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32' Année — 3" Série — Numéro 214
Lo Numéro : 15 cent, à Paris, 20 cent, dans les Départements
Lundi 2 Août 1886
FRANCIS MAGNARD
Rédacteur en chef
A. PÉRIVIE"
Secrétaire de fa Rédaction
RÉDACTION
Bo midi & minuit, rue Drouot, 25
les manuscrits ne sont pas rendus
BUREAUX
26, rue Drouot, 26
.H. DE V I LLEM ESSANT
Fondateur
FERNAND DE RODAYS
Administrateur
abonnements
Départements : Trois Mois............ I 9 fr- 50
Paris : Trois Mois.................... I 6 fr"
iNHDNCES, RÉCLAMES t PETITES «NONCES
dolliuoen FiLS, séguy et O, 16, eue GrANGR-BaTELESKI
et au Figaro, 20, rub Dkouot
(SUITE )
Paris, 1« août 1886.
Monsieur le Rédacteur en chef,
M. le général Boulanger vient défaire
démentir de nouveau, par la France et
le Temps (1), l'authenticité ne la lettre
que vous avez publiée ce matin.
Comme il vous faut, vis-à-vis de vos
lecteurs, un répondant de cette publica-
tion, c'est moi qui vous ai remis hier la
lettre du 8 mai 1880 ; je vous en remets
ce soir deux autres, qui la préparent et
la complètent, et que je vous prie de
vouloir bien publier aussi.
Je tiens à votre disposition les origi-
naux et les photographies de ces trois
lettres.
Veuillez agréer, Monsieur le Rédac-
teur en chef, l'assurance de mes senti-
ments les plus distingués.
H. LlMBOTJRG.
Bellcy, le 3 janvier 1880.
« Monseigneur,
s; Je n'ai d'autre appui que celui des
généraux sous les ordres desquels j'ai
Eervi.
» Je viens donc vous demander de
vouloir bien m'appuyer auprès de la
commission do classement, dans la-
quelle, à beaucoup de titres, vous aurez
certainement une situation prépondé-
rante.
» Je ne vous parlerai pas de mes ser-
vices : vous savez qui je suis.
» Je me permets seulement de vous
dire que je me trouve le treizième des
colonels d'infanterie proposés, à la suite
de l'inspection générale de 1878, pour le
grade de général de brigade, et. que, si
les vacances existant aujourd'hui étaient
remplies, je serais à peu près le hui-
tième.
» Dans ces conditions, j'espère beau-
coup, et, comptant sur votre bienveil-
lant intérêt qui m'est si connu, je vous
prie, Monseigneur, d'agréer, avec la
nouvelle expression de ma gratitude,
l'assurance de mes sentiments les plus
respectueux et les plus dévoués.
» Colonel Boulanger. »
Belley, 13 lévrier 1879.
« Monseigneur,
» Vous quittez le commandement du
7e corps. Permettez-moi de vous dire, au
nom des officiers de mon régiment et au
mien, combien nous sommes peines de
perdre un chef que nous aimions, dans
lequel nous avions une si grande con-
fiance.
» Soyez persuadé, Monseigneur, que
jamais nous n'oublierons les hautes le-
çons, les exemples si élevés que vous
nous avez donnés, et
» Daignez agréer lanouvelle assurance
des respectueux sentiments et de l'inal-
térable dévouement de
» Votre obéissant subordonné
» Colonel Boulanger. »
L'Université va subir de grandes ré-
formes.
Mon ami F. Magnard les a vivement
applaudies et je ne contredirai rien de
son applaudissement.
je voudrais seulement que des réfor-
mes du programme on passât à celles
des méthodes; que l'internat absolu
fût menacé ; qu'on laissât partager da-
vantage aux familles le soin quotidien
des enfants,et que le concours général,
qui a fait plus de victimes que de victo-
rieux, fût sérieusement modifié, sinon
supprimé.
Je ne sais si les choses se passent en-
core, dans les pensions et dans les ly-
cées, comme au temps de ma jeunesse ;
mais je sais bien que, vers 1810, le con-
cours général était une exposition des
produits de fabrique, et que chaque
élève primé apportait une couronne à
inscrire dans les prospectus ; comme on
imprime aujourd'hui, en tête des factu-
res, les médailles obtenues dans les
diverses expositions.
Si mon histoire est de l'histoire an-
cienne, elle fera plaindre les écoliers
d'autrefois ; si elle est restée de l'histoire
contemporaine, elle fera peur pour les
écoliers d'aujourd'hui.
#*#
Je vais parler de moi; mais d'un moi
peu haïssable, car il n'a plus rien de
commun avec moi. Il me semble que
fegt l'aîné de mes petits-fils qui passe
là-bas, au loin, sur la route, à travers la
poussière, dans la diligence de Troyes à
Paris, pauvre écolier sentimental, que
les commis-voyageurs d'une grande
institution sont venus recruter,, en pro-
mettant de le payer un bon prix., selon
ses prix!
