lenine-trotsky. — Et la preuve que nous sommes des pacifistes...,
c’est que nous ne nous battrons plus qu’entre Russes.
Dessin de Hervé Baille.
LE PHARMACIEN GAFFEUR
I
Il y a, pour une petite femme dans l’embarras, un nouveau
riche qui est disponible. Mais qu’on se dépêche, ce ne sera pas
pour longtemps !
Je lis l’incrédulité sur beaucoup de visages jeunes ou ra-
jeunis.
Un nouveau riche sans petite femme, ça n’existe pas, ou ça
n’existe plus depuis longtemps.
Je vous demande bien pardon! Ça existe, depuis trois jours,
par la faute d’un pharmacien.
II
M. Bavasson, fabricant de ces faux canons qu’on place dans
de faux paysages, pour égarer les repérages de l’ennemi et lui
faire gâcher ses munitions, était en train de déjeuner avec
Mme Bavasson. 11 se hâtait, ayant à aller, disait-il, au ministère
de l’Armement pour recevoir une commande de fausses mi-
trailleuses destinées à de faux aéroplanes, qui devait porter ses
bénéfices de cent à cinq cent mille francs par mois.
Il se hâtait, en réalité, pour aller prendre le café chez MUo Clai-
rette Bagot, rue Saint-Senoch, 3 ter. Je précise.
MUe Clairette Ba-
got habitait là un
appartement de
2.500 francs par
an,au rez-de-chaus-
sée. M. Bavasson
en payait le loyer.
Vous me direz qu’il
ne se fendait pas.
Car quand on ga-
gne cent mille
francs par mois, il
est un peu miteux
de reléguer une
petite femme dans
une maison sans
ascenseur, et de
lui imposer le rez-
de-chaussée, tou-
jours un peu hu-
mide, sous pré texte
qu’on a un asthme
qui gène pour mon-
ter l’escalier.
Mais M. Bavas-
son était, avant la
guerre, simple em-
balleur, rue de
l’Echiquier. Il n’é-
tait large que des
épaules. On n’at-
trape pas, du pre-
mier coup, l’al-
lure fastueuse d’un
Boni de Castel-
lane I...
BONS PETITS FRÈRES
On a couru pour t apporter ton carnet de pain, des fois qu’on t’in-
viterait a boulotter a la sortie. Dessin de B Hall
Mmc Bavasson disait :
— Cinq cent mille francs par mois? On ne peut pourtant pas
acheter encore des bons de la défense!... On pourrait peut-être
acheter des diamants..., qu’on enterrerait, rapport aux impôts...
On sonna. Une domestique vint dire :
— C’est un pharmacien de la rue Saint-Senoch qui demande
madame.
M. Bavasson s’étrangla en suçant un os de poulet, toussa,
devint violet...
— Eh ben! quoi donc? dit Mme Bavasson.
— Rien! fit M. Bavasson, les yeux chavirés.
III
A présent, il écoutait, anxieux, le colloque qui avait lieu,
dans l’antichambre, entre sa femme et le pharmacien de la
rue Saint-Senoch.
— Madame Bavasson?
— C’est moi !
— Madame, excusez-moi, disait le potard. Je remplis une
mission pénible.
— Je n’ai personne au front! Parlez!
— Voici. Je suis au 6. Et au 3 ter, habite Mlla Clairette Bagot,
ma cliente, une personne charmante.
— Connais pas !
— Je m’en doute bien! Mais votre mari, lui, la connaissait!
— Hein?... Mon mari connaît une grue?
— Il est mort chez elle ce matin...
— Vous dites?
— On m’a appelé, mais trop tard!
— Vous êtes fou!... Mon mari n’est pas mort!...
— Hélas !... j’ai amené son cadaVre en taxi-auto, bien empa-
queté. Il est en bas. Il vaut mieux, comprenez-vous, qu’il soit
mort ici, pour tout le monde... J’ai cru vous rendre service, à
cause des commérages...
IV
M. Bavasson avait bondi jusqu’à l'antichambre.
— Monsieur! dit-il au potard. J’ai tout entendu!... C’est une
méprise formidable ! Je suis M. Bavasson, bien vivant, en chair
et en os. Et je ne connais pas de Clairette Bagot.
— Aussi, ça m’étonnait! fit Mme Bavasson.
— Mais qui donc a pu vous faire croire que j’étais mort chez
une demoiselle? demanda l’ex-emballeur.
— Ce portefeuille trouvé sur le cadavre ! riposta le visiteur
ahuri. . . . .
— Et il sortit de sa poche un joli petit maroquin aux initiales
A. B. (Arthur Bavasson).
— Mais c’est le tien ! fit Mme Bavasson,
— C’est le mien ! convint M. Bavasson.
— Il y a dedans des cartes à votre adresse!... allégua le phar-
macien. Comment ça se fait-il?
— Ce portefeuille me fut volé hier! expliqua M. Bavasson en
reprenant son bien. Il y avait dedans quinze billets, il n’y en a
plus que quatorze...
— C’est un voleur discret ! fit le potard.
— Mais le cadavre? questionna Mrae Bavasson.
— Qu’allez-vous en faire? demanda le nouveau riche.
_M’en parlez pas!... Je ne prévoyais pas cette complica-
tion !... Et si j’avais su !...
_Portez-le où vous voudrez, dit M. Bavasson.
Les journaux ont le droit, désormais,
d'injurier M. Clemenceau.
— Obtempérez sans injures, subséquemment
que je ne suis pas le Président du Conseil!
