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LE RIRE DE LA SEMAINE
— Quand pourrai-je réinstaller mon cabaret de nuit?
— Notre traité de paix avec la Hongrie m’autorisera-t-il à
réorganiser un orchestre de tziganes ?
Et comme M. Raux fait des difficultés, les quémandeurs pro-
testent :
— Voilà donc comment on encourage la « reprise écono-
mique » !
Pour un peu, ils ajouteraient :
— C’est bien la peine d’être victorieux!
La Victoire, pour eux (et pour bien d’autres), est une petite
femme court vêtue qui monte, non pas au Capitole, mais à
Montmartre.
Et vous viendrez encore me parler de la « nouvelle orienta-
tion des esprits » que nous devons à la guerre !
En tout cas, la paix est un désastre, non seulement pour les
fournisseurs du ministère de la Guerre, mais encore pour les
officiers généraux ou supérieurs qui tenaient, dans les journaux
la rubrique de la « stratégie ».
L’excellent lieutenant-colonel X... en prend, il est vrai, son
parti avec la philosophie souriante que nous lui connaissons.
— Entre nous, m’a-t-il déclaré, je commençais à être fatigué,
je ne « tenais » plus qu’à grand’ peine.
— Pas possible 1
— Songez que j’ai publié, pendant la guerre et sur la guerre,
plus de 6.000 articles 1 A force de parler du « facteur formi-
dable », de la supériorité de l’offensive sur la défensive, de
l’amélioration des cantonnements, de la surveillance à exercer
en Orient, de la supériorité de la baïonndtte sur l’artillerie
lourde, — à force de vanter sur tous les tons les vertus de la
méthode napoléonienne, eh bien! je l’avoue, j’étais sur les
boulets, encore que je n’aie jamais servi dans l’artillerie. Pour
un peu, j’aurais demandé un armistice...
— Vous, colonel ?
— Oui, moi... Mais me voilà libéré 1 Entre nous, j’avais
raison contre tous les blagueurs... Du premier au six millième
et dernier article, j’ai prédit la victoire. Ai-je eu raison ?
— Certes.
— Je l’ai prédite au nom de Napoléon, mon maître et mon
Dieu. b
— Ce n’est pas si bête... Et, maintenant, qu’allez-vous faire,
colonel? La stratégie et la tactique sont dans le lac. Nous ne
voulons plus entendre parler d’enveloppements, de diversions
et d’offensives...,
— Je vais voyager.
— Ah I et où cela ?
—- Sur le front... C’est bien le moins, n’est-ce pas, que j’aille
un peu voir ce pays-là. Il paraît que c’est très curieux...
* * „. Les Américains ont vaillamment pris part aux travaux
et aux dangers de la guerre...
Rendons-leur aussi cette justice qu’ils ont énergiquement pris
part aux réjouissances de la paix.
Les Anglais ont eu de l’entrain; les Belges ont fait preuve de
résistance; les Italiens ont été solides; les Portugais ont été
gais... Mais tous les records ont été battus par les Américains.
Les « Yanks » ont été les boute-en-train de cette Société des
Nations qui a célébré, pendant plusieurs jours et plusieurs
nuits, la Victoire... Ils ont été épatants, ces braves alliés, et je
comprends que, devant des gaillards de cette trempe, les
Boches aient décidé de « laisser ça là ».
Il faut dire que le juste enthousiasme des Américains a été
maintenu au diapason par l’emballement des midinettes...
Les midinettes ont un faible, c’est bien certain, pour les sol-
dats du Président Wilson... Elles leur trouvent ce « je ne sais
quoi » qu’elles ont successivement découvert chez les Belges,
les Russes, les Anglais, les Italiens, les Portugais.
Un Japonais qui, non sans quelque envie, contemplait un
grand diable d’Américain aux prises avec trois charmantes pe-
tites cousettes, me dit en soupirant ;
— Dans un an, c’eût été notre tour.
— Oui, mais l’armistice...
— Hélas !...
Les Américains ont eu cette chance d’arriver les derniers : à
eux tout le bonheur!
Mais en dépit de ce succès fait aux « Yanks », c’est encore le
Poilu qui, en fin de compte, gagnera la belle... Quand il revien-
dra, il n’y en aura plus que pour lui : Mimi Pinson, Jenny l’Ou-
vrière et Louise sont, quoi qu’on dise, vouées au bleu, — au
bleu horizon. Le moment venu, elles le feront bien voir../
LE RIRE DE LA SEMAINE
— Quand pourrai-je réinstaller mon cabaret de nuit?
