LE PETIT JEU DU JOUR
rue ! t
— Tout de mênie ?
— ... par un ami qui s’est informé de sa santé!
Dessin de Marcel Arnac.
INVENTIONS NOUVELLES
ET
DERNIERES NOUVEAUTÉS
Parmi les coutumes de l’heure présente, il n’en est pas de
plus touchante que celle des photographies de poilus portées
au cou en médaillon par les employées du .métro, les munition-
nettes ou les receveuses de nos tramways. C’est un hommage
perpétuel rendu au cher absent, c’est, en même temps, un
avertissement destiné à écarter les propos gal'ants et déplacés.
Malheureusement, des mercantis sans scrupules, spéculant
odieusement sur les faiblesses féminines, viennent de commer-
cialiser d’une façon déplorable cette touchante coutume.
Depuis quelque temps on remarquait, en effet, dans nos grands
journaux parisiens une annonce, toujours la même, réclamant
« pour photographe' de beaux modèles masculins, adolescents,
garçons bouchers ou garçons coiffeurs de préférence ; che-
veux plais, s'abstenir. »
A la suite d’une enquête discrète menée par la police des
mœurs, nous avons eu, ces jaurs-ci, la clef de ce mystère : le
photographe, grâce à ses modèles dont il faisait friser soigneu-
sement les cheveux et la moustache, exécutait, d’accord avec un
bijoutier, de jolis médaillons contenant les photographies de
jeunes gens de toute beauté.
Ces médaillons, par centaines, étaient achetés par de vieilles
filles laides ou des marchandes des quatre saisons hors d’âge
qui les prônaient ostensiblement et trouvaient ainsi, dans les
regards attendris et étonnés du public, des consolations que
leur physique défectueux semblait leur refuser à tout jamais.
C’est là, somme toute, un plaisir assez innocent qui caractérise
d’une façon curieuse les mœurs de notre temps.
Ajoutons enfin, détail amusant, que l’enquête avait été provo-
quée par la plainte de l’épouse légitime de l’un des beaux gar-
çons photographiés qui avait retrouvé avec horreur le portrait
de son mari suspendu dans les gorges alpestres de vingt-sept
marchandes différentes des quatre saisons.
* * * Un pénible incident s’est déroulé dernièrement dans un
de nos grands restaurants à la mode. Le maître d’hôtel venait
de présenter la carte à une de nos personnalités parisiennes les
plus connues, lorsque l’on vit brusquement le grand personnage
en question qui, après avoir lu les premiers mots du menu, s’af-
faissait brusquement sur la banquette. Le malheureux avait suc-
combé à une attaque. v
Les personnes présentes très émues se précipitèrent sur la
carte pour découvrir la mention qui avait pu provoquer chez le
dîneur cette fatale émotion et ils lurent, écrits en grosse ronde,
ces simples mots : « potage santé. «
A la suite de ce regrettable incident et, étant données les fluc-
tuations actuelles de la haute société parisienne, le syndicat
‘des restaurateurs a décidé de supprimer désormais le mot santé
de tous ses menus.
* * On s’entretient, dans les couloirs de la Chambre d'une
réforme de notre régime parlementaire qui mettrait fin d’une
façon fort heureuse et des plus simples à toutes nos crises mi-
nistérielles.
Il suffirait tout simplement, lors de la constitution d’un nou-
veau ministère, d’augmenter légèrement le nombre de nos sous-
secrétaires d’Etat et de le porter définitivement à deux cent
cinquante.
Nos ministres prenant généralement part au vote, la majorité
en faveur du ministère serait ainsi assurée d’une façon à peu
près certaine et tout danger de crise serait, une fois pour toutes,
conjuré.
Démentons, à ce propos, le bruit qui avait couru,' d’une nomi-
nation éventuelle de tous les députés au poste de sous-secré-
taire d’Etat, car il est essentiel qu’une minorité subsiste pour
assurer le bon fonctionnement du système parlementaire.
