LE MOBILE ILIIERODE
La question des transports en commun
— Au nom du Père, du Fils, du pain d’épice, ainsi soit-il.
On vient de réveiller Fie; et, tout barbouillé de sommeil
encore, Fie fait sa prière — à sa façon.
11 dit « Père » et « Fils >, parce qu’il a, déjà, la notion de père
et de fils : il n’ignore pas, en effet, que ie capitaine de Nouveau-
doux est son papa et qu’il est, lui, Frédéric, le fils de ce brave
papa-là. Mais, comme il n’a pas la moindre idée du Saint-Esprit,
il.dit pain d’épice à la place, parce’ qu’à ses veux, ça, au moins,
ça représente quelque chose. ■
La maman de Fie ne s’en scandalise pas.
— C’est véniel, déclare-t-elle. Il dira mieux, plus'tàrd.
Du reste, Fie est tout plein de bonne volonté. Tout le long du
jour, il reste sage comme une image. Il ne faut pas faire de
peine à maman, pendant que le capitaine est à la guerre.
— La guerre, quoi c’est, dis, mémé?
— C'est vilain, mon Fie. N’y pense pas.
Fie, en vérité, n’a pas l’air d’y penser. Point de sabre de bois,
point d’escopette à bouchon dans ses joujoux. Fie n’a rien d'un
homme, semble-t-il.
— N’ayez crainte, dit la grand’mère à Mme de Nouveaudoux :
son père était tout pareil à son âge.
Fie a tout juste quatre ans. Il est encore en jupe, comme un
Ecossais ou une demoiselle. Au surplus, il ne se plaît qu’avec les
petites filles; et il faut voir comme il admire sa cousineJBabette
(six ans) et comme il lui obéit!
— Fie et mo-i, on se mariera, nous deux, déclare celle-ci ;
passque, vrai! il est trop gentil,
— Quand c’est qu’on se mariera? demande Fie.
— Dans quinze ans, décide Babette.
■— Oh ! non, tranche Fie, pus vite que ça : après la guerre!
— Chut! intime Babette.
Ah! oui : il ne faut pas y penser, à la guerre! C’est défendu
par maman. Fie oubliait. Le fait est qu’il y pense tout le temps,
èans qu’il y paraisse. C’est la faute à Nounou, qui, quand elle est
seule avec Fie, ne peut se retenir de lui parler de ça, qui est
interdit. (Mais le mari de Nounou est prisonnier des Boches!)
— Tu comprends, Fie, il faut bien que tu saches un peu, tout
de même, et surtout, que tu te rappelles toujours le nom du
brigand rouge qui l’a faite cette guerre-là! C’est un appelé
Guillaume IL Pourquoi II, notre Fie, pùisque sûr de sûr, il y en
a jamais eu, Dieu merci! deux comme lui, qui est pire que le roi
Hérode, sûr de sûr?
Et Nounou, sans- relâche, dit à Fie l’histoire d'Hérode; et bien
— Ma p’tite bichette. ., moi qui croyais tant occuper une petite place
dans ton cœur...
-— Ben oui, mais tout est si cher, j’suis forcée d’augmenter le prix
des places! Dessin de M. Radiguet.
entendu, elle arrange cette histoire et la met à la portée de Fie.
Et Fie finit par en être pénétré.
Si bien qu’un soir, de son lit, il veut l’enseigner à Babette,
occupée à le border.
— I voulait faire mourir tous les petits garçons. Crois-tu,
Babette! Et, alors, une fois que Moïse i pouvait pas s’endormir,
même avec son biberon, et qu’i criait, on avait peur- qu’Hérode i
l’entende; et c’est pour ça qu’on l’a mis dans un panier sur
l’eau qui court, qui court.
Oui, approuve Babette.
— Mais tu sais pas, toi, Babette, pourquoi i voulait faire mou-
rir tous les petits garçons, ce méchant-roi-là?
— Tu le sais, toi, dis, Fie?
— Vouü... C’est passqu’i voulait rester tout seul avec les
petites filles, tiens!
— Allons, Fie, dit Babette, ta prière.
— Voui, consent Fie : au nom.du Père, du Fils, du pain d’épice,
ainsi soit-il... Georges Docquois.
LA CARTE DE PAIN
CEUX QUI NE s’inclinent PAS
— Donnez-moi deux kilos de pain à cacheter.
Dessin de O’Galop.
SI ON FAISAIT CONNAISSANCE
— Voyons, pensijz-vous un peu à moi au front?
— Oh ! voui.. ., j’rn’d sais : « Vivement ma perme, qu’j’aille voir un peu la g... qu elle a! ! ! »
Dessin de Dharm.