C'était pendant les vacances de 1839.
1 iusieurs fois, on avait tenté mon père
par cette perspective d'un fils couronné
au grand concours et rapportant de
Pans des couronnes, pour humilier au
retour ses condisciples champenois,
voués a l'industrie du bonnet de coton.
(1) On trouvera ces démentis dans le Paris au
)°ur le jour
Il était bien entendu que l'institution se
paierait de ma gloire et que si, pour
foire ma réthorique, j'avais une demi-
bourse, une fois la timbale du grand
concours décrochée, je deviendrais phi-
losophe et bachelier à bourse entière,
c'est-à-dire gratis.
Gratis I Quel père n'eût été ébloui?
Sans rien diminuer de mon souvenir
attendri pour mon père, je puis avouer
que la perspective de payer peu, pour
arriver à ne rien payer, rendait raison-
nable cette tentation de l'orgueil pa-
ternel.
Je résistais. J'étais alors dans les
rêves mystiques. J'avais peur d'abdi-
quer, en visant une couronne trop haute.
Je ne connaissais Paris que par un
voyage de vacances ; je n'en avais gardé
que l'odeur de la halle, avec ses choux
pétris dans la boue, aux environs de la
cour Batave et de l'hôtel du Lion d'Ar-
gent.
Et puis, une des raisons qui me dési-
gnaient aux recruteurs était précisément
celle qui m'inspirait de l'effroi.
Un de mes camarades du collège de
Troyes, universel, triomphant dans tou-
tes les Facultés, avait été enlevé un an
auparavant, par un commis-voyageur
de l'institution Vcrdot, et était mort en
pleine serre-chaude, étiolé par l'ambi-
tion, étouffé de la première bouffée de
sa gloire.
Cette victime de la réclame avait fait
pleurer ses anciens amis. Il avait sa lé-
gende au collège Charlemagne. Sa douce
et pâle figure, fondue comme un cierge
au feu du travail, hantait les poètes du
collège. J'ai encore la pièce de vers que
Laurent Pichat lui a consacrée.
Pauvre Terrillon !
Son spectre m'avertissait, et comme il
était de mon pays, on s'imaginait que le
terroir champenois était propice aux
lauréats ; comme il l'avait été autrefois,
selon Dreux du Radier, aux fous des
rois de France.
J'avais été l'émule, l'ami, le second,
dans ma classe, à Troyes, de ce Terrillon
si vite dévoré par Paris. Je ne le valais
certes pas ; mais, en me travaillant bien,
on me ferait peut-être assez travailler
pour le remplacer, à peu près. Voilà
pourquoi un concurrent de l'institution
Verdot prenait les devants et voulait me
séduire par la marotte du concours gé-
néral.
J'ai dit que je résistais. Mon père,
sous prétexte d'une visite à rendre, me
conduisit, à quelques lieues de Troyes,
dans le département de la Marne, chez
un de ses amis, dont les trois fils allaient
précisément partir, ce jour-là, pour con-
tinuer leur études à Paris. L'aîné était
un familier du grand concours. Je me
souviens que ses couronnes, augmentées
de celles de ses frères, formaient une
corniche parlante au plafond de leur
salle d'étude. Cette frise, d'un relief
émouvant, m'entraîna. Le dîner d'adieu,
le vin de Champagne, le discours de ces
jeunes camarades déprovincialisés ache-
vèrent l'embauchage.
Les recruteurs du quai de la Ferraille
n'avaient pas d'autres procédés : l'ar-
gent, la gloire et le vin !
Remonté dans le cabriolet paternel,
j'avouai ma défaite. Ma résistance
était brusquement changée en impa-
tience, et si Trim, notre vieux cheval
qui avait été tant de fois couronné aux
genoux, avait pu me conduire aux cou-
ronnes qui m'attiraient au loin, nous ne
serions pas rentrés à Troyes.
Quelques jours après, mon cœur bat-
tant la charge, nous étions à Paris. J'au-
rais bien voulu aller directement à la
pension où les trois frères T... m'avaient
donné rendez-vous. Mais c'était au nom
de l'institution Massin que mon père
avait été séduit ; c'était de là qu'était
venue l'offre d'une demi-bourse et d'une
bourse entière. La convenance, la pru-
dence nous obligeaient à cette visite.
Dans nos institutions de province, il
n'y avait pas de grille entre la porte
cochère et la cour, pas de grosse ser-
rure à ouvrir avec une grosse clé, pas
de maison haute. Cette froide rue des
Minimes, cette maison claustrale me
firent tout d'abord une impression ter-
rible. Nous entrions à l'heure des classes
au collège. L'institution était presque
vide. Aucun bruit ne chantait dans les
cours. On pouvait supposer que tous
les élèves étaient au cachot.