Dessin de Nisis.
c’est que nous ne nous battrons plus qu’entre Russes.
Dessin de Hervé Baille.
LE PHARMACIEN GAFFEUR
I
Il y a, pour une petite femme dans l’embarras, un nouveau
riche qui est disponible. Mais qu’on se dépêche, ce ne sera pas
pour longtemps !
Je lis l’incrédulité sur beaucoup de visages jeunes ou ra-
jeunis.
Un nouveau riche sans petite femme, ça n’existe pas, ou ça
n’existe plus depuis longtemps.
Je vous demande bien pardon! Ça existe, depuis trois jours,
par la faute d’un pharmacien.
II
M. Bavasson, fabricant de ces faux canons qu’on place dans
de faux paysages, pour égarer les repérages de l’ennemi et lui
faire gâcher ses munitions, était en train de déjeuner avec
Mme Bavasson. 11 se hâtait, ayant à aller, disait-il, au ministère
de l’Armement pour recevoir une commande de fausses mi-
trailleuses destinées à de faux aéroplanes, qui devait porter ses
bénéfices de cent à cinq cent mille francs par mois.
Il se hâtait, en réalité, pour aller prendre le café chez MUo Clai-
rette Bagot, rue Saint-Senoch, 3 ter. Je précise.
MUe Clairette Ba-
got habitait là un
appartement de
2.500 francs par
an,au rez-de-chaus-
sée. M. Bavasson
en payait le loyer.
Vous me direz qu’il
ne se fendait pas.
Car quand on ga-
gne cent mille
francs par mois, il
est un peu miteux
de reléguer une
petite femme dans
une maison sans
ascenseur, et de
lui imposer le rez-
de-chaussée, tou-
jours un peu hu-
mide, sous pré texte
qu’on a un asthme
qui gène pour mon-
ter l’escalier.
Mais M. Bavas-
son était, avant la
guerre, simple em-
balleur, rue de
l’Echiquier. Il n’é-
tait large que des
épaules. On n’at-
trape pas, du pre-
mier coup, l’al-
lure fastueuse d’un
Boni de Castel-
lane I...
BONS PETITS FRÈRES
On a couru pour t apporter ton carnet de pain, des fois qu’on t’in-
viterait a boulotter a la sortie. Dessin de B Hall
Mmc Bavasson disait :
— Cinq cent mille francs par mois? On ne peut pourtant pas
acheter encore des bons de la défense!... On pourrait peut-être
acheter des diamants..., qu’on enterrerait, rapport aux impôts...
On sonna. Une domestique vint dire :
— C’est un pharmacien de la rue Saint-Senoch qui demande
madame.
M. Bavasson s’étrangla en suçant un os de poulet, toussa,
devint violet...
— Eh ben! quoi donc? dit Mme Bavasson.
— Rien! fit M. Bavasson, les yeux chavirés.
III
A présent, il écoutait, anxieux, le colloque qui avait lieu,
dans l’antichambre, entre sa femme et le pharmacien de la
rue Saint-Senoch.
— Madame Bavasson?
— C’est moi !
— Madame, excusez-moi, disait le potard. Je remplis une
mission pénible.
— Je n’ai personne au front! Parlez!
— Voici. Je suis au 6. Et au 3 ter, habite Mlla Clairette Bagot,
ma cliente, une personne charmante.
— Connais pas !
— Je m’en doute bien! Mais votre mari, lui, la connaissait!
— Hein?... Mon mari connaît une grue?
— Il est mort chez elle ce matin...
— Vous dites?
— On m’a appelé, mais trop tard!
— Vous êtes fou!... Mon mari n’est pas mort!...
— Hélas !... j’ai amené son cadaVre en taxi-auto, bien empa-
queté. Il est en bas. Il vaut mieux, comprenez-vous, qu’il soit
mort ici, pour tout le monde... J’ai cru vous rendre service, à
cause des commérages...
IV
M. Bavasson avait bondi jusqu’à l'antichambre.
— Monsieur! dit-il au potard. J’ai tout entendu!... C’est une
méprise formidable ! Je suis M. Bavasson, bien vivant, en chair
et en os. Et je ne connais pas de Clairette Bagot.
— Aussi, ça m’étonnait! fit Mme Bavasson.
— Mais qui donc a pu vous faire croire que j’étais mort chez
une demoiselle? demanda l’ex-emballeur.
— Ce portefeuille trouvé sur le cadavre ! riposta le visiteur
ahuri. . . . .
— Et il sortit de sa poche un joli petit maroquin aux initiales
A. B. (Arthur Bavasson).
— Mais c’est le tien ! fit Mme Bavasson,
— C’est le mien ! convint M. Bavasson.
— Il y a dedans des cartes à votre adresse!... allégua le phar-
macien. Comment ça se fait-il?
— Ce portefeuille me fut volé hier! expliqua M. Bavasson en
reprenant son bien. Il y avait dedans quinze billets, il n’y en a
plus que quatorze...
— C’est un voleur discret ! fit le potard.
— Mais le cadavre? questionna Mrae Bavasson.
— Qu’allez-vous en faire? demanda le nouveau riche.
_M’en parlez pas!... Je ne prévoyais pas cette complica-
tion !... Et si j’avais su !...
_Portez-le où vous voudrez, dit M. Bavasson.
Les journaux ont le droit, désormais,
d'injurier M. Clemenceau.
— Obtempérez sans injures, subséquemment
que je ne suis pas le Président du Conseil!
Dessin de Nisis.