vie? Capter une source ou, si vous voulez, détourner un tor-
rent, est bien aussi coupable que d’interrompre le cours naturel
d’une rivière...
— Vous exagérez !
— Pas beaucoup... Pourquoi serions-nous obligés de dénoncer
les gens qui interrompent le cours naturel de la rivière? Est-ce
que ces justiciers qui veulent faire de nous des pourvoyeurs de
tribunaux, est-ce que ces justiciers ne détournent jamais le tor-
rent? Est-ce qu’ils vont s’en accuser devant la correctionnelle?
Non, évidemment. Tout cela, mon cher, ne fera pas faire un
gosse de plus ou de moins... Plus nous rechercherons la vie
facile, sans soucis, sans responsabilités, sans fils ou fille à la
patte, plus nous considérerons l’enfant comme un accident de
l’amour. Les plus beaux discours, les plus émouvants articles
n’y changeront rien : croire qu’on repeuplera la France avec
des boniments, c’est faire l’enfant... Malheureusement, ce n’est
que dans cet ordre d’idées que nous sommes d’une intarissable
fécondité!
* * La fécondité de l’imagination de certains de nos con-
temporains n’est pas moins remarquable.
Il s’agit de MM. les fournisseurs et intermédiaires.
Allez faire un tour dans le passage de l’Opéra ou bien ins-
tallez-vous à la terrasse de certaines brasseries du boulevard, et
vous entendrez des dialogues de ce genre :
— Voulez-vous 100.000 kilos de lard espagnol?
-— Pas pour le moment, mais si vous désirez du riz suédois,
je peux vous en céder mille tonnes.
— N’avez-vous pas de haricots japonais?
— J’en attends un bateau...
— J’ai aussi en ce moment une petite affaire de maïs irlan-
dais... Cinq cents tonnes, douane payée, à quatre-vingts francs
les 100 kilos.
— Merci... Je cherche du cacao groënlandais.
— Justement, j’en attends un bateau...
Ils attendent tous des bateaux : en effet, je crois que dans
la plupart de ces affaires, il n’y a guère que des bateaux.
LES VÊTEMENTS DE PAPIER EN BOCHIE
— Hermann, mets ton complet buvard plutôt que ton bristol ; voilà
qu’il pleut...
Un a bateau » coulé... Au tour du ST-3.
Dessins de L. Métivet.
Nos bons intermédiaires ont entendu le cri de M. Lloyd George :
— Des bateaux, encore des bateaux et toujours des bateaux!...
Aussi, ne vous indignez pas en entendant les propos de
MM. les intermédiaires : sur dix de ceux-là, il y en a bien huit
qui ne brassent des affaires que dans leur imagination... Ils n’ont
ni producteurs ni clients et le seul commerce qu’ils fassent mar-
cher est celui des limonadiers.
La guerre a décuplé la puissance imaginative de bien des
gens... Ils vivent d’espérances, d’illusions et, en fait de lard
espagnol, de riz suédois ou de maïs irlandais et autres denrées
alimentaires, ils n’ont guère que six ou huit sous de charcuterie
qu’ils mangent mystérieusement après avoir attendu leur bateau
toute la journée à la terrasse de chez Pousset.
* * * Les couturiers ne manquent pas non plus d’imagina-
tion... Il leur en faut pour habiller Eve de telle façon qu’elle
ressemble, tour à tour, à une cloche ou à un parapluie !
Afin de diminuer la consommation des tissus de laine et de
réduire dans toute la mesure du possible les importations, la
Chambre syndicale de la couture parisienne vient de faire con-
naître au Gouvernement que, pour la saison d’hiver 1917-1918,
le métrage employé pour les costumes de laine ne dépassera
pas 4m,50.
Voilà un beau geste patriotique !
Quatre mètres cinquante d’étoffe pour un costume de femme,
la voilà bien la suprême restriction. (Il est vrai que le costume
d’un simple poilu n’exige même pas trois mètres.)
Eve, déjà nommée, s’habillait avec quelques centimètres car-
rés de feuille de vigne, — il n’y avait pas encore la guerre !
Dommage que les restrictions vestimentaires n’aillent pas
jusque-là !
Mais vous verrez que certaines Parisiennes porteront désor-
mais des jupes aussi courtes que le kilt de nos'alliés écossais.
— Que voulez-vous, diront-elles; c’est par patriotisme... Je
porte la jupe Viollette, la jupe économique, restrictive,jusqu’au-
boutiste, c’est-à-dire jusqu’aux genoux!
* * Au Vatican :
benoit xv. — C’est raté... Les canons de l’Église 'ont fait
long feu !
le cardinal gasparri. -— Hélas! Saint-Père, on prend l’Agneau
pascal pour un pacifiste bêlant!
* * * Dans la tranchée:
un territorial. — Le Saint-Père aurait mieux fait de la
boucler...
un autre territorial. — Oui, en ce moment, la parole est à
Saint-Pépère. Pick-me-up.
rent, est bien aussi coupable que d’interrompre le cours naturel
d’une rivière...