Un grand et gros monsieur, à figure de
chanoine, mais de chanoine blasé, nous
reçut, se rappela vaguement les offres de
son voyageur, voulut bien les confirmer,
sous la condition que je répondrais con-
venablement à un petit examen préa-
lable.
Il ne fut pas bien difficile de recon-
naître que le grec m'avait été enseigné
par un professeur qui ne le savait pas;
il se servait pour nos versions d'une
traduction interlinéaire ; quant aux thè-
mes grecs, je n'en avais jamais fait un
seul. Je ne reçus donc aucune accolade
pour l'amour du grec.
— Il ne faut pas compter .sur le grec,
dit l'inquisiteur, voyons le latin.
Je me tirai passablement d'une ver-
sion ; mais ce n'était que passable.
On voulut me faire faire des vers la-
tins. J'avouai avec un sourire très fier
que mes professeurs de Troyes m'avaient
toujours permis de traiter en vers fran-
çais les sujets que mes camarades trai-
taient en vers latins. Je n'avais jamais
eu aucune prétention en poésie latine.
Le chanoine, qui se figeait de plus en
plus, poussa un soupir méprisant pour
les chers maîtres de là-bas qui berçaient
si doucement mon ignorance.
Je fus interrogé sur la géographie,sur
l'histoire. Je ne fus pas brillant. Quant
aux mathématiques, on comprend que
je me sentais trop poète pour les avoir
étudiées.
— Mais, en quoi êtes-vous donc fort ?
me demanda l'inquisiteur glacé.
Je frémissais d'indignation.
— Mais c'est dans l'ensemble ! répon-
dit mon père, qui venait pourtant de
voir que le détail compromettait l'en-
semble.
Il exhiba alors le bulletin de fin d'an-
née de la pension de Troyes. Les places
n'étaient pas toutes bonnes, mais les
notes, à travers de graves réticences,
faisaient luire des espérances. On cons-
tatait que sans ma paresse, sans mon
inapplication constante, sans mon ba-
vardage, sans un abus de mémoire qui
me dispensait de réfléchir, je pouvais
être un bon élève.
Décidément, je ne valais pas Terril-
lon.
— Monsieur, dit à mon père le direc-
teur de l'institution Massin, il ne m'est
pas possible de consentir aux réduc-
tions de prix dont il avait été question.
Il y a trop de lacunes. Si, à Pâques,
monsieurvotrefils aeu de bonnes places,
nous verrons.
J'ai cru que mon père allait être obligé
de payer une indemnité. J'acceptai,
tète basse, le numéro matricule dont
on aurait pu me marquer à l'épaule.
On consentit à une diminution de dix
francs sur les frais de chapelle, et on
me donna rendez-vous pour le lende-
main.
Les grilles me parurent encore pius
épaisses à la sortie, les serrures plus
grosses ; j'avais le cœur gros aussi.
Quoi ! je serais le forçat de ce garde-
chiourme impassible ! Je voulais aller
voir le bagne de mes amis et le compa-
rer au mien.
Quelle différence t
L'institution Jauffret occupait le bei
hôtel Lepelletier Saint-Fargeau, dans la
rue Culture Sainte-Catherine, devenue
la rue Sévigné. On en avait approprié le
côté attrayant aux besoins de la souri-
cière. Le réfectoire avait des peintures,
et les noms des lauréats en lettres d or
sur les murs.
La première cour était élégante^ ia se-
conde était magnifique.Les classes étaient
dans une ancienne orangerie. Nous arri-
vions en pleine récréation. Cette belle
maison bruissait joyeusement. Mes trois
amis accoururent, m'enveloppèrent.
Quand je leur annonçai que J etaisma-
critsur le livre d'écrou de ^itotioa
Massin, ils s'indignèrent, protestèrent,
envoyèrent chercher M. Jauffret.
M Jauffret montait la garde, ce jour-
là, à la mairie de la place Royale. II ar-
riva en uniforme, et ses épaulettes de
laine, son shako sur ses cheveux longs,
sa jolie figure très fine, très engageante
n'avaient rien d'un chanoine ou d'un
inquisiteur. Il m'attendait. Mes cama-
rades T... lui avaient parlé de moi. Il
ne voulut pas m'interroger. Tant mieux
si je savais quelque chose ! Tant mieux
si on avait besoin de m'enseigner tout,
selon les excellentes méthodes pari-
riennes. On me donnerait des répéti-
teurs. Il fallait que j'eusse des prix, et
j'en aurais !
Quant aux conditions: — Fixez les
vous-même, conclut M. Jauffret.
