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Le Sifflet: journal humoristique de la famille — 1.1872

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https://doi.org/10.11588/diglit.3248#0134
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D •

Pour tout ce qui concerne l'Administration et
la Rédaction, s'adresser à M. Michel Anézo, 10,
rue Joquelet, près la Bourse.

SIFFLEMENTS

Plauchu, l'usurpateur du trône d'Araucanie, vient
de mourir de- sa belle mort (d'une indigeslion de melon,
sans doute).

M. de Touhens, en apprenant ce malheur, a éprouvé
une de ces joies qu'on ne ressent qu'une fois dans sa
vie.

Je l'ai rencontré avant-hier, tout enrubanné comme
un conscrit de la classe de 1871, sur le boulevard Mont-
martre.

— Ami, me dit-il en me poussant vers le café des
Variétés, pour que je lui offre une absinthe panachée, je
porte le deuil joyeux de l'indigne ami qui m'a ravi mon
royaume. Dans un mois je voguerai du côté de cette
terre chérie pour retrouver mes fidèles sujets, qui ma
recevront, j'en ai l'espoir, avec l'amour sincère et l'élan
patriotique qu'ils m'ont toujours témoignés.

— Garçon, une absinthe gommée pour S ■ Majesté,
fis-je après la tirade terminée.

Koning est décidément un incroyable personnage.
La lettre que M. Victor Séjour a écrite au Figaro
montre la moralité de ce pygmée de lettres, mouche du
coche, qui se fait des rentes en exploitant les œuvres des
auteurs détalent.

C'est de l'intelligence, diront les forts.

Oui, à la Gobseck ou à la Shylock !

MM. de la Bédollière et Loch combattent, toujours
contre Louis Veuillot au sujet de la Saint-Barthélémy.
Je veux me mettre de la partie, du côté de M.Veuillot,
naturellement. (Bénissez-moi, mon père!)

Comment! messieurs de la Bédollière et Loch, vous
prétendez que ce sont les huguenots qui ont été les vie- •
times de l'aveugle fureur des catholiques ! Vous soutenez
que les protestants ont été horriblement massacrés par les
cléricaux d'alors!

11 faut vraiment que vous ayez p.-!,!'; lo-il sèns-moral.
et que vous n'ayez jamais lu i'I.i-t i/o ; , rance, du
père Loriquet, pour soutenir une i^e. <. <iuisi impie.

Oui, je me ligue à M. Louis Veuillot (Bénissez-:,îoi,
mon père! ) pour combattre vos damnables écrits.

Prenez garde, hommes de lettres sans piété, les fou-
dres célestes sauront vous atteindre, et ce sera dans les
flammes de l'enfer, puisque la justice des hommes ne
peut vous châtier, que vous recevrez l'horrible puni-
tion de vos réprouvés pamphlets.....Ainsi soilrilj

La régie vient de mettre en vente des infectados a
sept centimes et demi.

J'en ai allumé dix sans pouvoir en consumer un seul.

La combinaison cependant est ingénieuse, on diminue
la qualité et on augmente le prix... absolument comme
dans les restaurants du Palais-Royal.

Malgré tout, c'est du mercantilisme mal combiné, car
le petit bordeaux légendaire, qui est resté toujours à cinq
centimes, est un petit cigare exquis, que les fumeurs
savoureront toujours avec plus de volupté que tous ceux
d'une qualité supérieure qui lui sont inférieurs.

Un Geai.

UNE FEMME, UNE JAMBE, DEUX DENTS

Clochin est un vieux garçon qui suit les femmes.
La vue d'un pied cambré et d'une jambe bien tournée
lui ferait faire dix fois le tour du monde.

Lundi dernier, au carrefour des écrasés, c'est-à-dire
à la jonction des rues Cadet, Richer et du faubourg
Montmartre, le plus joli mollet de femme s'offrit à sa
vue.