— Vous exagérez !
— Pas beaucoup... Pourquoi serions-nous obligés de dénoncer
les gens qui interrompent le cours naturel de la rivière? Est-ce
que ces justiciers qui veulent faire de nous des pourvoyeurs de
tribunaux, est-ce que ces justiciers ne détournent jamais le tor-
rent? Est-ce qu’ils vont s’en accuser devant la correctionnelle?
Non, évidemment. Tout cela, mon cher, ne fera pas faire un
gosse de plus ou de moins... Plus nous rechercherons la vie
facile, sans soucis, sans responsabilités, sans fils ou fille à la
patte, plus nous considérerons l’enfant comme un accident de
l’amour. Les plus beaux discours, les plus émouvants articles
n’y changeront rien : croire qu’on repeuplera la France avec
des boniments, c’est faire l’enfant... Malheureusement, ce n’est
que dans cet ordre d’idées que nous sommes d’une intarissable
fécondité!
* * La fécondité de l’imagination de certains de nos con-
temporains n’est pas moins remarquable.
Il s’agit de MM. les fournisseurs et intermédiaires.
Allez faire un tour dans le passage de l’Opéra ou bien ins-
tallez-vous à la terrasse de certaines brasseries du boulevard, et
vous entendrez des dialogues de ce genre :
— Voulez-vous 100.000 kilos de lard espagnol?
-— Pas pour le moment, mais si vous désirez du riz suédois,
je peux vous en céder mille tonnes.
— N’avez-vous pas de haricots japonais?
— J’en attends un bateau...
— J’ai aussi en ce moment une petite affaire de maïs irlan-
dais... Cinq cents tonnes, douane payée, à quatre-vingts francs
les 100 kilos.
— Merci... Je cherche du cacao groënlandais.
— Justement, j’en attends un bateau...
Ils attendent tous des bateaux : en effet, je crois que dans
la plupart de ces affaires, il n’y a guère que des bateaux.
LES VÊTEMENTS DE PAPIER EN BOCHIE
— Hermann, mets ton complet buvard plutôt que ton bristol ; voilà
qu’il pleut...
Un a bateau » coulé... Au tour du ST-3.
Dessins de L. Métivet.
Nos bons intermédiaires ont entendu le cri de M. Lloyd George :
— Des bateaux, encore des bateaux et toujours des bateaux!...
Aussi, ne vous indignez pas en entendant les propos de
MM. les intermédiaires : sur dix de ceux-là, il y en a bien huit
qui ne brassent des affaires que dans leur imagination... Ils n’ont
ni producteurs ni clients et le seul commerce qu’ils fassent mar-
cher est celui des limonadiers.
La guerre a décuplé la puissance imaginative de bien des
gens... Ils vivent d’espérances, d’illusions et, en fait de lard
espagnol, de riz suédois ou de maïs irlandais et autres denrées
alimentaires, ils n’ont guère que six ou huit sous de charcuterie
qu’ils mangent mystérieusement après avoir attendu leur bateau
toute la journée à la terrasse de chez Pousset.
* * * Les couturiers ne manquent pas non plus d’imagina-
tion... Il leur en faut pour habiller Eve de telle façon qu’elle
ressemble, tour à tour, à une cloche ou à un parapluie !
Afin de diminuer la consommation des tissus de laine et de
réduire dans toute la mesure du possible les importations, la
Chambre syndicale de la couture parisienne vient de faire con-
naître au Gouvernement que, pour la saison d’hiver 1917-1918,
le métrage employé pour les costumes de laine ne dépassera
pas 4m,50.
Voilà un beau geste patriotique !
Quatre mètres cinquante d’étoffe pour un costume de femme,
la voilà bien la suprême restriction. (Il est vrai que le costume
d’un simple poilu n’exige même pas trois mètres.)
Eve, déjà nommée, s’habillait avec quelques centimètres car-
rés de feuille de vigne, — il n’y avait pas encore la guerre !
Dommage que les restrictions vestimentaires n’aillent pas
jusque-là !
Mais vous verrez que certaines Parisiennes porteront désor-
mais des jupes aussi courtes que le kilt de nos'alliés écossais.
— Que voulez-vous, diront-elles; c’est par patriotisme... Je
porte la jupe Viollette, la jupe économique, restrictive,jusqu’au-
boutiste, c’est-à-dire jusqu’aux genoux!
* * Au Vatican :
benoit xv. — C’est raté... Les canons de l’Église 'ont fait
long feu !
le cardinal gasparri. -— Hélas! Saint-Père, on prend l’Agneau
pascal pour un pacifiste bêlant!
* * * Dans la tranchée:
un territorial. — Le Saint-Père aurait mieux fait de la
boucler...
un autre territorial. — Oui, en ce moment, la parole est à
Saint-Pépère. Pick-me-up.