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Le rire rouge: édition de guerre du journal le rire: Le rire rouge: édition de guerre du journal le rire — 1917 (Nr. 112-163)

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https://doi.org/10.11588/diglit.25446#0587
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ENTRE « CHIFFONNIERS )>

« Ces traités sont à jeter aux ordures... » (La bande a Lenine.)
Bethmann. — Mes compliments! Vous parlez allemand aussi bien que nous.

LE RIRE DE LA SEMAINE

: L’autre soir, dans une rue obscure, je suis accosté par un indi-
vidu qui me demande :

— Monsieur est amateur?

Il tient à la main quelque chose de blanc, — des cartes trans-
parentes, évidemment.

Très digne, je réponds :

— Laissez-moi...

— Monsieur, ce sont des cigarettes... des cigarettes de caporal
ordinaire. Vous n’en trouverez pas dans les débits.

— Combien?

— Un sou pièce...

— Donnez-m’en vingt, profiteur de la guerre !...

La crise du tabac navre beaucoup de gens.

— Ah! monsieur, me disait un grand fumeur de pipes, le sol-
dat tient bon... C’est le caporal qui nous lâche!

Nous manquons même d’un petit caporal!

— Ils n’ont pas de tabac ordinaire, déclare la Régie, qu’ils
fument des cigarettes égyptiennes!...

Ne plaisantons pas : la plante de Jean Nicot est indispensable
à la défense nationale tout autant que le blé. On se contente de
tout quand on a de quoi fumer... Nos pères chantaient :

Vivent le vin, l’amour et le tabac!

Le vin est cher et le tabac est rare... il nous reste l’amour qui,
lui, est toujours en vente dans les débits. C'est la seule denrée —
car, au fond, c’en est une-—qui n’ait pas « raugmenté » ; aussi la
création d’une carte d’amour n’est-elle pas à prévoir, — du moins
pour tout le monde.

Au fond, s’il devient plus difficile de bourrer sa pipe que de
bourrer les crânes> la faute en est bien un peu au public... Il y
a des accapareurs, des égoïstes qui ont rempli leurs armoires,
voire leurs caves, de paquets de scaferlati. Je connais un bon
patriote qui est parvenu à collectionner 450 paquets. Ah! il se
moque bien du voisin qui, lui, n’a pas pensé ou voulu user du
système D !

Eh bien, voulez-vous que je vous dise?

Le peuple devrait s’emparer de ce stock de tabac et y mettre

le feu, ce serait bien fait! Et si, dans la bagarre, l’accapareur
cassait sa pipe, je ne perdrais pas mon temps à le déplorer.

* * * M. Dalimier vient, lui, de casser la sienne, — une pipe
d’art, cependant!

A vrai dire, c’est un coup de patte du Tigre qui a fait tout le
mal. — Voici le fidèle récit de ce douloureux événement.

M. Dalimier se promenait dans le Bois sacré... Le Bois sacré
est un charmant endroit. On y rencontre, dans les sentiers de la
Vertu, de jolies actrices subventionnées par l’Etat et les fournis-
seurs de l’Etat; on y entend de voluptueuses musiques, on y
marche sur des tapis fidèlement conservés par MM. Gustave
Geffroy et Jean Ajalbert, on y parle d’art, de beauté, d’idéal,
d’amour, on y poursuit des nymphes en tutu de danseuses, on y
oublie dans une atmosphère tiède — le Bois sacré est chauffé
au calorifère — les embêtements de la politique et les anxiétés
de la guerre.

Qu’il était bem dans le Bois sacré, cet excellent M. Dalimier,
avec sa barbe frisée et son crâne poli comme un marbre de Phidias !
Sous les portiques des palais qui dressent de ci de là leurs blanches
colonnades, M. Dalimier tenait d’athéniens propos à de jeunes
artistes, à de sveltes poétesses, à d’élégantes comédiennes... Et
les jours suivaient les jours, tressés de fils d’or et de soie.

Or, un jour, dans je ne sais quel fourré du Bois sacré, le pauvre
M. Dalimier rencontra un Tigre.

Et quel Tigre ! Un Tigre aux yeux fulgurants, à l’échine fré-
missante, aux jarrets souples, aux dents formidables, aux griffes
d’acier.

—- Que fais-tu ici? demanda cette bête féroce.

Balbutiant, M. Dalimier répondit :

— Vous voyez... je me promène... je rêve... je disserte... je...

— Ce n’est pas le moment!

— On m’a mis ici pour ça!

— » On » ? En effet, celui qui vous a placé ici est un « on »...
Moi, je suis un Tigre, un Tigre quœrens quem devoret. Mettez-
vous en long, que je vous avale !...

— Et l’art, 6 seigneur Tigre, et la Beauté, et l’Idéal, et les
théâtres subventionnés, et les corps de ballet, et le Conserva-
toire, et... ?

— Je m'en f... ! répondit le Tigre.

Et c’est ainsi que l’infortuné M. Dalimier fut dévoré.
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