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https://doi.org/10.11588/diglit.25447#0603
Si, Clemenceau avait 36 millions de compères, c’est-à-dire
tous les Français, — sauf, peut-être, M. Renaudel.
* * * Faut-il pour cela que le monument de la Victoire repré-
sente, au sommet du mont Valérien, un formidable melon?
Non, ce dôme « chapeaulèonien » ne serait pas esthétique. Il
s’agit d’immortaliser ces grandes journées par quelque chose
qui soit à la hauteur. Mais rassurons-nous : le Matin est en train
de préparer un arc de triomphe qui ne sera pas dans la musette
des poilus.
Notre excellent confrère organise un concours d’arcs de
triomphe entre tous ses lecteurs et annonce que le projet choisi
sera immédiatement construit en matériaux provisoires, c’est-
à-dire, si je comprends bien, en une sorte de carton-pâte fabri-
qué avec les « bouillons ».
Au sommet de ce monument, nous lirons probablement cette
émouvante devise :
Aux Armées alliées
le Matin reconnaissant.
Seulement, que va-t-il arriver?
Les concurrents du Matin voudront élever, eux aussi, des arcs
de triomphe...
Il y aura l’arc de triomphe du Petit Parisien, l’arc de
triomphe du Journal, l’arc de triomphe du Petit Journal...
Des groupes en papier mâché représenteront le « Fidèle
abonné » ou le « Vieux lecteur » couronnant de lauriers le poilu
victorieux. Sur la frise, nous lirons les différents prix d’abonne-
ment et le tarif des petites annonces... Que dis-je? Les colonnes
plus ou moins corinthiennes de ces monuments seront affermées
aux agents de publicité et les noms des victoires alterneront
avec des réclames commerciales.
Dans le faux bronze et le faux marbre seront gravées des
inscriptions dans ce genre :
En temps de guerre, ils prenaient
la Main de Massiges; en temps
de paix, ils vont applaudir la
Main de ma sœur.
gu :
La pâte épilatoire de Machin épile
tout le monde, — même les Poilus!
ou bien :
Héros !
Après avoir repris l’Alsace et la Lorraine,
reprenez de l’Amer-Michel !
Et, pour activer le tirage, les administrateurs de ces journaux
autoriseront les abonnés à défiler sous chaque arc de triomphe,
en même temps que les poilus.
Comme prime, il n’y a certainement rien de plus séduisant!
Ainsi, la presse qui a tant aidé à la victoire saura la magnifier
comme il convient...
l'aviation de la paix
Un aérobus a surcolé Paris avec
trente-cinq personnes à bord.
Oui, deux places en première, vous pouvez monter.
Dessins de L. Métivet. >
* * * C’est très bien, mais les marraines, que deviennent-
elles dans tout cela?
Les marraines ont droit à la reconnaissance de la patrie...
Elles ont été les infirmières du cœur, — et il faut que chacun
s’en souvienne. Pourquoi celles qui ont chassé le cafard des
poilus tandis que ceux-ci chassaient le Boche, pourquoi ne rece-
vraient-elles pas, tout âu moins, un insigne officiel, par exemple
une médaille avec un ruban bleu et rose?
Bleu et rose, — parce que ces couleurs sont galantes et senti-
mentales...
11 me semble que le conseil municipal devrait bien aussi créer
à Paris une avenue des Marraines...
Il y avait jadis, près du rond-point de l’avenue des Champs-
Elysées, l’avenue des Veuves : c’est, je crois, l’avenue Marigny.
Belle occasion de la consacrer à celles qui mêlèrent à la plus
sauvage des guerres un peu de fantaisie galante ou de féminine
douceur.
Tout au moins qu’elles défilent place de la Concorde, derrière
la musique de la garde républicaine... Ce sera un cortège qui
vaudra bien celui des gens de lettres, organisé par notre actif
et sympathique Georges Lecomte.
Cette théorie de romanciers et de conteurs faillit remplir
l’avenue des Champs-Elysées. Il y en avait! il y en avait! Ah!
certes, la littérature ne manque pas de bras...
Des curieux demandaient :
— Ce sont des délégués de nos provinces reconquises?
Un mauvais plaisant répondit :
— Oui, ce sont les Balzaciens-Lorrains.
Hélas! les gens de lettres, comme les autres manifestants,
ne purent atteindre leur objectif, qui était la statue de Stras-
bourg.