* * * Pour conjurer la crise du chauffage due, on le sait,
principalement à la crise des transports, l’Administration des
Eaux et Forêts vient de décider de planter toutes les forêts
situées au nord de Paris d’essences d’arbres dits à racines tra-
çantes. On espère ainsi réaliser d’une façon pratique « la forêt
qui marche » de Macbeth. Les arbres ayant une tendance à se
diriger vers le Midi, les forêts du Nord s’avanceront ainsi pro-
gressivement vers Paris et se trouveront automatiquement, dans
quelques années, à la poTtée des consommateurs.
* * * Le public s’est épau en apprenant que tous les alcools
sans exception allaient êthe réquisitionnés. 11 convient, sur ce
point, d’apporter quelques précisions, particulièrement en ce
qui concerne les thermomètres appartenant à des particuliers.
Rappelons qu'aux termes du décret la moitié seulement de
l’alcool contenu dans chaque thermomètre sera réquisitionnée
par l’Etat. L’Administration, après enquête du comité technique,
a jugé, en effet, paraît-il, qu’une faible quantité d’alcool était
suffisante dans chaque thermomètre à l’entrée de l’hiver : « On
peut prévoir, en effet, que dans les mois qui vont venir, dit
le rapporteur, cette petite quantité d’alcool suffira pour rem-
plit, le thermomètre jusqu’à 5° ou 15°, quantité largement suf-
fisante, étant donnée la température moyenne des mois d’hiver. »
Aux approches de l'été, des cartes d’alcool seront délivrées
aux particuliers leur permettant de toucher les faibles quantités
nécessaires pour remplir leur thermomètre jusqu’à 25u ou 30°,
quantité également suffisante, par les temps que nous traver-
sons, pour indiquer la température estivale. Inclinons-nous de-
vant ces décisions du comité technique, bien qu’elles ne nous
paraissent point toujours basées sur des principes scientifiques
rigoureusement exacts. G- de Pawlowski.
la belle-mère boche
rue ! t
— Tout de mênie ?
— ... par un ami qui s’est informé de sa santé!
Dessin de Marcel Arnac.
INVENTIONS NOUVELLES
ET
DERNIERES NOUVEAUTÉS
Parmi les coutumes de l’heure présente, il n’en est pas de
plus touchante que celle des photographies de poilus portées
au cou en médaillon par les employées du .métro, les munition-
nettes ou les receveuses de nos tramways. C’est un hommage
perpétuel rendu au cher absent, c’est, en même temps, un
avertissement destiné à écarter les propos gal'ants et déplacés.
Malheureusement, des mercantis sans scrupules, spéculant
odieusement sur les faiblesses féminines, viennent de commer-
cialiser d’une façon déplorable cette touchante coutume.
Depuis quelque temps on remarquait, en effet, dans nos grands
journaux parisiens une annonce, toujours la même, réclamant
« pour photographe' de beaux modèles masculins, adolescents,
garçons bouchers ou garçons coiffeurs de préférence ; che-
veux plais, s'abstenir. »
A la suite d’une enquête discrète menée par la police des
mœurs, nous avons eu, ces jaurs-ci, la clef de ce mystère : le
photographe, grâce à ses modèles dont il faisait friser soigneu-
sement les cheveux et la moustache, exécutait, d’accord avec un
bijoutier, de jolis médaillons contenant les photographies de
jeunes gens de toute beauté.
Ces médaillons, par centaines, étaient achetés par de vieilles
filles laides ou des marchandes des quatre saisons hors d’âge
qui les prônaient ostensiblement et trouvaient ainsi, dans les
regards attendris et étonnés du public, des consolations que
leur physique défectueux semblait leur refuser à tout jamais.
C’est là, somme toute, un plaisir assez innocent qui caractérise
d’une façon curieuse les mœurs de notre temps.
