INVENTIONS NOUVELLES
ET
DERNIÈRES NOUVEAUTÉS
On sait maintenant, dans le gros public, quel fut le motif réel
des courtes grèves qui désolèrent récemment nos usines de mu-
nitions. Les ouvrières, parait-il, avaient réclamé tout simplement
le rétablissement du tour pour les enfants. Cette revendication,
en somme, était des plus légitimes.
A une époque où l’outillage s’est développé dans des propor-
tions fantastiques et où l’on construit des tours pour les plus
gros .canons, il est absolument ridicule de ne pouvoir obtenir
quelques-uns de ces tours en bois, d’une construction si facile,
que l’Administration mettait si complaisamment, il y a de cela
des siècles, à la disposition de nos aïeules.
Allons, monsieur Lebureau, un bon mouvement : en temps de
guerre, nous n’en sommes point à quelques tours près !
„. * * Une bien curieuse institution qui caractérise les mœurs
de notre temps, est celle des diners-éeole, que vient de lancer
un de nos plus élégants restaurants parisiens.
Ces dîners, d’un prix assez élevé (200 francs par tête, pour-
boire non compris), sont, hâtons-nous de le dire, composés de
la plus savoureuse façon et permettent aux convives de passer
une soirée des plus agréables. Toutefois, comme nous sommes
en guerre et que l’utile doit toujours, en ce moment, se mêler à
l’agréable, ces dîners, exclusivement réservés aux nouveaux
riches, sont destinés, tout en même temps, à faire leur éduca-
tion mondaine ; ils sont présidés par le maître d’hôtel dont la
haute distinction et les favoris permettent de croire que la pré-
sidence du repas fut donnée à un amiral ou à quelque haut per-
sonnage de la magistrature.
Les plats servis sont, répétons-le, exquis, mais ils ne compren-
nent que des aliments difficiles à manger. Après le potage, qu’il
convient de prendre d’une façon plus discrète qu’un chien de
■.chasse rentrant au logis après trois jours d’absence, se pose le
problème des bêtes à carapace : crevettes, écrevisses à la borde-
laise et homard à l’américaine, sans oublier les huîtres qu’il est
toujours préférable de ne pas découper sur son assiette.
Les nouveaux riches sont également invités à découper un
gigot autrement qu’en cubes; on leur indique la manière de ne
pas couper un canard en quatre et de ne pas imiter les freins
Westinghouse en absorbant du macaroni. Le maître d’hôtel
veille également à ce que les convives ne sortent pas leur cou-
teau de leur poche ; il veille, par contre, dans l’intérêt de la
maison, à ce qu’ils ne remettent point, par distraction, le cou-
teau qui est sur la table,fdans leur pantalon.
Le maître d’hôtel met les convives à l’amende lorsqu’ils
essuient leur couteau sur le pain avant de le couper, lorsqu’ils
INDISPENSABLES !
— Parlez pas sans savoir... : c'est nous qu’on assure la Dépense
nationale ! Dessin de Mars-Trick.
RAJEUNISSONS NOTRE VOCABULAIRE!
— C’est-y que vous attendez un ordre du généralissime des alliés?...
Dessin de OGalop.
mettent les coudes sur la table, lorsqu’ils se retournent tout
d’une pièce pour se moucher bruyamment. Il leur interdit, en
tout état de cause, de prendre le camembert à pleines mains et
de se curer les dents avec leur fourchette.
Tout cela ne va pas, évidemment, sans difficultés, et ce sont
des explosions de rire lorsqu’un nouveau riche, essayant de
peler un fruit avec son couteau envoie sa poire dans- celle de
son voisin. »
Le maître d’hôtel doit interdire les plus innocentes plaisan-
teries, il ne supporte même pas que les nouveaüx riches, avant
de se verser à boire, imitent le bruit d’une bouteille qu’on
débouche en introduisant leur doigt dans le goulot et en l’arra-
chant brusquement. Au surplus, tout bruit suspect est sévère-
ment interdit.
