annexionnisme (Simple aveu.)
« Que l’on montre à l’ouvrier allemand les jambons et les saucisses des Russes, et il ne voudra plus entendre parler de conciliation ni de
renoncement... » (La Gazette de Cologne.)
LE RIRE DE LA SEMAINE
Le Gouvernement anglais vient de décider que les chaussures
féminines n’auraient plus, désormais, que quinze centimètres de
hauteur.
— Quinze centimètres, me dit une coquette, c’est bien assez
pour faire le bonheur d’une honnête femme!
En France, les cordonniers continueront à proposer la botte à
leurs clientes, une botte qui monte à peu près jusqu’au genou.
La voilà bien, la hausse du cuir... Où s’arrêtera-t-elle?
Les femmes consentent à se priver de gâteaux, mais les res-
trictions qui attenteraient aux droits imprescriptibles de la
coquetterie ne seraient pas subies avec bonne humeur...
Et cependant que d’économies ces dames et ces demoiselles
pourraient réaliser au grand bénéfice de la Défense nationale!
Par exemple, elles pourraient cesser de se couvrir le visage
d’une farine qui serait plus utilement, employée sous forme de
miches de pain à l’intention des familles nombreuses! J’ai calculé
qu’à Paris seulement, ce maquillage de plus en plus intensif
prive le peuple de trois tonnes de farine... Il est vrai que cette
farine n’est pas perdue pour tout le monde : nous en absorbons
une bonne partie à l’heure des épanchements amoureux, ce qui
est, d'ailleurs, une agréable façon de s’alimenter.
Les parfums sont à base d’alcool... Mesdames, l’alcool est in-
dispensable aux usines de guerre, — à l’intérieur pour charger
les obus d’acier, à l’extérieur pour charger les comptoirs de
zinc. Sans alcool, il y aura peut-être encore des canons de vin,
mais il n’y aura plus de munitions.
Toute patriote doit donc renoncer aux essences... Ce serait en
tout cas le moment de créer une carte d’essences : le benjoin, le
corylopsys et le patchouli seraient sévèrement rationnés.
De même, toute bonne Française a le devoir de ne plus s’oxy-
géner les cheveux... Laissons les ballons d’oxygène aux mal-
heureux blessés!
La coquetterie doit céder le pas au patriotisme. Je me de-
mande même jusqu’à quel point le costume adopté par MUe Che-
nal ne devrait pas être adopté par vous toutes, mesdames...
M1Ie Chenal s’habille avec un drapeau tricolore : c’est d’un très
bel effet, cela tient chaud (tout au moins au cœur) et c’est très
économique.
Au couturier Poiret à chercher quelque chose dans ce genre...
Mais peut-être trouvera-t-il que nos trois couleurs sont un peu
banales !
* * Ce qui n’est pas banal, c’est l’agitation des officiers et
sous-officiers espagnols. Une armée doit-elle s’agiter avant de
servir?
Voilà des gaillards qui, alors que leurs camarades européens
s’entremassacrent depuis trois ans et demi, vivent tranquille-
ment sous un ciel enchanteur en roulant des cigarettes et en
faisant de l’œil aux cigarières (j’ai vu ça dans Carmen). Ils igno-
rent les autres marmites et, en fait de masques, ils ne. connais-
sent que ceux du mardi-gras contre les garces. Et ils se plai-
gnent, et ils rouspètent! Ah ! eaballeroè, vous ne connaissez pas
votre bonheur...
Je sais bien que la vie de garnison n’est pas toujours folâtre,
mais une caserne de Séville est tout de même plus habitable
qu’une tranchée de Craonne...
C’est que l’armée espagnole ne comprend pas.
Elle s’ennuie, l’armée espagnole!
Ah! si elle savait combien ses oranges sont préférables à nos
grenades !
Mais non, elle ne veut rien entendre.
Personne n’est d’ailleurs content de son sort. N’y a-t-il pas
maints ouvriers d’usines qui, sous prétexte qu’ils ne gagnent
qu’un louis par jour, veulent se mettre en grève? N’y a-t-il pas
des légions de bourgeois qui se lamentent depuis que le four-
neau de leur pipe est vide?... Ah! les fourneaux! Que sont les
embêtements, les difficultés de notre existence auprès des souf-
frances et des dangers du front?
Cette pensée me calmerait si j’étais sous-officier espagnol.