— Notre traité de paix avec la Hongrie m’autorisera-t-il à
réorganiser un orchestre de tziganes ?
Et comme M. Raux fait des difficultés, les quémandeurs pro-
testent :
— Voilà donc comment on encourage la « reprise écono-
mique » !
Pour un peu, ils ajouteraient :
— C’est bien la peine d’être victorieux!
La Victoire, pour eux (et pour bien d’autres), est une petite
femme court vêtue qui monte, non pas au Capitole, mais à
Montmartre.
Et vous viendrez encore me parler de la « nouvelle orienta-
tion des esprits » que nous devons à la guerre !
En tout cas, la paix est un désastre, non seulement pour les
fournisseurs du ministère de la Guerre, mais encore pour les
officiers généraux ou supérieurs qui tenaient, dans les journaux
la rubrique de la « stratégie ».
L’excellent lieutenant-colonel X... en prend, il est vrai, son
parti avec la philosophie souriante que nous lui connaissons.
— Entre nous, m’a-t-il déclaré, je commençais à être fatigué,
je ne « tenais » plus qu’à grand’ peine.
— Pas possible 1
— Songez que j’ai publié, pendant la guerre et sur la guerre,
plus de 6.000 articles 1 A force de parler du « facteur formi-
dable », de la supériorité de l’offensive sur la défensive, de
l’amélioration des cantonnements, de la surveillance à exercer
en Orient, de la supériorité de la baïonndtte sur l’artillerie
lourde, — à force de vanter sur tous les tons les vertus de la
méthode napoléonienne, eh bien! je l’avoue, j’étais sur les
boulets, encore que je n’aie jamais servi dans l’artillerie. Pour
un peu, j’aurais demandé un armistice...
— Vous, colonel ?
— Oui, moi... Mais me voilà libéré 1 Entre nous, j’avais
raison contre tous les blagueurs... Du premier au six millième
et dernier article, j’ai prédit la victoire. Ai-je eu raison ?
— Certes.
— Je l’ai prédite au nom de Napoléon, mon maître et mon
Dieu. b
— Ce n’est pas si bête... Et, maintenant, qu’allez-vous faire,
colonel? La stratégie et la tactique sont dans le lac. Nous ne
voulons plus entendre parler d’enveloppements, de diversions
et d’offensives...,
— Je vais voyager.
— Ah I et où cela ?
—- Sur le front... C’est bien le moins, n’est-ce pas, que j’aille
un peu voir ce pays-là. Il paraît que c’est très curieux...
* * „. Les Américains ont vaillamment pris part aux travaux
et aux dangers de la guerre...
Rendons-leur aussi cette justice qu’ils ont énergiquement pris
part aux réjouissances de la paix.
Les Anglais ont eu de l’entrain; les Belges ont fait preuve de
résistance; les Italiens ont été solides; les Portugais ont été
gais... Mais tous les records ont été battus par les Américains.
Les « Yanks » ont été les boute-en-train de cette Société des
Nations qui a célébré, pendant plusieurs jours et plusieurs
nuits, la Victoire... Ils ont été épatants, ces braves alliés, et je
comprends que, devant des gaillards de cette trempe, les
Boches aient décidé de « laisser ça là ».
Il faut dire que le juste enthousiasme des Américains a été
maintenu au diapason par l’emballement des midinettes...
Les midinettes ont un faible, c’est bien certain, pour les sol-
dats du Président Wilson... Elles leur trouvent ce « je ne sais
quoi » qu’elles ont successivement découvert chez les Belges,
les Russes, les Anglais, les Italiens, les Portugais.
Un Japonais qui, non sans quelque envie, contemplait un
grand diable d’Américain aux prises avec trois charmantes pe-
tites cousettes, me dit en soupirant ;
— Dans un an, c’eût été notre tour.
— Oui, mais l’armistice...
— Hélas !...
Les Américains ont eu cette chance d’arriver les derniers : à
eux tout le bonheur!
Mais en dépit de ce succès fait aux « Yanks », c’est encore le
Poilu qui, en fin de compte, gagnera la belle... Quand il revien-
dra, il n’y en aura plus que pour lui : Mimi Pinson, Jenny l’Ou-
vrière et Louise sont, quoi qu’on dise, vouées au bleu, — au
bleu horizon. Le moment venu, elles le feront bien voir../