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Le rire rouge: édition de guerre du journal le rire: Le rire rouge: édition de guerre du journal le rire — 1917 (Nr. 112-163)

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https://doi.org/10.11588/diglit.25446#0580
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DANS LES COULOIRS

LE MIEUX EST L’ENNEMI

Il n’avait pas eu peur à Craonne, il n’avait pas eu peur au
Chemin des Dames. Et cependant, lorsqu’il vit son doigt appuyer
sur la sonnette de la porte d’entrée de Suzy Villard, sa mar-
raine, il s’aperçut que sa main tremblait.

Un gosse? Non, mais un très jeune homme que la guerre avait
déshabitué des aventures bien parisiennes... Car c’était l’éter-
nelle histoire : l’échange de missives affectionnées, puis tendres,
câlines, puis amoureuses...

Et il ne l'avait vue qu’une fois lors de sa dernière permission,
une heure, entre deux trains :

— Non, mon petit, non, lui avait-elle dit franchement. Ce
serait aujourd’hui gâcher notre bonheur, mais lors de votre
prochaine venue, peut-être... peut-être...

Et, le cœur gonflé de la joie de ce soupçon de promesse,
Georges Castillan attendait à la porte.

*

A demi étendue sur les coussins de son boudoir, Suzy, les
yeux rêveurs, écoutait tous les compliments que lui prodiguait
son filleul ;

— Si vous saviez, ma rose marraine, comme votre vision m’est
précieuse là-bas; comme votre seule pensée peut renouveler ma
provision de courage et savoir me faire patienter! Car j’ai pour
vous, vous le savez, un sentiment plus doux qu’une simple affec-
tion. C’est...

« Evidemment, songeait la jeune femme, évidemment mon
délicat filleul est familier de ce que nous appelons à l’arrière
comme à l’avant le boniment ou bourrage de crâne! Mais quoi!
Après tout, ce brave petit est peut-être sincère — sans doute,
même. Dès lors, il serait cruel de le faire souffrir et je ne vois
pas pourquoi... »

Puis, comme, dans la conversation, quelques instants plus tard,
ils évaluaient mutuellement leurs âges respectifs :

— Vous êtes un tout petit garçon, affirma la jolie Suzy... Vous
n’avez pas encore vingt ans !

— Croyez-vous?

—- Sans doute.

— Vous n’êtes guère physionomiste, mademoiselle Suzy Vil-
lard, ma marraine! *

—■ Et vous, seriez-vous plus adroit, monsieur Georges Cas-
tillan, mon filleul ?

— Certes. 1

— La preuve !

— La preuve? C’est que, sans me tromper, je puis dire votre
âge... à une condition cependant... C’est que, si je devine... si je
devine ... vous acceptiez... vous acceptiez...

Amusée, la marraine, prête à tout déjà, accepta ce jeu.

— Eh bien, soit! monsieur mon filleul; mais vous risquez
fort...

—- Je ne risque rien, conclut Jean, infatué. Laissez-moi, mar-
raine, prendre congé de vous. Je vais faire quelques visites
obligatoires dans ma famille et je reviendrai vous prendre pour
dîner. Ai-je besoin de vous cacher qu’une gerbe de roses précé-
dera ma venue? Vous compterez ces roses, marraine, et si leur
nombre égale celui de vos années, je serai ce soir le plus heu-
reux des hommes !...

— Vous êtes un délicieux chenapan, minauda la marraine.

Et déjà debout, sur un dernier baise-main. Georges s’était

enfui, pressé de courir chez sa fleuriste.

*

* *

— Ou ma petite marraine est absolument consentante, ou elle
manque totalement de mémoire, songeait le jeûne homme, tandis
qu’une quarante-chevaux l’emmenait en quatrième vitesse chez
Mme Boliveau, sa fleuriste attitrée. Quoi qu’il en soit, je suis
vainqueur puisqu’elle-même, dans une de ses premières épîtres,
m’a avoué' tout simplement son âge. Inconséquence des femmes!
Mjhs qu’importe, puisque ma Suzy est exquise et qu’il se pour-

LES AFFAIRES EN COURS
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