Il en ressentit aussitôt une commotion terrible compli-
quée de tilillaiions nerveuses qui l'éblouirent. (Cette
phrase est de Louis Veuillot.)

—, Suivons, suivons, fit-il avec délire.
L'idéale créature relevant avec une grâce infinie ses
blancs jupons, traversa sur la pointe de ses ailes la lar-
geur de la rue. (Cette phrase n'est pas de Louis Veuillot.)
Clochin, au milieu de tous les véhicules qui se croi-
saient sans interruption au carrefour, fut en deux bonds
près de la belle inconnue.

— Suivons, suivons, fit-il avec délire.
La dame continua son chemin, souriante et gracieuse,
en mesurant avec une précision mathématique la hauteur

. c* a& s.

LB, SIFFLET

de ses volumineux jupons qui doivent être toujours rele-
vés, pour les femmes bien jambées, au-dessus du mollet.
(Cette phrase est de Louis Veuillot.)

Clochin, qui s'était approché dé cet ange de la rue,
découvrit sous un léger voile la plus belle brune que l'on
puisse rencontrer sous un autre ciel que celui de l'Italie...
ou de Carpentras.
. — Suivons, suivons, fit il avec délire.

La ravissante femme, sans paraître vouloir encourager
les tentatives séductrices du Lovelace d'occasion, sem-'
blait ne pas en être trop importunée. (Cette phrase n'est
pas de Louis Veuillot.)

— Madame veut-elle accepter mon bras ?

— Pourquoi faire, monsieur ? reprit l'adorable per-
sonne avec un accent séraphique.

— Mais pour marcher ensemble.

— Vous êtes trop bon, me voici chez moi.

— Chez vous !

— Cest ici.

— Puis-je voir votre appartement ?

— Oh ! parfaitement, si ceia peut vous être agréable.
La perspective d'une vie éternelle dans le séjour des

élus, au milieu des anges et des archanges, n'aurait pas
exalté plus délicieusement l'âme du vieux Clochin.
(Cette phrase est de Louis Veuillot.)

— Suivons", suivons, fit-il avec délire.

— Motisi-ur, donnez-vous la peine d'entrer, dit l'ai-
mable dame en ouvrant une porte à l'entresol, sur la-
quelle il y avait écrit :

Tournez le bouton, S. V. P.

—Diable, se dit Clochin, eh apercevant cette indication,
je n'ai jamais encore lu cela sur la porte d'une jolie
femme... Il doit venir beaucoup de monde ici !

— Ah! voilà madame, fit une fringante petite sou-
brette, en s'avançant vers sa maîtresse.

— Mariette,fades entrer... Monsieur, on sera à vous
dans un insiant.

— Ne vous gênez pas, je ne suis pas pressé, fit fami-
lièrement le vieux beau.

Clochin fut introduit dans un petit salon très volup-
tueusement meublé ; tapis, tentures, divans, tout était
dispesé pour ravir 1 âme et captiver les sens.
(Cette phrase n'est pas de Louis Veuillot.)
Un étrange et suave parfum embaumait ce délicieux
boudoir et achevait de mettre le vieil amoureux dans
une ivresse immodérée.

— Eh bien ! je comprends, se disait il en s'allongeant
sur un moelleux sopha, qu'on fasse des bêtises pour les
l'emmes...

Un bruit de pas se fait entendre, la porte s'ouvre, on
soulève l'épais damas, c'est elle!...

C'est elle, accompagnée d'un grand monsieur à la
figui e rébarbative, tenant un objet à la main.

Clochin, en voyant ce fantastique personnage, devint
biéme.

— Mon ami, dit la jeune femme avec son plus doux
sourire, voici monsieur qui a sans doute besoin de tes
se ni ces.

— Tout à vous, cher client... Ouvrez la bouche.

— Comment?

— Ouvrez la bouche, vous dis-je, répète avec une voix
effrayante le mari de la joiie femme.

