LA CRISE DU TABAC
RACONTÉE PAR MA CONCIERGE : MAME G1BOU
Air : Nicolas et Toinon. (G. Tiercy.)
Eh ben, mam’ Patagon, voilà qu’y-a pus d’tabac!
Ma chèr’, ça va nous fair’ sûr’ment, cette histoir’-là,
Plus encor que l’affair’ Turmel
Tourner les sangs en eau d’Javel.
J’me d’mande à quoi qu’i’pens’ leur monsieur Clemenceau 1
Sans tabac à priser, moi qu’ai l’rhum’ de cerveau,
Mon nez coul’, c’est horrible à voir':
On dirait un’ pomm’ d’arrosoir.
J’suis pas seule à crier. Le marchand de tableaux
Qu’habit’ sur le devant, dit qu’à l’hôtel Drouot
Les commissair’s priseurs sont fous... :
Ils n’peuv’nt plus rien priser du tout.
Cigar’s et cigarett’s manqu’nt partout total’ment ;
Les marchandé de tabac n’ont plus, à leurs clients,
A proposer... quelle ironie !
Qu’des boît’s de cachou Lajaunie.
Le boursier du premier, Monsieur Lévy-Aaron,
Qui n’fumait comm’ cigar’s qu'des londrès à dix ronds,
M’a confié, très préoccupé,
Qu’il n’trouvait plus qu’des « bout-coupé ».
Alors j’y-ai conseillé, car c’est un vaniteux,
Pour anoblir un peu ces cigar’s marmiteux,
D’Ies fair’, pour qu’i’ soient plus rupins,
Raccourcir par le Grand-Rabbin.
L'chansonnier du cintiém’, qu’empestait l’escayer
Avec sa pipe en terr’, maint’nant, dans son gambier,
Tout essprès pour se fout’ de moi
S’met à fumer n’importe quoi :
Des vieux cordons d’souyier, d’ignobles détritus,
Des feuill’s de marronnier, des feuill’s d’eucalyptus,
Mêm’ ses feuill’s de contribution :
C’est eun’ véritable infection !
LES HORREURS DE LA GUERRE
— Et avec tout ça, encore un mois de janvier sans palmes!
— On n’a qu’à nous donner la fourragère violette !
UasiLD de Nob.
AU COMITÉ RADICAL-SOCIALISTE : LE DISCOURS DU PATRON
— Et comme c’est la crise du papier, on ne le tirera qu’à cent mille
exemplaires.. . Dessin de Hervé Baille.
La p’tit’ dam’ du troisièm’, qui n’est pas très maline,
Ayant vu, chez l’potard, placé’s dans la vitrine,
Des cigarett’s ros’s * élégant’s »
En fit l’achat séanc’ tenant’.
— Mam’ Gibou, qu’a m’a dit, le moud’, c’est des voleurs ;
Vot’ pharmacien du coin, vrai ! c’est un entôleur :
Ses cigarett’s en ont un goût !
On dirait qu’c’est du caoutchouc !
Elle a même eu-z-un’ scène avec son vieil ami.
Comm’ chez ell’, ce matin, il v’nait en quat’mimi
Et qu’à sa porte il f’sait : toc-toc,
AU’ y-a répondu : « J'prends mon bock! »
Alors il y-a crié : « Ne i’fum’ pas tout entier ;
Un bock! C’est du nanan! Garde-m’ên la moitié. »
Il est resté comme un benêt
Quand il a vu d’quoi qu i r’tournait.
Le rapin du sixièm’, j’en suis encor baba,
Paraît qu’il n’peut pas peindr’ quand il n’a pas d’tabac.
Ça y a porté su’ l’ciboulot ;
11 est v’nu subit’ment dingo.
Il a fait du scandai’ dans un café-concert
Où Régina Badet l’vait ses deux bias en l’air ;
Il s’est l’vé, hagard, en hurlant :
» J’veux ses deux paquets d’rnaryland ! »
Les agents s’sont am’nés — avec maestria :
Ils l’ont conduit viv’ment jusqu’au commissairiat
Et lui, qui voulait du tabac.
Ah ! j’vousjur’ maint’nant qu’il en a!