En sortant, papa me dit :
_ A la bonne heure 1 Voilà un homme
qui entend les affaires 1
J'avais renvoyé, du bureau même de
M. Jauffret, mon numéro matricule à
l'institution Massin, et ce fut le cœur
épanoui que je devins le condisciple,
entre autres bonnes fortunes, des fils
de Victor Hugo.
C'était pour moi la promesse de l'ami-
tié du père. Le sort ne me trahit pas. Je
fus couronné au concours, en même
temps que Charles Hugo qui était en
troisième, quand j'étais en rhétorique,
et ce fut à ce propos que je dînai pour
la première fois à la place Royale. Toute
ma destinée vient de là.
Je n'ai pas le temps de nommer mes
condisciples, de raconter ma vie à l'ins-
titution Jauffret.
J'y fus heureux; je n'ai pas usé mes
souvenirs de bonheur; je les retrempe,
aussi souvent que je le peux, dans la
fréquentation des camarades qui veillis-
sent avec moi et qui rajeunissent comme
moi à chaque rencontre.
M. Jauffret était un de ces vulgarisa-
teurs savants, charmants, qui savent
développer les idées, étudier les apti-
tudes, et c'était de plus un homme du
monde parfait. 11 n'était pas possible de
rester un cuistre entre les classes et son
salon.
Quant au travail, il me fut léger. Mes
maîtres travaillaient pour moi. M. Jauf-
fret avait vu bien vite que la version la-
tine, l'histoire et le discours français
étaient les seuls mâts de cocagne à me
faire envier.
Notre professeur de rhétorique latine,
cet excellent M. Régnier qui fut depuis
le précepteur du comte de Paris, ne me
ris. Je fis ma composition, comme j'au-
rais écrit mon premier sermon.
-•"variant un voisin, un élève du collège
Bonaparte me détourna, autant qu'il le
put. du mauvais goût de travailler. Nous
déjeunâmes longtemps, avec son demi-
poulet et mon chocolat. Nous échangeâ-
mes nos bordeaux; mais, par scrupule,
pour m'amuser, vers la fin delà journée,
je fis ma composition, la plus courte
assurément de toutes celles qui con-
coururent.
Il s'agissait d'un discours de saint
Grégoire de Naziance à Théodose, de-
vant toute la cour, pour lui donner sa
démission du siège apostolique de Cans-
tantinople. J'ai encore le portrait du
Grégoire que je dessinai pour me mettre
en train.
On nous avait bien recommandé de
garder le brouillon de nos compositions,
pour conjecturer d'avance les chances
de chacun de nous. J'étais honteux de
ma courte allocution. Je mentis et dé-
clarai que j'avais déchiré ma première
copie.
Mon vieux maître d'histoire, Tousse-
nel, ne fut pas ma dupe. Il m'attira dans
un coin, et je lui lus, sous le sceau du
secret, mon discours.
— Eh ! eh 1 me dit-il, cela sent le pre-
mier prix ! Quel malheur que votre pre-
mière phrase puisse être discutée.
En effet, ma première phrase débu-
tait ainsi :
<- Grand prince, permettez à un vieil-
lam dont les forces sont au-dessous du
zèle-,. »
Quelques-uns prétendaient et préten-
dent encore que j'aurais dû écrire :
« dont les forces sont au-dessous de
soti zèle. » Je persiste à croire que ma
phrase était peu aisée, mais correcte.
Mon ami T... avait gardé sa copie et
nous lut son discours. Je fus persuadé
qu'il aurait le prix. D'abord, il en avait
fait cinq pages de plus que moi, et il
avait eu l'ingénieuse idée de représen-
ter Yhijdre de l'anarchie dressant ses
tètes hideuses jusque sur les inarches de
l'autel.
J'étais désespéré de n'avoir pas ima-
giné cela. Ah! ces têtes de l'anarchie,
qui me faisaient frissonner de jalousie,
je les ai revues, pendant trois jours,
bien des fois dans mes rêves !
Il paraît qu'on ne prenait plus l'hydre
au sérieux en 1840. T... n'eut qu'un loin-
tain accessit.
Bien résigné, n'espérant rien, j'avais
quitté l'institution; j'étais à l'hôtel avec
mon père, quand le lundi, après l'ou-
verture des boîtes, au sortir d'un gros
dîner chez Véfour, à dix heures du soir,
sous les arcades du Palais-Royal, je
rencontrai T... qui me cherchait pour
m'annoncer que j'avais le premier prix
des nouveaux.
Cette brusque nuuYclîe faillit avoir un
elfot terriblement grotesque; j'avais si
bien noyé ma honte! Mais on m'atten-
dait à l'institution, au collège. M. Jauf-
fret s'écria qu'il l'avait bien prédit, et le
proviseur, M. Poirson, voulut me faire
jurer de doubler ma rhétorique, pour
avoir l'année suivante le prix des an-
ciens.
Je refusai, mais j'étais enivré.