Et l’un d’eux, mélancoliquement, dit à Georges Lecomte :
— Je m’y attendais... Tant de gens de lettres ont l’habitude de
ne pas arriver! Pick-me-up.
tous les Français, — sauf, peut-être, M. Renaudel.
* * * Faut-il pour cela que le monument de la Victoire repré-
sente, au sommet du mont Valérien, un formidable melon?
Non, ce dôme « chapeaulèonien » ne serait pas esthétique. Il
s’agit d’immortaliser ces grandes journées par quelque chose
qui soit à la hauteur. Mais rassurons-nous : le Matin est en train
de préparer un arc de triomphe qui ne sera pas dans la musette
des poilus.
Notre excellent confrère organise un concours d’arcs de
triomphe entre tous ses lecteurs et annonce que le projet choisi
sera immédiatement construit en matériaux provisoires, c’est-
à-dire, si je comprends bien, en une sorte de carton-pâte fabri-
qué avec les « bouillons ».
Au sommet de ce monument, nous lirons probablement cette
émouvante devise :
Aux Armées alliées
le Matin reconnaissant.
Seulement, que va-t-il arriver?
Les concurrents du Matin voudront élever, eux aussi, des arcs
de triomphe...
Il y aura l’arc de triomphe du Petit Parisien, l’arc de
triomphe du Journal, l’arc de triomphe du Petit Journal...
Des groupes en papier mâché représenteront le « Fidèle
abonné » ou le « Vieux lecteur » couronnant de lauriers le poilu
victorieux. Sur la frise, nous lirons les différents prix d’abonne-
ment et le tarif des petites annonces... Que dis-je? Les colonnes
plus ou moins corinthiennes de ces monuments seront affermées
aux agents de publicité et les noms des victoires alterneront
avec des réclames commerciales.
Dans le faux bronze et le faux marbre seront gravées des
inscriptions dans ce genre :
En temps de guerre, ils prenaient
la Main de Massiges; en temps
de paix, ils vont applaudir la
Main de ma sœur.
gu :
La pâte épilatoire de Machin épile
tout le monde, — même les Poilus!
ou bien :
Héros !
Après avoir repris l’Alsace et la Lorraine,
reprenez de l’Amer-Michel !
Et, pour activer le tirage, les administrateurs de ces journaux
autoriseront les abonnés à défiler sous chaque arc de triomphe,
en même temps que les poilus.
Comme prime, il n’y a certainement rien de plus séduisant!
Ainsi, la presse qui a tant aidé à la victoire saura la magnifier
comme il convient...
l'aviation de la paix
Un aérobus a surcolé Paris avec
trente-cinq personnes à bord.
Oui, deux places en première, vous pouvez monter.
Dessins de L. Métivet. >
* * * C’est très bien, mais les marraines, que deviennent-
elles dans tout cela?
Les marraines ont droit à la reconnaissance de la patrie...
Elles ont été les infirmières du cœur, — et il faut que chacun
s’en souvienne. Pourquoi celles qui ont chassé le cafard des
poilus tandis que ceux-ci chassaient le Boche, pourquoi ne rece-
vraient-elles pas, tout âu moins, un insigne officiel, par exemple
une médaille avec un ruban bleu et rose?
Bleu et rose, — parce que ces couleurs sont galantes et senti-
mentales...
11 me semble que le conseil municipal devrait bien aussi créer
à Paris une avenue des Marraines...
Il y avait jadis, près du rond-point de l’avenue des Champs-
Elysées, l’avenue des Veuves : c’est, je crois, l’avenue Marigny.
Belle occasion de la consacrer à celles qui mêlèrent à la plus
sauvage des guerres un peu de fantaisie galante ou de féminine
douceur.
Tout au moins qu’elles défilent place de la Concorde, derrière
la musique de la garde républicaine... Ce sera un cortège qui
vaudra bien celui des gens de lettres, organisé par notre actif
et sympathique Georges Lecomte.
Cette théorie de romanciers et de conteurs faillit remplir
l’avenue des Champs-Elysées. Il y en avait! il y en avait! Ah!
certes, la littérature ne manque pas de bras...
Des curieux demandaient :
— Ce sont des délégués de nos provinces reconquises?
Un mauvais plaisant répondit :
— Oui, ce sont les Balzaciens-Lorrains.
Hélas! les gens de lettres, comme les autres manifestants,
ne purent atteindre leur objectif, qui était la statue de Stras-
bourg.
Et l’un d’eux, mélancoliquement, dit à Georges Lecomte :
— Je m’y attendais... Tant de gens de lettres ont l’habitude de
ne pas arriver! Pick-me-up.