Je me dirais :
— Caramba! mes espadrilles ont du bon... Les corridas de
ioros sont, Dieu merci, les seuls combats de l’Espagne et les
« Que l’on montre à l’ouvrier allemand les jambons et les saucisses des Russes, et il ne voudra plus entendre parler de conciliation ni de
renoncement... » (La Gazette de Cologne.)
LE RIRE DE LA SEMAINE
Le Gouvernement anglais vient de décider que les chaussures
féminines n’auraient plus, désormais, que quinze centimètres de
hauteur.
— Quinze centimètres, me dit une coquette, c’est bien assez
pour faire le bonheur d’une honnête femme!
En France, les cordonniers continueront à proposer la botte à
leurs clientes, une botte qui monte à peu près jusqu’au genou.
La voilà bien, la hausse du cuir... Où s’arrêtera-t-elle?
Les femmes consentent à se priver de gâteaux, mais les res-
trictions qui attenteraient aux droits imprescriptibles de la
coquetterie ne seraient pas subies avec bonne humeur...
Et cependant que d’économies ces dames et ces demoiselles
pourraient réaliser au grand bénéfice de la Défense nationale!
Par exemple, elles pourraient cesser de se couvrir le visage
d’une farine qui serait plus utilement, employée sous forme de
miches de pain à l’intention des familles nombreuses! J’ai calculé
qu’à Paris seulement, ce maquillage de plus en plus intensif
prive le peuple de trois tonnes de farine... Il est vrai que cette
farine n’est pas perdue pour tout le monde : nous en absorbons
une bonne partie à l’heure des épanchements amoureux, ce qui
est, d'ailleurs, une agréable façon de s’alimenter.
Les parfums sont à base d’alcool... Mesdames, l’alcool est in-
dispensable aux usines de guerre, — à l’intérieur pour charger
les obus d’acier, à l’extérieur pour charger les comptoirs de
zinc. Sans alcool, il y aura peut-être encore des canons de vin,
mais il n’y aura plus de munitions.
Toute patriote doit donc renoncer aux essences... Ce serait en
tout cas le moment de créer une carte d’essences : le benjoin, le
corylopsys et le patchouli seraient sévèrement rationnés.
De même, toute bonne Française a le devoir de ne plus s’oxy-
géner les cheveux... Laissons les ballons d’oxygène aux mal-
heureux blessés!
La coquetterie doit céder le pas au patriotisme. Je me de-
mande même jusqu’à quel point le costume adopté par MUe Che-
nal ne devrait pas être adopté par vous toutes, mesdames...
M1Ie Chenal s’habille avec un drapeau tricolore : c’est d’un très
bel effet, cela tient chaud (tout au moins au cœur) et c’est très
économique.
Au couturier Poiret à chercher quelque chose dans ce genre...
Mais peut-être trouvera-t-il que nos trois couleurs sont un peu
banales !
* * Ce qui n’est pas banal, c’est l’agitation des officiers et
sous-officiers espagnols. Une armée doit-elle s’agiter avant de
servir?
Voilà des gaillards qui, alors que leurs camarades européens
s’entremassacrent depuis trois ans et demi, vivent tranquille-
ment sous un ciel enchanteur en roulant des cigarettes et en
faisant de l’œil aux cigarières (j’ai vu ça dans Carmen). Ils igno-
rent les autres marmites et, en fait de masques, ils ne. connais-
sent que ceux du mardi-gras contre les garces. Et ils se plai-
gnent, et ils rouspètent! Ah ! eaballeroè, vous ne connaissez pas
votre bonheur...
Je sais bien que la vie de garnison n’est pas toujours folâtre,
mais une caserne de Séville est tout de même plus habitable
qu’une tranchée de Craonne...
C’est que l’armée espagnole ne comprend pas.
Elle s’ennuie, l’armée espagnole!
Ah! si elle savait combien ses oranges sont préférables à nos
grenades !
Mais non, elle ne veut rien entendre.
Personne n’est d’ailleurs content de son sort. N’y a-t-il pas
maints ouvriers d’usines qui, sous prétexte qu’ils ne gagnent
qu’un louis par jour, veulent se mettre en grève? N’y a-t-il pas
des légions de bourgeois qui se lamentent depuis que le four-
neau de leur pipe est vide?... Ah! les fourneaux! Que sont les
embêtements, les difficultés de notre existence auprès des souf-
frances et des dangers du front?
Cette pensée me calmerait si j’étais sous-officier espagnol.
Je me dirais :
— Caramba! mes espadrilles ont du bon... Les corridas de
ioros sont, Dieu merci, les seuls combats de l’Espagne et les