Ce fut des mains de Victor Cousin que j e
reçus Buffon en dix volumes. J'aurais
voulu le voir, en l'embrassant, ce grand
ministre qui avait le bonheur de me
couronner. Mais je me souviens qu'une
longue mèche de cheveux lui couvrait la
joue, quand il se baissa vers moi. Je
baisai la mèche. Ah I si j'avais pu l'em-
porter!
Le lendemain, on offrait à mon père
une prime pour me faire doubler ma
rhétorique. Mais je résistai et il fut de
mon avis ; j'avais hâte de m'élancer à la
conquête du monde qui m'était dû. Mon
discours de saint Grégoire à Théodose
me semblait un labarum infaillible.
Je retournai à Troyes dans le coupé
de ia diligence, mis gratuitement à notre
disposition.
Je revenais à temps, pour la distribu-
tion des prix à mon ancienne pension ;
on m'y offrit une couronne de Iaurier-
cerise;cela semblait beaucoup plus beau
qu'une branche de laurier-sauce. On me
fit lire mon discours en public, et les
auditeurs pleuraient aux accents de
Saint- Grégoire de Naziance.
Je savourai sa gloire absolue, pendant
les vacances, et mon prix valut à M.
Jauffret six élèves de Troyes qui com-
pensèrent bien au delà, par le chiffre de
leur pension, la demi-bourse que j'a-
vais gagnée.
La morale de cette histoire, c'est l'im-
moralité prouvée d'un pareil système
demanda ni grec ni vers latins, et ne d'embauchement et d'entraînement. Je
m'interrogeait qu'avec précaution, par
pure décence.
Quant à notre professeur ce rhétori-
que française, M. Potier, il était bien
obligé d'être impartial ; car si j'étais un
des chevaux de course de l'écurie Jauf-
fret, les écuries Massin, Favart, Verdot,
Petit, etc.. en avaient aussi à faire cou-
rir dans le grand concours. Nous étions
plusieurs au dressage.
Ah ! lo bon temps ! La veille des com-
positions, j'avais toujours besoin d'un
dîner délicat, d'une bonne soirée. M.
Jauffret me faisait dîner à sa table et
me menait au théâtre.
Je n'oserais pas raconter, de peur de
n'être pas cru, les exigences de quel-
ques-uns de mes émules à l'institution
Favart. Ils exigeaient tout et on ne leur
refusait rien.
#*#
Enfin arriva le moment décisif, le
grand concours. Je ne parlerai que de
la composition de discours français.
Quelle savante et hygiénique prépa-
ration avait précédé la lutte! Les athlètes
avaient moins d'huile sur le corps que
nous n'avions de douceurs dans l'esto-
mac et dans l'esprit, avant d'affronter
l'arène.
Je partis le matin pour la Sorbonne,
avec un filet contenant tout ce qu'il faut
pour un bon déjeuner.
Je ne croyais pas à un succès; je puis
même confesser que M. Jauffret n'y
croyait plus guère; mon camarade T...
avait les gros paris ; personne ne paria
pour moi.
Est-ce le sujet qui m'a porté bonheur?
Je sortais d'une éducation dévote, et je
n'avais pas encore perdu cette fraîcheur
de nos vieilles églises, en venant à Pa-
ne suis pas mort à la tâche, comme
Terrillon, parce que je n'ai pas eu de tâ-
che. On m'a flatté, gâté, corrompu, pour
un résultat que j'ai obtenu par hasard.
Je n'en aurais pas été plus savant, si je
n'avais pas été lauréat; mais je n'aurais
pas eu si longtemps l'infatuation de
mon ignorance.
C'est depuis que la vie m'a enseigné,
que la modestie, je Yeux dire la résigna-
tion, m'est venue.
Louis Ulbach.
A TRAVERS PARIS
La Température. — Lis présages d'une
amélioration du temps se sont déjà dissipés.
Le baromètre a recommencé à descendre dans
l'ouest, et la présence très probable de nou-
velles perturbations sur l'Océan rend l'équilibre
atmosphérique très instable. Sur la Méditer-
ranée, quelques troubles sont aussi à craindre.
En France, où les averses avaient été orageu-
ses avant-hier, avec orages à Lyon, Nancy,
Dunkerque, le temps reste à éclaircies avec
ondées orageuses.
La température a encore baissé sur l'ouest
du continent. Le thermomètre marquait, hier
matin : Paris, 14», Nice, 22°, Alger, 24°, Brin-
disi, 26°. A Paris, où le temps avait été très
beau pendant l'avant-dernière nuit et la ma-
tinée d'hier, le ciel s'est couvert vers quatre
heures et la pluie est tombée abondamment à
partir de sept heures. Thermomètre maximum,
22°; baromètre, 761™'.
Paramè. — Ciel couvert. Grandes marées.
