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Le rire rouge: édition de guerre du journal le rire — 1918 (Nr. 164-215)

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https://doi.org/10.11588/diglit.25447#0602
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ti RS MOBILISATION

— Il est question de tant de monuments, qu’en même temps qu’on démobilise d’un côté, il va falloir appeler, de l’autre, les sculpteurs do toute
classe, même l’R.A.T.

LE RIRE DE LA SEMAINE

L’ex-kaiser s’est fait graver des cartes de visite comme ceci :
Guillaume de Hohenzollern

ARCHITECTE

Ayant échoué dans l’art d’Alexandre, l’impérial déserteur
espère être plus heureux dans celui de Vitruve.

Après les plans de campagne, les plans de bâtisse!

— J’ai détruit beaucoup de maisons, s’est dit Guillaume, je
veux en reconstruire quelques-unes!

Les monarques ont toujours aimé l’architecture... Frédéric
éleva le château de Potsdam, mais lui, au moins, respecta le
moulin de Sans-Souci. Pour élever le colossal château fort de la
pangermanie, l’ex-kaiser n’a épargné ni le palais, ni la chau-
mière... Et cependant, il n’a pas réussi : comme architecte
politique et guerrier, Guillaume s’est montré faiblard... Aura-t-
il plus de succès comme architecte privé?

Le « Palais de la Paix » actuellement en construction à La
Haye sera peut-être confié à l’ex-seigneur de la guerre.

En effet, les Hollandais, — ou plutôt certains Hollandais, —
paraissent tout disposés à faire un sort au dernier « réfugié » de
la guerre. Le pays de l’Orange semble vouloir devenir le pa}S
de la poire...

— Excellents Hollandais, leur dit le nouvel architecte, je vous
ai promis pendant quatre années d’entrer chez vous... Vous
voyez, j’ai tenu ma promesse !

Mais peut-être Guillaume comptait-il pratiquer, en Hollande
comme ailleurs, une architecture à rebours... Jolies maisons
bariolées du royaume de Wilhelmine, vous l’avez échappé belle!
Vous aussi, moulins aux ailes tournantes! Maintenant, le grand
entrepreneur de destructions a changé de métier... Il va manier
de pacifiques tire-lignes et son compas n’aura plus la prétention
de tenir le monde entre deux pointes d’acier.

— Quel grand artiste va perdre l’univers! s’écriait Néron en
présentant sa poitrine au poignard de l’esclave...

Guillaume a pensé tout autrement :

— Conservons, a-t-il dit, le grand architecte que je suis à la
Hollande'

Et il a présenté son épée au premier garde-frontière des
Pays-Bas.

C’est pourquoi il ne faut plus comparer l’ex-kaiser à Néron...
Celui-ci avait probablement plus de talent sur sa flûte que Guil-
laume sur son papier-calque, — et, à coup sûr, il était plus cou-
rageux.

* * # M. Clemenceau n’a pas besoin de devenir académicien
pour rester un vieillard toujours vert. Et il aura beau porter
— sur l’oreille — le bicorne à plumes noires, nous ne l’imagi-
nerons jamais autrement que coiffé de son légendaire chapeau
melon.

Le melon de Clemenceau est devenu aussi légendaire que le
petit chapeau de Napoléon ou la casquette du père Bugeaud :
c’est un couvre-chef historique. Et le plus merveilleux, c’est que
cette coiffure éminemment civile figurera un jour au musée de
1 armée...

Remarquez, au surplus, que le petit chapeau de 1’ « Autre »
est un couvre-chef de pékin... Napoléon fut le seul « mobilisé »
de son temps à le porter : ainsi, il manifestait le dualisme de
son génie, à la fois civil et militaire.

Clemenceau a toujours porté son chapeau sur l’oreille... Ceci
est très caractéristique. Les découragés, les tristes, les victimes
n’inclinent pas leur galurin avec cette crânerie : ils s’en-
foncent leur chapeau sur le front. Le chapeau sur l’oreille,
c’est l’optimisme, la volonté, la désinvolture, la gloriole du
Français-type... Clemenceau est tout à fait Français : il y a
chez lui du gavroche et du Jean-Jacques Rousseau, du casseur
d’assiettes et de l’ami du genre humain, du cocardier et du
citoyen du monde... Il aime les bons mots et les grands mots;
il pratique le sarcasme et collectionne les images d’Epinal : il
est à la fois l’esprit le plus avancé et l’esprit le plus tradition-
naliste... Est-il rien de plus français?

Et tout cela est dans son petit chapeau... De ce banal melon, il
a fait sortir, non un lapin ou un pigeon, — mais la colombe de
la paix victorieuse, avec les traditionnels flots de ruban. Le
tour a été merveilleusement réussi et, — avouons-le, — au
moment où nous nous y attendions le moins.

— Rien dans les mains, rien dans les poches!...

Cependant, il y avait pas mal de corps d’arméo ennemis dans

les poches...

— Pas de compères !
 
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