La question des transports en commun
— Au nom du Père, du Fils, du pain d’épice, ainsi soit-il.
On vient de réveiller Fie; et, tout barbouillé de sommeil
encore, Fie fait sa prière — à sa façon.
11 dit « Père » et « Fils >, parce qu’il a, déjà, la notion de père
et de fils : il n’ignore pas, en effet, que ie capitaine de Nouveau-
doux est son papa et qu’il est, lui, Frédéric, le fils de ce brave
papa-là. Mais, comme il n’a pas la moindre idée du Saint-Esprit,
il.dit pain d’épice à la place, parce’ qu’à ses veux, ça, au moins,
ça représente quelque chose. ■
La maman de Fie ne s’en scandalise pas.
— C’est véniel, déclare-t-elle. Il dira mieux, plus'tàrd.
Du reste, Fie est tout plein de bonne volonté. Tout le long du
jour, il reste sage comme une image. Il ne faut pas faire de
peine à maman, pendant que le capitaine est à la guerre.
— La guerre, quoi c’est, dis, mémé?
— C'est vilain, mon Fie. N’y pense pas.
Fie, en vérité, n’a pas l’air d’y penser. Point de sabre de bois,
point d’escopette à bouchon dans ses joujoux. Fie n’a rien d'un
homme, semble-t-il.
— N’ayez crainte, dit la grand’mère à Mme de Nouveaudoux :
son père était tout pareil à son âge.
Fie a tout juste quatre ans. Il est encore en jupe, comme un
Ecossais ou une demoiselle. Au surplus, il ne se plaît qu’avec les
petites filles; et il faut voir comme il admire sa cousineJBabette
(six ans) et comme il lui obéit!
— Fie et mo-i, on se mariera, nous deux, déclare celle-ci ;
passque, vrai! il est trop gentil,
— Quand c’est qu’on se mariera? demande Fie.
— Dans quinze ans, décide Babette.
■— Oh ! non, tranche Fie, pus vite que ça : après la guerre!
— Chut! intime Babette.
Ah! oui : il ne faut pas y penser, à la guerre! C’est défendu
par maman. Fie oubliait. Le fait est qu’il y pense tout le temps,
èans qu’il y paraisse. C’est la faute à Nounou, qui, quand elle est
seule avec Fie, ne peut se retenir de lui parler de ça, qui est
interdit. (Mais le mari de Nounou est prisonnier des Boches!)
— Tu comprends, Fie, il faut bien que tu saches un peu, tout
de même, et surtout, que tu te rappelles toujours le nom du
brigand rouge qui l’a faite cette guerre-là! C’est un appelé
Guillaume IL Pourquoi II, notre Fie, pùisque sûr de sûr, il y en
a jamais eu, Dieu merci! deux comme lui, qui est pire que le roi
Hérode, sûr de sûr?
Et Nounou, sans- relâche, dit à Fie l’histoire d'Hérode; et bien
— Ma p’tite bichette. ., moi qui croyais tant occuper une petite place
dans ton cœur...
-— Ben oui, mais tout est si cher, j’suis forcée d’augmenter le prix
des places! Dessin de M. Radiguet.
entendu, elle arrange cette histoire et la met à la portée de Fie.
Et Fie finit par en être pénétré.
Si bien qu’un soir, de son lit, il veut l’enseigner à Babette,
occupée à le border.
— I voulait faire mourir tous les petits garçons. Crois-tu,
Babette! Et, alors, une fois que Moïse i pouvait pas s’endormir,
même avec son biberon, et qu’i criait, on avait peur- qu’Hérode i
l’entende; et c’est pour ça qu’on l’a mis dans un panier sur
l’eau qui court, qui court.
Oui, approuve Babette.
— Mais tu sais pas, toi, Babette, pourquoi i voulait faire mou-
rir tous les petits garçons, ce méchant-roi-là?
— Tu le sais, toi, dis, Fie?
— Vouü... C’est passqu’i voulait rester tout seul avec les
petites filles, tiens!
— Allons, Fie, dit Babette, ta prière.
— Voui, consent Fie : au nom.du Père, du Fils, du pain d’épice,
ainsi soit-il... Georges Docquois.
LA CARTE DE PAIN
CEUX QUI NE s’inclinent PAS
— Donnez-moi deux kilos de pain à cacheter.
Dessin de O’Galop.
SI ON FAISAIT CONNAISSANCE
— Voyons, pensijz-vous un peu à moi au front?
— Oh ! voui.. ., j’rn’d sais : « Vivement ma perme, qu’j’aille voir un peu la g... qu elle a! ! ! »
Dessin de Dharm.