Néris-les-Baius. — Beau temps. Th. 27'.
Aujourd'hui, courses àCaen. Gagnants
de Robert Milton :
Prix du Conseil général: Paphos.
Prix National : Escogriffe.
Grand Saint-Léger de France: Bou-
vreuil II.
Prix de la Société d'Encouragement
(hors série) : Beaumesnil.
Prix du Chemin de fer: Gpssip.
Prix de Louvigny : Galantin.
Courrier de l'exil.
Le marquis de La Valette va rejoindre
ce soir le prince Victor à Bruxelles.
M. Emmanuel Mathieu, qui était de-
puis quinze jours auprès du jeune Prince
est rentré hier à Paris.
M. Amédée-Edmond Blanc, le chef du
cabinet, s'installe définitivement demain
à l'hôtel de l'avenue Louise.
Quelques journaux belges avaient
annoncé la fondation prochaine d'un or-
gane officiel des Victoriens à Bruxelles ;
cette nouvelle est inexacte.
Le roi de Portugal partira ce matin
pour Plymouth. Le duc de Bragance
exerce la régence.
Un télégramme de Staad, en date du
1er août, nous apprend que Mme la du-
chesse de Parme est heureusement ac-
couchée d'un prince.
M. de Freycinet est arrivé hier soir à
six heures àMont-sous-Vaudrey.
Pendant son séjour auprès du Prési-
dent de la République, une ligne télé-
phonique ayant été établie, M. de Frey-
cinet sera en communication avec les
agents supérieurs du ministère des
affaires étrangères, notamment avec
MM. Francis Charmes, directeur des af-
faires politiques, et Glavery, directeur
des affaires commerciales et consu-
laires.
En outre, il recevra de ses collègues
du Cabinet une correspondance très fré-
quente.
Le président du Conseil eompte ren-
trer à Paris du 18 au 20 août. Dans le
courant du mois de septembre, il visite-
rait deux ou trois villes importantes et
prononcerait plusieurs discours avant la
reprise des travaux parlementaires.
#**
M. Lockroy, ministre du commerce
et de l'industrie est parti hier pour
Guernesey.
La distribution des prix du Concours
général a lieu aujourd'hui à la Sorbonne.
Le lycée Condorcet a 62 nominations
dont 14 prix. Stanislas 55 nominations ;
Louis-le-Grand 43 ; Henri IV, 32; Char-
lemagne 28; Rollin 24; Versailles 23;
Vanves 20 ; Saint-Louis 18 et le lycée
Janson de Sailly, de création toute ré-
cente,6 nominations.
Dans le monde :
C'est mercredi, à midi, que sera
célébré, en l'église Saint-Honoré, le
mariage de M. Georges Duval de Fra-
ville, capitaine instructeur au 11° régi-
ment d'artillerie, avec Mlle Eugénie de
Vatry, fille du lieutenant-colonel et de
la baronne de Vatry, et petite-fille de
Mme la duchesse d'Elchingen.
Échos de Paris
LA POLITIQUE
-1 Le ministre de la marine quit-
tera très prochainement Paris, accom-
pagné de MM. Peshart d'Ambly, direc-
teur du matériel, et Châtelain, directeur
du contrôle central, ainsi que d'un
officier d'ordonnance. Il ira visiter l'usine
d'Indret.
--. Suivant une décision du minis-
tre des postes et des télégraphes, les
escales de Naples, de Messine et de Pa-
ïenne sont définitivement retranchées
des itinéraires de la Compagnie des
Messageries maritimes, à l'aller et au
retour.
C'est une conséquence du rejet du
traité maritime entre la France et
l'Italie.
Empressons-nous d'ajouter qu'au
point de vue diplomatique, les relations
des cabinets de Rome et de Paris sont
toujours excellentes.
On espère qu'un accord prochain in-
terviendra entre les deux gouverne-
ments
Les bruits les plus alarmants ont été
réDandus,pendant la dernière journée,
sur l'état de santé de M. Pasteur.
On prétendait qu'une paralysie géné-
rale avait succédé à la paralysie par-
tielle dont l'illustre savant est atteint
depuis de nombreuses années.
Il n'en est rien, nous sommes heureux
de pouvoir le déclarer. M. Pasteur est en
villégiature aux environs de Paris de-
puis plusieurs jours : il a été atteint par
un gros rhume : rien de plus, et sa santé
est très satisfaisante, étant donné son
grand âge et ses travaux continuels.
Les obsèques de la marquise de Bre-
teuil ont été célébrées avant-hier, dans
la petite église de Breteuil, près de Che-
vreuse.
Cérémonie tout intime ; aucune lettre
n'avait été envoyée, et cependant de
tous les environs les paysans étaient
accourus et de nombreux amis étaient
arrivés par tous les trains pour donner
un nouveau témoignage de sympathie
au jeune député des Hautes-Pyrénées,
si cruellement éprouvé.