—C'est un guet-apens, mais je dois obéir ou je suis
perdu, se dit Clochin en présentant sa mâchoire au den-
tiste avec une bonne grâce dissimulée.

— Vous avez deux dents a faire sauter.

— Je ne crois pas, dit le malheureux tout tremblant,
si vous aviez un baume pour calmer mes rages, ça me
suffirait.

— Il faut extraire, il faut extraire ! répète sur un ton
terrible l'arracheur de dents en préparant son outil.

Clochin n avait plus une goutte de sang dans les veines,
il se laissa mettre deux fois l'instrument dans la bouche.

En quelques secondes, l'opération était faite .avec la
plus extrême dextérité.

— Ça n'a pas été long, dit ironiquement le dentiste,
vous voilà guéii.

— Oh ! complètement, répondit Clochin en déposant
deux louis sur une console.

— Je serai toujours à voire service, monsieur, dit
l'opérateur en reconduisant sa victime.

— Merci, mais j'espère bien ne plus avoir de rage, ni
de dents... ni dehors.

Michel Anézo.

Et, pour l'amadouer, il l'encensait.
Erckmann ne se grise pas facilement,

cens, - et DELPIT voit' aujourd'hui qu'il ne lui resté
plus qu a retrancher un L de son r~

ERCKMANN

Depuis deux ans, c'est-à-dire depuis que son bona-
partisme l'entraîne à la dérive, le Gaulois est devenu
le Moniteur des fausses nouvelles.

Ses reporters, soit légèreté, soit parti pris, ne sedonnent
pas le temps d'approfondir ; chercher la vérité serait trop
long... Voici ma nouvelle! Servez-vous-en.

Et, au Gaulois, on se sert de tout pour calomnier.

Je tiens de cette assertion plusieurs preuves en ré-
serve, — preuves accablantes ; — mais aujourd'hui je
veux montrer comment, en lui lançant une boulette frot-
tée d'arsenic, le jeune et grincheux Albert Delpit a
voulu précipiter Erckmann du haut de la roche Tar-
béïenne,

A chaque jour sa tâche.

Naguère cet Albert Delpit faisait monter Erckmann
au Giijjitoie et le couionuail de fleurs. Comme lout son
parti, il craignait la vigueur de ce génie populaire...

-,;. josam'iï .?. — Js.,

surtout d'en-

1 ne lui reste

., ,. v- - nom pour exprimer sa

situation.

Aussi, dans le Gaulois, il est bien amusant, cetar
tuffe, quand il s'accuse d'avoir, dans le temps adoré 1m
romans d'Erckmann :

« Il y a une époque où je dévorais vos romans

« Je retrouvais dans Madame Thérèse, dans le
Consent de 1813 et dans Waterloo les propres senti-
ments que j'éprouvais.

« Je me laissais bercer par ces théories humanitaires
trop belles pour ne pas séduire un esprit honnête. » '

Après ces aveux, dépouillés d'artifice. Tartuffe Del-
pit, rejetant tout cela sur le compte de ^jeunesse, s'écrie
avec l'accent de la conviction :

— « Savez-vous ce que je me dis, messieurs Erck-
mann-Chatrian, quand je me rappelle mes opinions
d'alors ? Je me dis que j'étais un imbécile ! »

Parbleu !... Mais vous 1 êtes toujours, cher mon-
sieur Albert Delpit, vous l'êtes plus que jamais ! Vous
avez tort d'jmployer l'imparfait : le présent et le futur
vous appartiennent comme à votre ami Rogat, non moins
Albert que vous et Wolff.

Trinité splendide !

Votre article du Gaulois, intitulé : le Patriote Erck-
mann, est une infecte traînée de bave et d'injures. C'est
une série de mensonges dont un autre mensonge est le
point de départ.

Un seul mot va vous confondre :

ERCKMANN NE SE MARIE PAS.

