LE RETOUR DU
— Voilà celui qui revient de l’Enfer...
LE RIRE DE LA SEMAINE
Pendant cinquante-deux mois, notre confrère Marcel Hutin a
répété ce mot d’ordre :
— Patience et confiance!...
J’ai été patient et confiant, non sans me dire parfois :
— Nous verrons bien si cela suffira.
Eh bien, il n’y a pas de doute : le conseil était bon puisque
nous avons la victoire.
Cette expérience a définitivement consacré à mes yeux l’au-
torité de M. Marcel Hutin. Tout ce qu’écrit cet éminent journa-
liste est pour moi parole d’évangile.
Or, M. Marcel Hutin vient de déclarer ceci : maintenant que
nous sommes victorieux, nous avons le droit, et même le devoir,
de revêtir, selon notre sexe, l’habit noir ou la robe de soirée...
Les vrais patriotes réendossent leur queue de pie... et la petite
duchesse se remet en peau, — ce qui est une façon comme une
auLepour ses adorateurs de retrouver les provinces perdues,
selon la légende d’Abel Faivre.
C’est M. Dalimier qui, aux heures sombres de la guerre,
déclara que, même à l’Opéra, l’habit et la robe décolletée
étaient inadmissibles... Une tenue négligée était de rigueur,
même à l’orchestre. Il est vrai que si les femmes étaient obli-
gées de cacher leur poitrine, elles montraient leurs mollets
avec générosité. Une gorge nue eût paru scandaleuse à l’heure
où se décidait le sort de la patrie, mais une jambe gantée de
soie transparente ne choquait en rien le regard du patriote le
plus angoissé.
C’en est fait de l’ukase de M. Dalimier.
L’invite de M. Marcel Hutin, arbitre des élégances victo-
rieuses et nationales, nous décide à retirer notre habit du car-
ton parfumé à la naphtaline. Et déjà Mado s’inquiète :
— Dis, chéri, as-tu lu l’Echo de Paris ?
— Non. Tu comprends, maintenant que la guerre est finie, je...
— Eh bien, tu as tort, jamais ce journal n’a été si intéressant,
jamais Marcel Hutin n’a été si bien informé... Mon devoir de
Française soucieuse de célébrer le triomphe de nos armées est
de me commander en toute hâte une robe de soirée.
— Mais...
PRISONNIER
« ... Je ne mourus pas et je ne restai pas vivant... » (Dante).
— Serais-tu un type dans le genre de Longuet?
— Non, certes...
— Eh bien, alors?
Inutile, n’est-ce pas, de discuter. Et puis qnand on entre dans
une « ère nouvelle », c’est bien le moins qu’on étrenne une robe.
La Société des Nations sera un endroit très bien fréquenté,
quelque chose comme un grand cercle et, pour y être admis, il
faudra revêtir une toilette de soirée à la dernière mode.
* * * C’est très joli, mais les démobilisés pourront-ils profiter
de l’autorisation de M. Marcel Hutin?
L’Intendance a reçu l’ordre de fournir à chacun d’eux un
complet civil, une chemise, une paire de souliers et une cas-
quette... J’ai comme une idée que tout cela ne sera pas fait pour
ravir Brummel et ses disciples.
L’habit militaire, même quand il ne va pas du tout, va tou-
jours un peu...
Le « garde-mites » dit au « client » :
— V’ià un phalzar qu’est fait comme pour toi!
— Mais il est trop court, trop large...
— Et tu te plains! J’te dis que c’est ton blot. Allons, ouste!...
Sur ce, le capitaine d’habillement intervient et, infaillible
comme le pape ou un grand couturier, sentencie :
— Mon ami, cette culotte vous sied à ravir!... A un autre!...
Au fait, les effets militaires vont d’autant mieux qu’on les
porte plus longtemps... Le besoin crée l’organe : le derrière
crée le pantalon !
Mais, dans le civil, c’est, si j’ose dire, une autre paire de
manches !
Aussi le complet de l’Intendance risque-t-il fort de décevoir
nombre de démobilisés. On se résigne à porter une veste trop
longue ou trop courte quand elle est militaire : la gloire d’un
uniforme en efface le ridicule... Mais un veston de pékin ne
bénéficie pas de l’indulgence admirative qui va aux défroques
de nos poilus. Et pour tout dire, s’il est ridicule, il fera sourire
M. Gustave Hervé lui-même!
Or, le capitaine d’habillement va équiper les démobilisés avec
une rapidité expéditive qui ne permettra pus de procéder à de
savants essayages.
— Mon ami, enfilez-moi cette culotte de velours.
— Pardon, je suis clerc de notaire et...