Le deuil était conduit par M. le mar-
quis de Breteuil et par son beau-père M.
le marquis de Gastelbajac, entourés de
M. le comte et de Mme la comtesse de
Breteuil, de M. Charles de Breteuil et de
Mlle de Breteuil.
Dans l'assistance, nous avons reconnu
le duc et la duchesse de Reggio, le duc
et la duchesse de La Trémoïlle, la du-
chesse de Luynes et ses enfants, le duc
de Fitz-James et le comte Charles de
Fitz-James, le prince de Tarente, MM.
Joubert père et fils, vicomte Greffulhe,
comte de Caraman, baron Hottinger,
François Hottinger, comte Costa de
Beauregard, prince de Sagan, comte de
Choiseul,de Mier, baron Edm. de Roths-
child, M. et Mme d'Hendecourt, Mme
d'Hendecourt mère, baron et baronne de
Coubertin, comte et comtesse de Valon,
Henry Blount, comte de Turenne, etc..
Voici la liste des élèves admis à l'Ecole
normale supérieure à la suite du con-
cours de cette année :
section des lettres
1 Colardeau. — 2 Barthe. — 3 Suarès. —
4 de Ridder. — 5 Mille. — 0 Gay. — 7 Méli-
nand. — 8 Gauckler. — 9 Gendarme de Bé-
votte. — 10 Rolland (Romain). — 11 Joubin.
— 12 Cury. — 13 Levrault. — 14 Bouchard. —
15 Lorin. — 16 Wartel. — 17 Dalmeyda. —
18 Canon dit Pages. — 19 Dumas. — 20 Le-
gras. — 21 Renel. — 22 Bouclier. — 23 Su-
rcr. — 24 Gignoux.
section des sciences
1 Abraham. — 2 Brunhes. — 3 Weiss. —
4 Féraud. — 5 Chair. — 6 Larras. — 7 Ber-
trand. — 8 Mlllot. — 9 Cels. — 10 Rascau. —
11 Delassus. — 12 Lespiau. - 13 Matignon.
— 14 Brunac. — 15 Gilbert. —16 Wiltielm. —
17 Jacquet. — 18 Soudée. — 19 Clément. —
20 Chanzy.
Le 17 août est le centième anniver-
saire de la mort de Frédéric-le-Grand.
Ce monarque, dans son testament
rédigéen français, le 8 janvier 1709,avait
écrit à propos de sa sépulture : « J'ai
vécu en philosophe et comme tel je dé-
sire être enterré dans le jardin de Sans-
Souci. »
Cette volonté du Roi n'a pas été exé-
cutée et il repose dans un caveau de
l'église militaire de Potsdam, sa famille
n'ayant pas trouvé coavenabla d'inhu-
mer le corps d'un roi dans un jardin.
Mais aujourd'hui que dans ce même
jardin s'élèvent les tombeaux du roi
Frédéric Guillaume III, et de sa femme,
il n'y a plus de raison pour ne pas rem-
plir les dernières volontés de Frédéric
le-Grand, et on dit à Berlin que, le jour
du centième anniversaire de sa mort, on
transportera ses restes de l'église dâ
Potsdam dans le jardin de Sans-Souci.
Au banquet offert à M. Chevreul, sa-
medi soir. M. Silvain, de la Comédie-
Française, a dit avec beaucoup do talent
et de succès les strophes suivantes do
M. Henry Jouin.
Ainsi qu'un marbre antique à l'éternel sourire,
Chevreul, ton front sans ride attire tous le? yeux ;
A lo déeouroanor cent ans n'ont pu suffira ;
Et nous, à mi-chemin, nous sommes presque vieux 1
Le respect et l'attrait que ton grand agi inspira
Dans chaque admirateur te font un envieus ;
Queilis-jo'.' ïùiiti'ioijjplidest de ceux qu'oa admire
Et dont, sans y prétendre, on se sent orgueilleux.
Salut! penseur illustre! Après cent ans de vie,
Ton âme de savoir ne s'est pas assouvie :
Ce haut labeur nous vaut le maître dans l'aïeul !
Va! ton exemple est bon. Le travail régénère.
Tune dois qu au travail ta gloire centenaire...
— « A la gloire, au génie, au siècle de Chevreuil »
On a coutume depuis quelque temps
de faire une exposition spéciale compo-
sée des œuvres d'art acquises par l'Etat
au Salon annuel de la Société des artis-
tes français.
Cette exposition devait être installée,
cette année, au palais de l'Industrie;
mais ce vaste local se trouvant occupé
en totalité par l'Exposition des sciences
et des arts industriels, on vient de déci-
der que l'exposition des acquisitions de
l'Etat aura lieu au Louvre, probablement
dans la salie des Etats.