Ainsi, voici voire point de départ.

Vous encensez, selon votre habitude entre vous,
votre collaborateur Lucien Villebon, — un pseudo-
nyme ! — peut-être le vôtre ! — qui a commencé le feu
contre MM. trckuiann-Chatrian.

Puis, vous ajoutez :

« J'avoue que cela m'a fait plaisir^ encore ai-je trouvé
mon collaborateur beaucoup trop indulgent pour des
hommes qui ont eu une si néfaste influence sur l'esprit
moderne.

« En lisant son article, j'ai regretté de n'avoir pas eu
à dire ce que je pensais sur eux. Aujourd'hui, j'en ai
l'occasion et j'en profite.

« En effet, ou lit dans tous les journaux :

« M. Erckmann épouse mademoiselle Schwartz, une
Alsaceuue.

« Due Alsacienne ! Ahçà, M. Erckmann est donc pa-
triote?... »

Et vous voilà lancé.

11 n'y a que ce seul inconvénient :

ERCKMANN NE SE MARIE PAS !

Pourquoi ne vous êtes-vous pas mieux renseigné?
Vous auriez su bien facilement qu'il ne s agissait pas de
celui que vous vouliez éreiuter...

Oui, mais l'occasion était ratée.

Et, au Gaulois, la meilleure occasion, c'est le men-
songe. Qui dit Tarbé, dit Basile.

Quant a vous, Albert Delpit, quand un pygmée attaque
un colosse, je conçois qu'il soit gêné.

J'ai donuèquelques échantillons de votre style: cela
suffit pour le juger.

Voyons donc un peu maintenant quel est celui que
vous osez, vous, nullité absolue, attaquer si audacieuse-
ment.

Pour la première fois, grâce à vous, la personnalité
d'Erckmann occupe seule le public. J usqu'a ce jour, dans
leur touchante traternité, Erckmann et Chatrian sont
restés indivisibles.

Deux amis aussi sincères, aussi dévoués, aussi insépa-
rables, quelle leçon pour les Albert de votre trempe !

Ne parlons donc que d'Erckmann.

Emile Erckmann a aujourd'hui cinquante ans, car il
est né le HO mai l&te, à Phalsbourg (Meurthe).

C'est au collège de Phalsbourg qu'il a fait ses études
classiques. 11 a été reçu bachelier en 1811, à Nancy.
Enez-vous né alors?

Il a fait son droit à Paris et a suivi les cours de la
Sorbonne jusqu'en lti48.

En cette même année 1848, à vingt-six ans, il a
fondé à Strasbourg le Républicain Alsacien.

Hein? monsieur Albert Delpit,qu'eu dttes-vous.' Une
deviennent déjà vos jérémiades ? Arrachez, arrachez
votre L. J ,

Ce journal a été remplacé par le Démocrate au
Rhin, qu Erckmann a rédigé avec M. Kuss, le regrette
maire de S rasbuurg, mort député.

De Démocrate du Rhin a été supprime par votre
maître le président de la Republi que d'alors^qui depuis.

A Strasbourg, Erckmann a donné une pièce tor re-
marquable : ^Alsace, drame en cinq actes et huit ta-
bleaux. Eisez-la, vertueux Delpit. i>n,ira

Tenez, c'était M. Halanzier, le directeur de 1 Upei*
aujourd'hui, qui était alors directeur du théâtre u
Strasbourg. Cunsultez-le. . , , jj

Ah! ce drame lut un grand succès!... Aussi m
supprimé à la deuxième représentation par °«"«
votre maître, le président de la République d alors, qu

deEUrck'mann entra ensuite à la Correspondance litté-
raire de Lalire, - qui lut supprimée par le

Vou's aviez donc oublié tout cela, candide Delpit ?
A l'Ambigu, Erckmann a ^"«"""uf-a re-
actes, le Chasseur des Ruines, en ISOU, — ei





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