Moyennant un abonnement, les nouveaux riches peuvent être
admis également au cours supérieur hebdomadaire de conver-
sation et apprennent ainsi, de professeurs spéciaux, l’art et la
manière de prononcer à table quelques phrases qu’ils ne com-
prennent pas, mais qui peuvent donner une haute idée de leurs
connaissances littéraires, artistiques ou scientifiques. C’est là,
somme toute, une initiative fort intelligente, et qui permettra
prochainement aux nouveaux riches d’en savoir tout autant que
les anciens.
# * * En dépit de la guerre, lés marchands de jouets pour
enfants ne perdent jamais le sens de l’actualité. C’est ainsi qu’un
grand magasin des boulevards lance, pour le 1er janvier, la boite-
complot pour enfants qui, malgré son prix relativement élevé,
fera fureur à la veille du Jour de l’An.
La boîte-complot pour enfants, analogue aux boîtes Je cro-
quet actuellement en usage, est construite en pitchpin avec deux
poignées en corde pour la porter. Elle contient deux poignards
de bois teints en rouge avec une instruction imprimée conte-
nant les formules à réciter pour la bénédiction des poignards,
deux manteaux couleur muraille en papier de soie, une boîte de
caviar, trois pistolets à pierre avec, une boîte d’amorces pour
faire'•du bruit, une arbalète et plusieurs petites frondes à moi-
neaux.
Le modèle riche en pitchpin verni contient un assortiment de
robes rouges et de cagoules en papier permettaut aux enfants
de jouer à la Haute-Cour.
Le modèle de luxe contient enfin, en supplément, douze paires
de beaux lacets de soie, une bergerie suisse et quelques tablettes
de chocolat Bernsdorff.
Notons en terminant que, contrairement au premier prospec-
tus de la maison, le journal complet se vend à part avec une
petite rotative pour enfants, des caractères mobiles et un petit
ameublement de salon pour directeur littéraire.
Ces jouets, fort a nusants, permettent aux enfants de passer
d’excellentes soirées tout en s’instruisant des nécessités de la vie
sous la direction de leurs mères attentives.
G. DE Pawlowski.
ET
DERNIÈRES NOUVEAUTÉS
On sait maintenant, dans le gros public, quel fut le motif réel
des courtes grèves qui désolèrent récemment nos usines de mu-
nitions. Les ouvrières, parait-il, avaient réclamé tout simplement
le rétablissement du tour pour les enfants. Cette revendication,
en somme, était des plus légitimes.
A une époque où l’outillage s’est développé dans des propor-
tions fantastiques et où l’on construit des tours pour les plus
gros .canons, il est absolument ridicule de ne pouvoir obtenir
quelques-uns de ces tours en bois, d’une construction si facile,
que l’Administration mettait si complaisamment, il y a de cela
des siècles, à la disposition de nos aïeules.
Allons, monsieur Lebureau, un bon mouvement : en temps de
guerre, nous n’en sommes point à quelques tours près !
„. * * Une bien curieuse institution qui caractérise les mœurs
de notre temps, est celle des diners-éeole, que vient de lancer
un de nos plus élégants restaurants parisiens.
Ces dîners, d’un prix assez élevé (200 francs par tête, pour-
boire non compris), sont, hâtons-nous de le dire, composés de
la plus savoureuse façon et permettent aux convives de passer
une soirée des plus agréables. Toutefois, comme nous sommes
en guerre et que l’utile doit toujours, en ce moment, se mêler à
l’agréable, ces dîners, exclusivement réservés aux nouveaux
riches, sont destinés, tout en même temps, à faire leur éduca-
tion mondaine ; ils sont présidés par le maître d’hôtel dont la
haute distinction et les favoris permettent de croire que la pré-
sidence du repas fut donnée à un amiral ou à quelque haut per-
sonnage de la magistrature.
Les plats servis sont, répétons-le, exquis, mais ils ne compren-
nent que des aliments difficiles à manger. Après le potage, qu’il
convient de prendre d’une façon plus discrète qu’un chien de
■.chasse rentrant au logis après trois jours d’absence, se pose le
problème des bêtes à carapace : crevettes, écrevisses à la borde-
laise et homard à l’américaine, sans oublier les huîtres qu’il est
toujours préférable de ne pas découper sur son assiette.
