STATUES.
jugèrent à propos d’adoucir ce que ce geste pouvoit avoir de dur, même
d’un peu forcé, en donnant à la main le motif si naturel de soulever ou
de rajuster la draperie, ce qui rendoit l’attitude plus gracieuse, sans
lui ôter beaucoup de son caractère; telle est l’explication que donne
M. Visconti de ce léger changement, et nous la trouvons plus simple,
plus vraisemblable que les allusions recherchées dans lesquelles s’égarent
la plupart des autres antiquaires. Cependant le mouvement des deux
Némésis de Smyrne nous paroîtroit, par sa rudesse même, convenir
davantage à la sévérité d’un tel sujet.
La figure que nous décrivons a cela de remarquable, que son man-
teau est ajusté absolument de la même manière que celui de l’Erato
du Vatican; elle est également revêtue d’une longue tunique dont le
repli très-profond produit l’apparence d’un petit péplum jeté sur ce pre-
mier vêtement; la pose est aussi la même, avec un peu plus d’abandon;
en un mot, c’est une preuve de plus de cet esprit d’imitation, principe
fondamental de l’art dans les écoles de la Grèce, et l’un de ses moyens
les plus sûrs d’atteindre à la perfection. Du reste, ce n’est pas là de la
sculpture d’un ordre supérieur ; et une sorte de mollesse que l’on
remarque dans le travail pourroit même en faire suspecter l’originalité.
La tête, d’une physionomie douce et agréable, intéressante surtout
par l’arrangement rare et élégant des cheveux (i), n’appartient point
à la statue ; mais il étoit difficile d’en trouver une qui s’y adaptât plus
convenablement, tant pour la proportion que pour le caractère, car
les fonctions terribles de Némésis s’allioient très-bien dans l’imagination
des artistes grecs avec la grâce et la beauté du visage, et personne
n’ignore que la fameuse statue de cette déesse, chef-d’œuvre d’Agora-
crite, et que Varron mettoit au-dessus des ouvrages les plus accomplis
de l’antiquité, étoit, dans le principe, une image de Vénus, que l’indi-
gnation de l’artiste avoit transformée en Némésis (2).
Les pieds, une partie du bras droit au-dessus du coude, le genou
droit, le nez, les deux extrémités du manteau, plusieurs morceaux de la
draperie et de la corne d’abondance, sont des restaurations modernes.
(Tirée de la Filla-Borghese. Trouvée dans les ruines de Gabies. Marbre de Paros. — Hauteur, 5 Pieds
4 po«ces = 32m )
(1) Ce genre de coiffure, assez commun dans les figures peintes sur les vases étrusques, rare dans les
statues, se compose d’un très-gros nœud dans lequel tous les cheveux sont rassemblés au-dessus de la nuque.
Les Grecs nommoient ce nœud k^vkoç.
(2) Cette statue de Némésis étoit placée dans un bourg de l’Attique nommé Rhamnus. Pausanias, qui
l’avoit vue , et qui se trompe sur le nom de son auteur, en même temps qu’il paroit ignorer la métamorphose
qu’elle avoit subie, se donne inutilement beaucoup de peine pour expliquer certains attributs que l’artiste avoit
laissés, et qui effectivement ne pouvoient convenir qu’à Vénus. Pline , mieux instruit, raconte toute cette
histoire, suite de la rivalité d’Agoracrite et d’Alcamène, tous les deux élèves de Phidias, xxxvi 4-
jugèrent à propos d’adoucir ce que ce geste pouvoit avoir de dur, même
d’un peu forcé, en donnant à la main le motif si naturel de soulever ou
de rajuster la draperie, ce qui rendoit l’attitude plus gracieuse, sans
lui ôter beaucoup de son caractère; telle est l’explication que donne
M. Visconti de ce léger changement, et nous la trouvons plus simple,
plus vraisemblable que les allusions recherchées dans lesquelles s’égarent
la plupart des autres antiquaires. Cependant le mouvement des deux
Némésis de Smyrne nous paroîtroit, par sa rudesse même, convenir
davantage à la sévérité d’un tel sujet.
La figure que nous décrivons a cela de remarquable, que son man-
teau est ajusté absolument de la même manière que celui de l’Erato
du Vatican; elle est également revêtue d’une longue tunique dont le
repli très-profond produit l’apparence d’un petit péplum jeté sur ce pre-
mier vêtement; la pose est aussi la même, avec un peu plus d’abandon;
en un mot, c’est une preuve de plus de cet esprit d’imitation, principe
fondamental de l’art dans les écoles de la Grèce, et l’un de ses moyens
les plus sûrs d’atteindre à la perfection. Du reste, ce n’est pas là de la
sculpture d’un ordre supérieur ; et une sorte de mollesse que l’on
remarque dans le travail pourroit même en faire suspecter l’originalité.
La tête, d’une physionomie douce et agréable, intéressante surtout
par l’arrangement rare et élégant des cheveux (i), n’appartient point
à la statue ; mais il étoit difficile d’en trouver une qui s’y adaptât plus
convenablement, tant pour la proportion que pour le caractère, car
les fonctions terribles de Némésis s’allioient très-bien dans l’imagination
des artistes grecs avec la grâce et la beauté du visage, et personne
n’ignore que la fameuse statue de cette déesse, chef-d’œuvre d’Agora-
crite, et que Varron mettoit au-dessus des ouvrages les plus accomplis
de l’antiquité, étoit, dans le principe, une image de Vénus, que l’indi-
gnation de l’artiste avoit transformée en Némésis (2).
Les pieds, une partie du bras droit au-dessus du coude, le genou
droit, le nez, les deux extrémités du manteau, plusieurs morceaux de la
draperie et de la corne d’abondance, sont des restaurations modernes.
(Tirée de la Filla-Borghese. Trouvée dans les ruines de Gabies. Marbre de Paros. — Hauteur, 5 Pieds
4 po«ces = 32m )
(1) Ce genre de coiffure, assez commun dans les figures peintes sur les vases étrusques, rare dans les
statues, se compose d’un très-gros nœud dans lequel tous les cheveux sont rassemblés au-dessus de la nuque.
Les Grecs nommoient ce nœud k^vkoç.
(2) Cette statue de Némésis étoit placée dans un bourg de l’Attique nommé Rhamnus. Pausanias, qui
l’avoit vue , et qui se trompe sur le nom de son auteur, en même temps qu’il paroit ignorer la métamorphose
qu’elle avoit subie, se donne inutilement beaucoup de peine pour expliquer certains attributs que l’artiste avoit
laissés, et qui effectivement ne pouvoient convenir qu’à Vénus. Pline , mieux instruit, raconte toute cette
histoire, suite de la rivalité d’Agoracrite et d’Alcamène, tous les deux élèves de Phidias, xxxvi 4-