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Me Boulland, Commissaire-Priseur; G. Duchesne, Commissaire-Priseur; Galerie Sedelmeyer [Contr.]; Haro, Etienne-François [Oth.]
Tableaux anciens et modernes de premier ordre par Clouet, Fragonard, ... dessins et aquarelles: vente à Paris les lundi 30 et mardi 31 mai 1892, Galerie Sedelmeyer — Paris: [Verlag nicht ermittelbar], 1892

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https://doi.org/10.11588/diglit.59013#0133
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dans lesquels l’artiste cherche à débrouiller sa pensée obscure sortissent de
l’ombre de l’atelier où ils doivent rester, car il poussait jusqu’au scrupule le
respect de sa gloire ; mais d’un autre côté il désirait faire voir avec quel soin,
quelle conscience et quel amour il avait poursuivi le beau, et comme chez lui
chaque grande œuvre avait été précédée d’une patiente et féconde incu-
bation.
Dans cette vente on peut dire que les œuvres les plus célèbres du maître
se trouvent tout entières : le Vœu de Louis XIII, Y Apothéose d’Homère, le
Saint Symphorien, y figurent par fragments qui, s’ils étaient réunis, forme-
raient des tableaux non moins admirables que les compositions définitives.
En voyant ces têtes, ces bras, ces mains, ces pieds, ces torses, ces bouts de
draperies épars sur des toiles, nous ne pouvons nous empêcher de penser à
une impression reçue par nous à Athènes, dans cette Pinacothèque qui s’élève
à la gauche des Propylées et où se conservaient autrefois les chefs-d’œuvre
d’Euphranor, d’Apelles, de Parrhasius et de Zeuxis. On y avait réuni les mor-
ceaux de statues brisées trouvés dans les fouilles, débris merveilleux de l’art
grec, un bras, un pied, une tête sans son corps, un fragment de corps décapité,
moins que cela, un sein se dégageant de quelques plis, une hanche, une por-
tion de dos, et, rêveur, nous cherchions à deviner quel dieu ou quelle déesse
aurait pu réclamer ces membres dispersés, ces formes superbes séparées de
leur ensemble. Mais, si la sensation de beauté n’est pas moindre devant les
magnifiques morceaux de M. Ingres, elle n’est pas troublée par le regret
d’ignorer à quelles divines statues appartiennent ces splendides fragments.
Sur le plus léger bout d’étude on restitue aisément le chef-d’œuvre connu et
présent à toutes les mémoires. Ces jambes d’ange, quoique dans le tableau
elles soient à demi recouvertes par une draperie volante, rappellent tout de
suite le Vœu de Louis XIII; on y replace sans peine ces petits anges d’un
dessin si pur, d’une couleur si splendide. Ces pieds appuyés sur un escabeau,
c’est tout l’Homère de Y Apothéose, et ces deux autres pieds si beaux, si
nobles, si héroïques, qui sortent blancs d’un pli de draperie pourpre, font appa-
raître complète à la pensée la sublime figure de Ylliade, cette fille divine de
l’illustre aveugle. Ce dos de licteur tout montueux de muscles, cette tête pâle
illuminée de foi, ce bras de femme jaillissant hors des créneaux, vous donnent
tout l’effet du Saint Symphorien.
On reste stupéfait devant ces études qui sont des chefs-d’œuvre empreints
de la perfection suprême. On est étonné de cette netteté, de cette puissance,
de cette certitude et de cette aisance souveraines. En face de la nature, le
maître n’hésite jamais. Chaque trait marque, tout coup porte, et, s’il reprend
vingt fois la même figure, dans son incessante inspiration à l’idéal, variant le
geste, l’effet, l’attitude, le caractère, chaque étude en soi est parfaite et l’on
se demande quel défaut pouvait y trouver le maître pour chercher encore.
Les études dessinées ne sont pas moins admirables que les études peintes.
L’artiste armé du crayon écrit sa pensée avec une décision et un style qu’on
il
 
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