Les nouveaux riches sont également invités à découper un
gigot autrement qu’en cubes; on leur indique la manière de ne
pas couper un canard en quatre et de ne pas imiter les freins
Westinghouse en absorbant du macaroni. Le maître d’hôtel
veille également à ce que les convives ne sortent pas leur cou-
teau de leur poche ; il veille, par contre, dans l’intérêt de la
maison, à ce qu’ils ne remettent point, par distraction, le cou-
teau qui est sur la table,fdans leur pantalon.
Le maître d’hôtel met les convives à l’amende lorsqu’ils
essuient leur couteau sur le pain avant de le couper, lorsqu’ils
INDISPENSABLES !
— Parlez pas sans savoir... : c'est nous qu’on assure la Dépense
nationale ! Dessin de Mars-Trick.
RAJEUNISSONS NOTRE VOCABULAIRE!
— C’est-y que vous attendez un ordre du généralissime des alliés?...
Dessin de OGalop.
mettent les coudes sur la table, lorsqu’ils se retournent tout
d’une pièce pour se moucher bruyamment. Il leur interdit, en
tout état de cause, de prendre le camembert à pleines mains et
de se curer les dents avec leur fourchette.
Tout cela ne va pas, évidemment, sans difficultés, et ce sont
des explosions de rire lorsqu’un nouveau riche, essayant de
peler un fruit avec son couteau envoie sa poire dans- celle de
son voisin. »
Le maître d’hôtel doit interdire les plus innocentes plaisan-
teries, il ne supporte même pas que les nouveaüx riches, avant
de se verser à boire, imitent le bruit d’une bouteille qu’on
débouche en introduisant leur doigt dans le goulot et en l’arra-
chant brusquement. Au surplus, tout bruit suspect est sévère-
ment interdit.
Moyennant un abonnement, les nouveaux riches peuvent être
admis également au cours supérieur hebdomadaire de conver-
sation et apprennent ainsi, de professeurs spéciaux, l’art et la
manière de prononcer à table quelques phrases qu’ils ne com-
prennent pas, mais qui peuvent donner une haute idée de leurs
connaissances littéraires, artistiques ou scientifiques. C’est là,
somme toute, une initiative fort intelligente, et qui permettra
prochainement aux nouveaux riches d’en savoir tout autant que
les anciens.
# * * En dépit de la guerre, lés marchands de jouets pour
enfants ne perdent jamais le sens de l’actualité. C’est ainsi qu’un
grand magasin des boulevards lance, pour le 1er janvier, la boite-
complot pour enfants qui, malgré son prix relativement élevé,
fera fureur à la veille du Jour de l’An.
La boîte-complot pour enfants, analogue aux boîtes Je cro-
quet actuellement en usage, est construite en pitchpin avec deux
poignées en corde pour la porter. Elle contient deux poignards
de bois teints en rouge avec une instruction imprimée conte-
nant les formules à réciter pour la bénédiction des poignards,
deux manteaux couleur muraille en papier de soie, une boîte de
caviar, trois pistolets à pierre avec, une boîte d’amorces pour
faire'•du bruit, une arbalète et plusieurs petites frondes à moi-
neaux.
Le modèle riche en pitchpin verni contient un assortiment de
robes rouges et de cagoules en papier permettaut aux enfants
de jouer à la Haute-Cour.
Le modèle de luxe contient enfin, en supplément, douze paires
de beaux lacets de soie, une bergerie suisse et quelques tablettes
de chocolat Bernsdorff.
Notons en terminant que, contrairement au premier prospec-
tus de la maison, le journal complet se vend à part avec une
petite rotative pour enfants, des caractères mobiles et un petit
ameublement de salon pour directeur littéraire.
Ces jouets, fort a nusants, permettent aux enfants de passer
d’excellentes soirées tout en s’instruisant des nécessités de la vie
sous la direction de leurs mères attentives.
G. DE Pawlowski.