LE SOURIRE DES RECONSTRUCTEURS
— Halte-là ! Je réclame des maçons : ne touchez pas à ça, vous autres, les architectes de Munich ou de Berlin.
LE RIRE DE LA SEMAINE
L’ex-kaiser se console de tous ses malheurs en disant : — Je
suis un type dans le genre de Napoléon!
Tout comme le petit caporal après son abdication, il porte un
costume qui tient, à la fois, de l’uniforme militaire et du
vêtement civil. N’osant adopter la redingote grise, il s’enveloppe
dans une sorte de manteau verdâtre, — qu’il espère rendre
légendaire.
Guillaume se propose, dit-on, d’aller s’asseoir, comme Thé-
mistocle, au foyer du peuple américain. Mais au temps de Thé-
mistocle, l’Amérique n’était pas encore découverte.
Et en attendant, le « Seigneur de la guerre » écrit son
Mémorial.
Mais c’est trop tôt : qu’il attende d’être installé à l'Ile du
Diable !
Il manque beaucoup de choses à Guillaume pour être un type
dans le genre de Napoléon.
Par exemple, il lui manque d’être venu à Paris, — l’Autre
étant allé à Berlin.
Il lui manque d’avoir fait sa fortune lui-même, d’avoir débuté,
dans la carrière militaire, comme sous-lieutenant d’artillerie.
Il lui manque d’avoir rétabli l’ordre dans son pays, — car
c’est le désordre et l’anarchie que, finalement, il y a installés.
Il lui manque d’avoir été blessé à Mézières, — Napoléon ayant
été blessé à Ratisbonne.
11 lui manque... Mais il lui manque tout!
Même vaincu, même exilé, Napoléon garda un prestige extra-
ordinaire. Son épopée inspira Béranger:
Il s’est assis là, grand’mère,
Il s’est assis là!
Le casque à pointe de Guillaume ne restera pas fameux
comme le petit chapeau de Napoléon; nul Raffet ne naîtra,
Outre-Rhin, pour évoquer, d’un crayon lyrique, le déserteur
d'Eysden.
La'gloire napoléonienne doit beaucoup aux humoristes et aux
chansonniers... Les lithographies et les couplets de 1830 uni
plus fait pour elle que les gros volumes de M. Thicrs.
Sans vouloir établir de comparaison, constatons que M. Cle-
menceau a pour lui chansonniers et humoristes : son prolil et
son petit chapeau inspirent les uns et les autres... On ne passe
pas à la postérité sur les épaules des historiens académiques
mais sur celles des caricaturistes et des fantaisistes.
Et, dans cent ans, à la fête de Neuilly, les marchands de pâte
à rasoir découperont encore, dans une feuille de papier, le
profil épique et cordial du Tigre.
C’est ça, la postérité!
* * * Et nous avons une affaire Leroy.
Les uns crient :
— Vive Leroy!
Les autres :
— Vive l’empereur!
Non, je veux dire : « Vive Alexandre! »
M. Leroy est un jeune comédien du Théâtre-Français qu’il
est question de nommer sociétaire à six douzièmes dans des
conditions assez extraordinaires... On a dit : « C’est le fait du
prince; » mais vu le nom de l’intéressé, cela n’a rien que de très
logique.
Or, d’autres artistes de la Comédie-Française s’estiment lésés
par cette nomination... Ce sont « les mobilisés » : ils constatent
avec amertume que, tandis qu’ils jouaient sur le théâtre de la
guerre, M. Leroy, réformé, se débrouillait fort bien sur le
théâtre de la rue Richelieu. Alexandre est l’un de ces mobilisés
et il trouve qu’il y a bien assez de profiteurs de la guerre pour
que le Gouvernement n’en crée pas, arbitrairement, dans la
Maison où l’on célèbre, en prose et en vers, la gloire et les
droits des poilus.
Bref, il y a des leroyalistes et des antileroyalistes; mais on
annonce que les camelots de Leroy auront fort à faire s ils
veulent lutter contre les camelots d’Alexandre.
Tout ceci n’a évidemment qu’une importance assez modérée...
Au surplus, le nouveau sociétaire tient le bon bout et il se
trouvera, en la circonstance, infiniment plus de gens pour crier :
« Vive Leroy! » que « Vive la Ligue ! »
Ainsi nous revenons aux piquantes histoires de théâtre qui
nous passionnaient avant la guerre... Bachaumont continue ses
mémoires secrets et la chronique scandaleuse des cours retrouve
ses informateurs, ses curieux et ses médisants.
Tout de même, il y a un changement.
