rois et les reines du film gagnent un
argent fou — il faut qu'il soit maboul, en effet — le rigorisme à
la mode empêche les pauvres diables de musiciens de gagner
leur vie...
A Nice, l’autorité a supprimé les concerts dans les cafés et les
restaurants... Soyons tristes!
Et pourquoi ?
Pourquoi ce parti pris de mauvaise humeur et d’austérité ?
Parce qu’il y a la guerre ? Mais il ne suffira, malheureusement
pas, de quelques flonflons pour l’égayer... Et.quand même?
Est-ce que la musique gaspille les denrées alimentaires ? Y
a-t-il une crise de colophane? Les faiseuses d’anches sont-elles
toutes mobilisées dans les usines?
Chose bizarre, si je vais dans un café pour m’y distraire en
écoutant un peu de musique, j’apprends que les plus innocentes
ritournelles sont purement et simplement supprimées... Mais je
peux les remplacer par des petits verres : si la musique est
indécente, la saoulographie ne l’est pas.
— Ne cherchons pas à comprendre! comme dit l’autre...
En Belgique, ou du moins dans le peu qui en reste, la musique
est parfaitement autorisée, et cependant les Belges souffrent
encore plus de la guerre que nous.
Dans la dernière petite plage du littoral où flotte encore le
drapeau noir, jaune et rouge, plusieurs cafés et restaurants
offrent à leurs clients, deux fois par jour, d’agréables concerts...
A quelques kilomètres de la ligne de feu, — tandis qu’au large,
les monitors anglais lancent à grand bruit leurs marmites vers
les fortifications boches — j’ai entendu les valses, les tangos,
les two-steps du bon vieux temps.
Et personne n’en était choqué... Bien au contraire, chacun
prenait grand plaisir à s’étourdir un peu avec des flonflons...
Après tout, nous ne sommes pas des moines guerriers et je
ne vois pas pourquoi nous ne garderions pas la petite somme de
plaisirs honnêtes que veut bien nous concéder cette horrible
guerre.
LA DISETTE BOCHE
Pour augmenter les abatages du
bétail, VAllemagne entame son chep-
tel. (Les journaux.)
— Oui, ma bonne madame, ils bouffent du cheptel !
LA CONSIGNE
— Pas d’urgence qui tienne ! Le Préfet est en train de lire les menus
de tous les restaurants des vingt arrondissements et de la banlieue.
Dessins de L. Métivet.
* * Gardons aussi le silence sur les opérations militaires...
C’est inouï, ce qu’il y a de gens qui prodiguent les tuyaux tac-
tiques et stratégiques ! Il est vrai que leurs indiscrétions sont
réellement nombreuses et contradictoires, qu’elles se neutra-
lisent et n’ont plus aucune espèce d’importance.
L’un m’affirme que la prochaine offensive sera faite, en Egypte,
par l’armée portugaise; l’autre me laisse entendre qu’un corps
d’armée autrichien a tenté de débarquer à Lisbonne ; le troisième
vient d’apprendre, d’un cousin mobilisé comme auxiliaire dans
un hôpital de la rue de la Pompe, que la flotte turque a été
repoussée avec pertes et fracas par une escadre japonaise... J’ap-
prends que les fusiliers marins suisses sont sur pied, que la
Sibérie est transformée en camp retranché et que l’armée belge
est maintenant en liaison avec l’aile gauche de l’armée italienne.
Oh! ma tête !...
Et dire que, d’après le communiqué, il n’y a jamais rien de
nouveau !
Tous ces lanceurs d’informations sensationnelles pèchent par
vanité...
Ils veulent produire de l’effet, épater leurs amis, leurs fournis-
seurs, leur concierge : ils sont dans le grand secret, eux, tandis
que nous... Ah ! pauvres de nous ! Nous sommes ceux qui ne savent
rien, qui ne comptent pas, quelque chose comme des citoyens
de deuxième classe.
Quel personnage infatué que le monsieur qui sait!... Mais aussi
quel raseur!...
Fuyons ce bavard intarissable. Taisons-nous, défilons-nous!
* * * ■ Des raseurs, nous n’en manquerons jamais sous notre
beau ciel...
Le beau ciel va être mis à contribution : pourvu qu’il fasse
lever et mûrir la « moisson de la victoire « !
Un certain nombre de grosses légumes ont signé un éloquent
appel aux agriculteurs, appel que je me permets de résumer
ainsi :
— L’agriculture française doit « avoir » la kultur boche !
En attendant, elle nous a, nous autres, bons citadins français.
Mâtin! Ce qu’ils nous les font payer, les paysans idéalistes de
Paul Deschanel, leurs camemberts, leurs œufs, leurs patates,
leurs carottes et leurs poireaux! Pick-mk-up.