AFFAIRES ü'iTAI.IE
— Je concentre mon gros pour mes besoins et je vous attends tran-
quillement sur le Pô ! Dessin de Dharm.
UN BEC DE GAZ
Le sous-lieutenant Lebouc était d’une exécrable humeur. Rien
que de très naturel, sa petite amie Hortense venant de lui donner
congé. Se promenant sur les grands boulevards, elle s’était
brusquement amourachée d’un Américain géant, à face glabre et
au feutre ep bavai lie; les mots d’amour qu’il lui susurrerait sans
qu’elle les comprît,pensait-elle, devaient lui procurer des frissons
inconnus.
Le sous-lieutenant Leboucjeta, d’un geste rageur, la cigarette
qui s’était éteinte à ses lèvres, vida d’un trait son amer et, mena-
çant, murmura :
— Y a pas d’erreur, faut que j’apaise mes nerfs sur quelqu’un...
Le premier militaire qui passe sans me saluer ou vêtu d’une
tenue fantaisie, n’y coupe pas de ses quatre jours de « tôle » !
Comme par un fait exprès, tous les soldats ce matin-là étaient
d’une courtoisie inaccoutumée. Arrivés à six pas du sous-lieu-
tenant Lebouc, ils portaient vivement la main à la visière de
leur képi, en plongeant droit leur regard dans les yeux de leur
supérieur. Ils n’auraient pas salué le généralissime avec plus de
correction... Quant à leur tenue, elle était on ne peut plus régu-
lière. Pas la moindre vareuse à col rabattu, pas la plus petite
cravate aux couleurs tendres, pas même une minuscule poche
à soufflet.
Il ne passait’que de bons bougres de poilus qui jugeaient par-
faite la coupe des effets octroyés par l’Intendance.
Après plus d’une heure d’attente vaine, alors qu’il en était à
NE LAISSONS RIEN PERDRE
— Oh ! il m’est pas gourmand..., j’ai plutôt trop de lait.. .
— . .. devriez en faire des camemberts : c’est d’un très bon rappoi t.
Dessin de M. Radiguet
—\ V’ià ce que j’viens de trouver dans ma soupe !
— Quel bonheur ! Moi qui- ne pouvais pas me rappeler où je l’avais
posee. -Dessin de H. Armexgoi..
son cinquième amer, le sous-lieutenant Lebouc vit enfin passer
un humble soldat de deuxième classe qui ne portait pas d’écussons
à sa veste.
— Voilà mon affaire, gronda-t-il.
Parvenu à sa hauteur, le poilu, les mains dans les poches et la
bouffarde au bec, le considéra d’un œil curieux et ne salua pas.
Le sous-lieutenant Lebouc bondit :
— Militaire!... Hé! militaire!...
Le soldat paraissait ne pas entendre et quictement continuait
sa route. Alors, courant sur lui et l’arrêtant par le-bras :
— Mettez-vous à six pas et saluez.
— Plaît-il ?
- Metlez-vous à six pas et saluez.
—- Vous saluer?.. Et en quel honneur, monsieur?.. Je n’ai pas
l’heur de vous connaître.
— Je vous ordonne de vous mettre à six pas... Est-ce clair?
— Je suis navré... mais je n’en ferai rien.
—- Ah 1 vous voulez jouer au petit soldat?.. Votre compte est
bon, mon ami... Quel est le numéro do votre régiment?
— Monsieur, je suis ce qu’on appelle un bon garçon... Je n’ai
LES VÊTEMENTS EN PAPIER
— Je vous recommande cette qualité en tissu Francfort, garanti pur
chiffon de papier. Dessin de Raoul VtoN.
— Je concentre mon gros pour mes besoins et je vous attends tran-
quillement sur le Pô ! Dessin de Dharm.
UN BEC DE GAZ
Le sous-lieutenant Lebouc était d’une exécrable humeur. Rien
que de très naturel, sa petite amie Hortense venant de lui donner
congé. Se promenant sur les grands boulevards, elle s’était
brusquement amourachée d’un Américain géant, à face glabre et
au feutre ep bavai lie; les mots d’amour qu’il lui susurrerait sans
qu’elle les comprît,pensait-elle, devaient lui procurer des frissons
inconnus.
Le sous-lieutenant Leboucjeta, d’un geste rageur, la cigarette
qui s’était éteinte à ses lèvres, vida d’un trait son amer et, mena-
çant, murmura :
— Y a pas d’erreur, faut que j’apaise mes nerfs sur quelqu’un...
Le premier militaire qui passe sans me saluer ou vêtu d’une
tenue fantaisie, n’y coupe pas de ses quatre jours de « tôle » !
Comme par un fait exprès, tous les soldats ce matin-là étaient
d’une courtoisie inaccoutumée. Arrivés à six pas du sous-lieu-
tenant Lebouc, ils portaient vivement la main à la visière de
leur képi, en plongeant droit leur regard dans les yeux de leur
supérieur. Ils n’auraient pas salué le généralissime avec plus de
correction... Quant à leur tenue, elle était on ne peut plus régu-
lière. Pas la moindre vareuse à col rabattu, pas la plus petite
cravate aux couleurs tendres, pas même une minuscule poche
à soufflet.
Il ne passait’que de bons bougres de poilus qui jugeaient par-
faite la coupe des effets octroyés par l’Intendance.
Après plus d’une heure d’attente vaine, alors qu’il en était à
NE LAISSONS RIEN PERDRE
— Oh ! il m’est pas gourmand..., j’ai plutôt trop de lait.. .
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Dessin de M. Radiguet
—\ V’ià ce que j’viens de trouver dans ma soupe !
— Quel bonheur ! Moi qui- ne pouvais pas me rappeler où je l’avais
posee. -Dessin de H. Armexgoi..
son cinquième amer, le sous-lieutenant Lebouc vit enfin passer
un humble soldat de deuxième classe qui ne portait pas d’écussons
à sa veste.
— Voilà mon affaire, gronda-t-il.
Parvenu à sa hauteur, le poilu, les mains dans les poches et la
bouffarde au bec, le considéra d’un œil curieux et ne salua pas.
Le sous-lieutenant Lebouc bondit :
— Militaire!... Hé! militaire!...
Le soldat paraissait ne pas entendre et quictement continuait
sa route. Alors, courant sur lui et l’arrêtant par le-bras :
— Mettez-vous à six pas et saluez.
— Plaît-il ?
- Metlez-vous à six pas et saluez.
—- Vous saluer?.. Et en quel honneur, monsieur?.. Je n’ai pas
l’heur de vous connaître.
— Je vous ordonne de vous mettre à six pas... Est-ce clair?
— Je suis navré... mais je n’en ferai rien.
—- Ah 1 vous voulez jouer au petit soldat?.. Votre compte est
bon, mon ami... Quel est le numéro do votre régiment?
— Monsieur, je suis ce qu’on appelle un bon garçon... Je n’ai
LES VÊTEMENTS EN PAPIER
— Je vous recommande cette qualité en tissu Francfort, garanti pur
chiffon de papier. Dessin de Raoul VtoN.