Dominique Bonnaud.
RACONTÉE PAR MA CONCIERGE : MAME G1BOU
Air : Nicolas et Toinon. (G. Tiercy.)
Eh ben, mam’ Patagon, voilà qu’y-a pus d’tabac!
Ma chèr’, ça va nous fair’ sûr’ment, cette histoir’-là,
Plus encor que l’affair’ Turmel
Tourner les sangs en eau d’Javel.
J’me d’mande à quoi qu’i’pens’ leur monsieur Clemenceau 1
Sans tabac à priser, moi qu’ai l’rhum’ de cerveau,
Mon nez coul’, c’est horrible à voir':
On dirait un’ pomm’ d’arrosoir.
J’suis pas seule à crier. Le marchand de tableaux
Qu’habit’ sur le devant, dit qu’à l’hôtel Drouot
Les commissair’s priseurs sont fous... :
Ils n’peuv’nt plus rien priser du tout.
Cigar’s et cigarett’s manqu’nt partout total’ment ;
Les marchandé de tabac n’ont plus, à leurs clients,
A proposer... quelle ironie !
Qu’des boît’s de cachou Lajaunie.
Le boursier du premier, Monsieur Lévy-Aaron,
Qui n’fumait comm’ cigar’s qu'des londrès à dix ronds,
M’a confié, très préoccupé,
Qu’il n’trouvait plus qu’des « bout-coupé ».
Alors j’y-ai conseillé, car c’est un vaniteux,
Pour anoblir un peu ces cigar’s marmiteux,
D’Ies fair’, pour qu’i’ soient plus rupins,
Raccourcir par le Grand-Rabbin.
L'chansonnier du cintiém’, qu’empestait l’escayer
Avec sa pipe en terr’, maint’nant, dans son gambier,
Tout essprès pour se fout’ de moi
S’met à fumer n’importe quoi :
Des vieux cordons d’souyier, d’ignobles détritus,
Des feuill’s de marronnier, des feuill’s d’eucalyptus,
Mêm’ ses feuill’s de contribution :
C’est eun’ véritable infection !
LES HORREURS DE LA GUERRE
— Et avec tout ça, encore un mois de janvier sans palmes!
— On n’a qu’à nous donner la fourragère violette !
UasiLD de Nob.
AU COMITÉ RADICAL-SOCIALISTE : LE DISCOURS DU PATRON
— Et comme c’est la crise du papier, on ne le tirera qu’à cent mille
exemplaires.. . Dessin de Hervé Baille.
La p’tit’ dam’ du troisièm’, qui n’est pas très maline,
Ayant vu, chez l’potard, placé’s dans la vitrine,
Des cigarett’s ros’s * élégant’s »
En fit l’achat séanc’ tenant’.
— Mam’ Gibou, qu’a m’a dit, le moud’, c’est des voleurs ;
Vot’ pharmacien du coin, vrai ! c’est un entôleur :
Ses cigarett’s en ont un goût !
On dirait qu’c’est du caoutchouc !
Elle a même eu-z-un’ scène avec son vieil ami.
Comm’ chez ell’, ce matin, il v’nait en quat’mimi
Et qu’à sa porte il f’sait : toc-toc,
AU’ y-a répondu : « J'prends mon bock! »
Alors il y-a crié : « Ne i’fum’ pas tout entier ;
Un bock! C’est du nanan! Garde-m’ên la moitié. »
Il est resté comme un benêt
Quand il a vu d’quoi qu i r’tournait.
Le rapin du sixièm’, j’en suis encor baba,
Paraît qu’il n’peut pas peindr’ quand il n’a pas d’tabac.
Ça y a porté su’ l’ciboulot ;
11 est v’nu subit’ment dingo.
Il a fait du scandai’ dans un café-concert
Où Régina Badet l’vait ses deux bias en l’air ;
Il s’est l’vé, hagard, en hurlant :
» J’veux ses deux paquets d’rnaryland ! »
Les agents s’sont am’nés — avec maestria :
Ils l’ont conduit viv’ment jusqu’au commissairiat
Et lui, qui voulait du tabac.
Ah ! j’vousjur’ maint’nant qu’il en a!
Dominique Bonnaud.