556 QUARTIER
très éloigné de se brouiller avec le roi qui l'accabloit à dessein des plus vifs
témoignages d'amitié et de bienveillance. Tranquille de ce côté, sûr éga-
lement qu'il n'avoit rien à craindre des Anglais encore fatigués de leurs
dissensions intestines, jugeant bien qu'il étoit impossible que le duc de
Bretagne ne fût pas un des principaux moteurs d'un complot dont les fils lui
échappoient, mais dont l'existence lui étoit démontrée, Louis prit la résolu-
tion hardie de déconcerter les conjurés, en portant sur-le-champ la guerre
dans les états de ce perfide vassal. Ses mesures furent prises dans un si pro-
fond secret, les mouvements des troupes se firent avec tant de précautions,
que le duc ne sortit de la sécurité dans laquelle il étoit plongé que lorsque
l'armée du roi bordoit déjà ses frontières et étoit sur le point d'inonder ses
états. Surpris par une inexcusable imprévoyance, il eut recours à la ruse
et à la soumission , ressource ordinaire de la lâcheté et de la foiblesse. Il
promit tout ce qu'on voulut, demandant seulement au roi de rassembler
les états de son royaume et de les consulter avant de signer un traité
définitif; et ce qui ne peut assez étonner de la part de Louis, c'est qu'au
lieu d'écraser un ennemi dont la soumission apparente ne pouvoit lui
imposer, il lui accorda le délai demandé et renvoya ses troupes. Cette
faute, qui n'est pas la seule qu'il ait commise dans cette circonstance, de-
vient d'autant plus inexplicable , que l'étroite intimité qui régnoit entre
ce prince et le comte de Charolois ne cessoit point d'être l'objet de ses plus
vives alarmes. Il sembloit par-là prendre plaisir à les augmenter encore; et
en effet le duc , dès qu'il se vit hors de danger, n'en travailla qu'avec plus
d'ardeur à susciter à son ennemi assez d'embarras pour qu'il se trouvât hors
d'état de pouvoir une seconde fois le réduire à de semblables extrémités. Ses
i/f63. messagers parcoururent aussitôt toute la France, portant à tous les princes du
sang et aux plus grands seigneurs des lettres dans lesquelles il leur peignoit
sous les couleurs les plus sinistres les desseins et la politique du roi à leu r égard,
et lespressoit, au nom de leurs plus chers intérêts, de prévenir par leur réu-
nion et leur résistance ouver te les malheurs dont ils étoient menacés. Ces ca-
ractères hautains et indépendants n'étoient déjà que trop disposés à suivre de
tels conseils; et l'esprit de haine et de révolte contre un roi qui vouloit réel-
lement être le maître, étoit si généralement répandu que le duc de Bretagne
ne rencontra pas un seul sujet fidèle disposé à révéler la trahison. Tous
s'unirent à lui et s'engagèrent réciproquement les uns avec les autres.
très éloigné de se brouiller avec le roi qui l'accabloit à dessein des plus vifs
témoignages d'amitié et de bienveillance. Tranquille de ce côté, sûr éga-
lement qu'il n'avoit rien à craindre des Anglais encore fatigués de leurs
dissensions intestines, jugeant bien qu'il étoit impossible que le duc de
Bretagne ne fût pas un des principaux moteurs d'un complot dont les fils lui
échappoient, mais dont l'existence lui étoit démontrée, Louis prit la résolu-
tion hardie de déconcerter les conjurés, en portant sur-le-champ la guerre
dans les états de ce perfide vassal. Ses mesures furent prises dans un si pro-
fond secret, les mouvements des troupes se firent avec tant de précautions,
que le duc ne sortit de la sécurité dans laquelle il étoit plongé que lorsque
l'armée du roi bordoit déjà ses frontières et étoit sur le point d'inonder ses
états. Surpris par une inexcusable imprévoyance, il eut recours à la ruse
et à la soumission , ressource ordinaire de la lâcheté et de la foiblesse. Il
promit tout ce qu'on voulut, demandant seulement au roi de rassembler
les états de son royaume et de les consulter avant de signer un traité
définitif; et ce qui ne peut assez étonner de la part de Louis, c'est qu'au
lieu d'écraser un ennemi dont la soumission apparente ne pouvoit lui
imposer, il lui accorda le délai demandé et renvoya ses troupes. Cette
faute, qui n'est pas la seule qu'il ait commise dans cette circonstance, de-
vient d'autant plus inexplicable , que l'étroite intimité qui régnoit entre
ce prince et le comte de Charolois ne cessoit point d'être l'objet de ses plus
vives alarmes. Il sembloit par-là prendre plaisir à les augmenter encore; et
en effet le duc , dès qu'il se vit hors de danger, n'en travailla qu'avec plus
d'ardeur à susciter à son ennemi assez d'embarras pour qu'il se trouvât hors
d'état de pouvoir une seconde fois le réduire à de semblables extrémités. Ses
i/f63. messagers parcoururent aussitôt toute la France, portant à tous les princes du
sang et aux plus grands seigneurs des lettres dans lesquelles il leur peignoit
sous les couleurs les plus sinistres les desseins et la politique du roi à leu r égard,
et lespressoit, au nom de leurs plus chers intérêts, de prévenir par leur réu-
nion et leur résistance ouver te les malheurs dont ils étoient menacés. Ces ca-
ractères hautains et indépendants n'étoient déjà que trop disposés à suivre de
tels conseils; et l'esprit de haine et de révolte contre un roi qui vouloit réel-
lement être le maître, étoit si généralement répandu que le duc de Bretagne
ne rencontra pas un seul sujet fidèle disposé à révéler la trahison. Tous
s'unirent à lui et s'engagèrent réciproquement les uns avec les autres.