— Voilà celui qui revient de l’Enfer...
LE RIRE DE LA SEMAINE
Pendant cinquante-deux mois, notre confrère Marcel Hutin a
répété ce mot d’ordre :
— Patience et confiance!...
J’ai été patient et confiant, non sans me dire parfois :
— Nous verrons bien si cela suffira.
Eh bien, il n’y a pas de doute : le conseil était bon puisque
nous avons la victoire.
Cette expérience a définitivement consacré à mes yeux l’au-
torité de M. Marcel Hutin. Tout ce qu’écrit cet éminent journa-
liste est pour moi parole d’évangile.
Or, M. Marcel Hutin vient de déclarer ceci : maintenant que
nous sommes victorieux, nous avons le droit, et même le devoir,
de revêtir, selon notre sexe, l’habit noir ou la robe de soirée...
Les vrais patriotes réendossent leur queue de pie... et la petite
duchesse se remet en peau, — ce qui est une façon comme une
auLepour ses adorateurs de retrouver les provinces perdues,
selon la légende d’Abel Faivre.
C’est M. Dalimier qui, aux heures sombres de la guerre,
déclara que, même à l’Opéra, l’habit et la robe décolletée
étaient inadmissibles... Une tenue négligée était de rigueur,
même à l’orchestre. Il est vrai que si les femmes étaient obli-
gées de cacher leur poitrine, elles montraient leurs mollets
avec générosité. Une gorge nue eût paru scandaleuse à l’heure
où se décidait le sort de la patrie, mais une jambe gantée de
soie transparente ne choquait en rien le regard du patriote le
plus angoissé.
C’en est fait de l’ukase de M. Dalimier.
L’invite de M. Marcel Hutin, arbitre des élégances victo-
rieuses et nationales, nous décide à retirer notre habit du car-
ton parfumé à la naphtaline. Et déjà Mado s’inquiète :
— Dis, chéri, as-tu lu l’Echo de Paris ?
— Non. Tu comprends, maintenant que la guerre est finie, je...
— Eh bien, tu as tort, jamais ce journal n’a été si intéressant,
jamais Marcel Hutin n’a été si bien informé... Mon devoir de
Française soucieuse de célébrer le triomphe de nos armées est
de me commander en toute hâte une robe de soirée.
— Mais...
PRISONNIER
« ... Je ne mourus pas et je ne restai pas vivant... » (Dante).
— Serais-tu un type dans le genre de Longuet?
— Non, certes...
— Eh bien, alors?
Inutile, n’est-ce pas, de discuter. Et puis qnand on entre dans
une « ère nouvelle », c’est bien le moins qu’on étrenne une robe.
La Société des Nations sera un endroit très bien fréquenté,
quelque chose comme un grand cercle et, pour y être admis, il
faudra revêtir une toilette de soirée à la dernière mode.
* * * C’est très joli, mais les démobilisés pourront-ils profiter
de l’autorisation de M. Marcel Hutin?
L’Intendance a reçu l’ordre de fournir à chacun d’eux un
complet civil, une chemise, une paire de souliers et une cas-
quette... J’ai comme une idée que tout cela ne sera pas fait pour
ravir Brummel et ses disciples.
L’habit militaire, même quand il ne va pas du tout, va tou-
jours un peu...
Le « garde-mites » dit au « client » :
— V’ià un phalzar qu’est fait comme pour toi!
— Mais il est trop court, trop large...
— Et tu te plains! J’te dis que c’est ton blot. Allons, ouste!...
Sur ce, le capitaine d’habillement intervient et, infaillible
comme le pape ou un grand couturier, sentencie :
— Mon ami, cette culotte vous sied à ravir!... A un autre!...
Au fait, les effets militaires vont d’autant mieux qu’on les
porte plus longtemps... Le besoin crée l’organe : le derrière
crée le pantalon !
Mais, dans le civil, c’est, si j’ose dire, une autre paire de
manches !
Aussi le complet de l’Intendance risque-t-il fort de décevoir
nombre de démobilisés. On se résigne à porter une veste trop
longue ou trop courte quand elle est militaire : la gloire d’un
uniforme en efface le ridicule... Mais un veston de pékin ne
bénéficie pas de l’indulgence admirative qui va aux défroques
de nos poilus. Et pour tout dire, s’il est ridicule, il fera sourire
M. Gustave Hervé lui-même!
Or, le capitaine d’habillement va équiper les démobilisés avec
une rapidité expéditive qui ne permettra pus de procéder à de
savants essayages.
— Mon ami, enfilez-moi cette culotte de velours.
— Pardon, je suis clerc de notaire et...