Ajoutons enfin, détail amusant, que l’enquête avait été provo-
quée par la plainte de l’épouse légitime de l’un des beaux gar-
çons photographiés qui avait retrouvé avec horreur le portrait
de son mari suspendu dans les gorges alpestres de vingt-sept
marchandes différentes des quatre saisons.
* * * Un pénible incident s’est déroulé dernièrement dans un
de nos grands restaurants à la mode. Le maître d’hôtel venait
de présenter la carte à une de nos personnalités parisiennes les
plus connues, lorsque l’on vit brusquement le grand personnage
en question qui, après avoir lu les premiers mots du menu, s’af-
faissait brusquement sur la banquette. Le malheureux avait suc-
combé à une attaque. v
Les personnes présentes très émues se précipitèrent sur la
carte pour découvrir la mention qui avait pu provoquer chez le
dîneur cette fatale émotion et ils lurent, écrits en grosse ronde,
ces simples mots : « potage santé. «
A la suite de ce regrettable incident et, étant données les fluc-
tuations actuelles de la haute société parisienne, le syndicat
‘des restaurateurs a décidé de supprimer désormais le mot santé
de tous ses menus.
* * On s’entretient, dans les couloirs de la Chambre d'une
réforme de notre régime parlementaire qui mettrait fin d’une
façon fort heureuse et des plus simples à toutes nos crises mi-
nistérielles.
Il suffirait tout simplement, lors de la constitution d’un nou-
veau ministère, d’augmenter légèrement le nombre de nos sous-
secrétaires d’Etat et de le porter définitivement à deux cent
cinquante.
Nos ministres prenant généralement part au vote, la majorité
en faveur du ministère serait ainsi assurée d’une façon à peu
près certaine et tout danger de crise serait, une fois pour toutes,
conjuré.
Démentons, à ce propos, le bruit qui avait couru,' d’une nomi-
nation éventuelle de tous les députés au poste de sous-secré-
taire d’Etat, car il est essentiel qu’une minorité subsiste pour
assurer le bon fonctionnement du système parlementaire.
* * * Pour conjurer la crise du chauffage due, on le sait,
principalement à la crise des transports, l’Administration des
Eaux et Forêts vient de décider de planter toutes les forêts
situées au nord de Paris d’essences d’arbres dits à racines tra-
çantes. On espère ainsi réaliser d’une façon pratique « la forêt
qui marche » de Macbeth. Les arbres ayant une tendance à se
diriger vers le Midi, les forêts du Nord s’avanceront ainsi pro-
gressivement vers Paris et se trouveront automatiquement, dans
quelques années, à la poTtée des consommateurs.
* * * Le public s’est épau en apprenant que tous les alcools
sans exception allaient êthe réquisitionnés. 11 convient, sur ce
point, d’apporter quelques précisions, particulièrement en ce
qui concerne les thermomètres appartenant à des particuliers.
Rappelons qu'aux termes du décret la moitié seulement de
l’alcool contenu dans chaque thermomètre sera réquisitionnée
par l’Etat. L’Administration, après enquête du comité technique,
a jugé, en effet, paraît-il, qu’une faible quantité d’alcool était
suffisante dans chaque thermomètre à l’entrée de l’hiver : « On
peut prévoir, en effet, que dans les mois qui vont venir, dit
le rapporteur, cette petite quantité d’alcool suffira pour rem-
plit, le thermomètre jusqu’à 5° ou 15°, quantité largement suf-
fisante, étant donnée la température moyenne des mois d’hiver. »
Aux approches de l'été, des cartes d’alcool seront délivrées
aux particuliers leur permettant de toucher les faibles quantités
nécessaires pour remplir leur thermomètre jusqu’à 25u ou 30°,
quantité également suffisante, par les temps que nous traver-
sons, pour indiquer la température estivale. Inclinons-nous de-
vant ces décisions du comité technique, bien qu’elles ne nous
paraissent point toujours basées sur des principes scientifiques
rigoureusement exacts. G- de Pawlowski.
la belle-mère boche