Autrefois, c’était toujours de femmes qu’il s’agissait quand on
— Halte-là ! Je réclame des maçons : ne touchez pas à ça, vous autres, les architectes de Munich ou de Berlin.
LE RIRE DE LA SEMAINE
L’ex-kaiser se console de tous ses malheurs en disant : — Je
suis un type dans le genre de Napoléon!
Tout comme le petit caporal après son abdication, il porte un
costume qui tient, à la fois, de l’uniforme militaire et du
vêtement civil. N’osant adopter la redingote grise, il s’enveloppe
dans une sorte de manteau verdâtre, — qu’il espère rendre
légendaire.
Guillaume se propose, dit-on, d’aller s’asseoir, comme Thé-
mistocle, au foyer du peuple américain. Mais au temps de Thé-
mistocle, l’Amérique n’était pas encore découverte.
Et en attendant, le « Seigneur de la guerre » écrit son
Mémorial.
Mais c’est trop tôt : qu’il attende d’être installé à l'Ile du
Diable !
Il manque beaucoup de choses à Guillaume pour être un type
dans le genre de Napoléon.
Par exemple, il lui manque d’être venu à Paris, — l’Autre
étant allé à Berlin.
Il lui manque d’avoir fait sa fortune lui-même, d’avoir débuté,
dans la carrière militaire, comme sous-lieutenant d’artillerie.
Il lui manque d’avoir rétabli l’ordre dans son pays, — car
c’est le désordre et l’anarchie que, finalement, il y a installés.
Il lui manque d’avoir été blessé à Mézières, — Napoléon ayant
été blessé à Ratisbonne.
11 lui manque... Mais il lui manque tout!
Même vaincu, même exilé, Napoléon garda un prestige extra-
ordinaire. Son épopée inspira Béranger:
Il s’est assis là, grand’mère,
Il s’est assis là!
Le casque à pointe de Guillaume ne restera pas fameux
comme le petit chapeau de Napoléon; nul Raffet ne naîtra,
Outre-Rhin, pour évoquer, d’un crayon lyrique, le déserteur
d'Eysden.
La'gloire napoléonienne doit beaucoup aux humoristes et aux
chansonniers... Les lithographies et les couplets de 1830 uni
plus fait pour elle que les gros volumes de M. Thicrs.
Sans vouloir établir de comparaison, constatons que M. Cle-
menceau a pour lui chansonniers et humoristes : son prolil et
son petit chapeau inspirent les uns et les autres... On ne passe
pas à la postérité sur les épaules des historiens académiques
mais sur celles des caricaturistes et des fantaisistes.
Et, dans cent ans, à la fête de Neuilly, les marchands de pâte
à rasoir découperont encore, dans une feuille de papier, le
profil épique et cordial du Tigre.
C’est ça, la postérité!
* * * Et nous avons une affaire Leroy.
Les uns crient :
— Vive Leroy!
Les autres :
— Vive l’empereur!
Non, je veux dire : « Vive Alexandre! »
M. Leroy est un jeune comédien du Théâtre-Français qu’il
est question de nommer sociétaire à six douzièmes dans des
conditions assez extraordinaires... On a dit : « C’est le fait du
prince; » mais vu le nom de l’intéressé, cela n’a rien que de très
logique.
Or, d’autres artistes de la Comédie-Française s’estiment lésés
par cette nomination... Ce sont « les mobilisés » : ils constatent
avec amertume que, tandis qu’ils jouaient sur le théâtre de la
guerre, M. Leroy, réformé, se débrouillait fort bien sur le
théâtre de la rue Richelieu. Alexandre est l’un de ces mobilisés
et il trouve qu’il y a bien assez de profiteurs de la guerre pour
que le Gouvernement n’en crée pas, arbitrairement, dans la
Maison où l’on célèbre, en prose et en vers, la gloire et les
droits des poilus.
Bref, il y a des leroyalistes et des antileroyalistes; mais on
annonce que les camelots de Leroy auront fort à faire s ils
veulent lutter contre les camelots d’Alexandre.
Tout ceci n’a évidemment qu’une importance assez modérée...
Au surplus, le nouveau sociétaire tient le bon bout et il se
trouvera, en la circonstance, infiniment plus de gens pour crier :
« Vive Leroy! » que « Vive la Ligue ! »
Ainsi nous revenons aux piquantes histoires de théâtre qui
nous passionnaient avant la guerre... Bachaumont continue ses
mémoires secrets et la chronique scandaleuse des cours retrouve
ses informateurs, ses curieux et ses médisants.
Tout de même, il y a un changement.
Autrefois, c’était toujours de femmes qu’il s’agissait quand on