Une réforme importante à l'Ecole mi-
litaire de Saint-Cyr.
Sur la proposition de M, le général
Tramond, commandant l'Ecole spéciale
militaire do Saint-Cyr, on prépare en ce
moment, dans les bureaux des direc-
tions de nnranterie et -de la cavalerie,
au ministère delà guerre, un projet de
décret tendant à modifier le mode de re-
crutement de la section des élèves cava-
liers de cette école. Jusqu'à présentées
jeunes gens sachant bien monter à che-
val avant d'entrer à Saint-Cyr pouvaient
seuls prétendre à devenir officiers de
cavalerie. D'après les dispositions pro-
jetées, c'est à la fin du cours de ore-
mière année d'études, à la date fixe du
1er août, que 'es concurrents seraient
appelés à montrer leurs aptitudes éques-
tres.
Le soin de déclarer que les candi-
dats sont en mesure d'entrer dans la
cavalerie incomberait à une commis-
sion composée d'un général de brigade,
d'un colonel, d'un lieutenant-colonel et
de l'officier supérieur qui dirige les
exercices d'équitation à l'Ecole de Saint-
Cyr. Les élèves
officiers de cavalerie
élèves cavaliers d'api = m
sur la liste de classe rr-^"
concurrence du nombr e.
grade de sous-lieutem = n
cette arme.
La 7° édition de
parait chez Dentu. Gi -
ce livre si curieux. W="0
et secrets de beauté =_r
Laurianne.
NOUVELLES ÂË _
w V.
En gare.
Le train qui va parti
du quai, au delà de 1
pleut à torrents.
Un voyageur, à un e
plus poli :
— Le train conduis
s'il vous plaît?
Le cocher Matifou £ =.
tieuses.
Par exemple, il dit
conduire du monde ai
— Voir des chevaux
rir?... Ça pourrait de
mauvaises manières !
Lo Numéro : 15 cent, à Paris, 20 cent, dans les Départements
Lundi 2 Août 1886
FRANCIS MAGNARD
Rédacteur en chef
A. PÉRIVIE"
Secrétaire de fa Rédaction
RÉDACTION
Bo midi & minuit, rue Drouot, 25
les manuscrits ne sont pas rendus
BUREAUX
26, rue Drouot, 26
.H. DE V I LLEM ESSANT
Fondateur
FERNAND DE RODAYS
Administrateur
abonnements
Départements : Trois Mois............ I 9 fr- 50
Paris : Trois Mois.................... I 6 fr"
iNHDNCES, RÉCLAMES t PETITES «NONCES
dolliuoen FiLS, séguy et O, 16, eue GrANGR-BaTELESKI
et au Figaro, 20, rub Dkouot
(SUITE )
Paris, 1« août 1886.
Monsieur le Rédacteur en chef,
M. le général Boulanger vient défaire
démentir de nouveau, par la France et
le Temps (1), l'authenticité ne la lettre
que vous avez publiée ce matin.
Comme il vous faut, vis-à-vis de vos
lecteurs, un répondant de cette publica-
tion, c'est moi qui vous ai remis hier la
lettre du 8 mai 1880 ; je vous en remets
ce soir deux autres, qui la préparent et
la complètent, et que je vous prie de
vouloir bien publier aussi.
Je tiens à votre disposition les origi-
naux et les photographies de ces trois
lettres.
Veuillez agréer, Monsieur le Rédac-
teur en chef, l'assurance de mes senti-
ments les plus distingués.
H. LlMBOTJRG.
Bellcy, le 3 janvier 1880.
« Monseigneur,
s; Je n'ai d'autre appui que celui des
généraux sous les ordres desquels j'ai
Eervi.
» Je viens donc vous demander de
vouloir bien m'appuyer auprès de la
commission do classement, dans la-
quelle, à beaucoup de titres, vous aurez
certainement une situation prépondé-
rante.
» Je ne vous parlerai pas de mes ser-
vices : vous savez qui je suis.
» Je me permets seulement de vous
dire que je me trouve le treizième des
colonels d'infanterie proposés, à la suite
de l'inspection générale de 1878, pour le
grade de général de brigade, et. que, si
les vacances existant aujourd'hui étaient
remplies, je serais à peu près le hui-
tième.
» Dans ces conditions, j'espère beau-
coup, et, comptant sur votre bienveil-
lant intérêt qui m'est si connu, je vous
prie, Monseigneur, d'agréer, avec la
nouvelle expression de ma gratitude,
l'assurance de mes sentiments les plus
respectueux et les plus dévoués.
» Colonel Boulanger. »
Belley, 13 lévrier 1879.
« Monseigneur,
» Vous quittez le commandement du
7e corps. Permettez-moi de vous dire, au
nom des officiers de mon régiment et au
mien, combien nous sommes peines de
perdre un chef que nous aimions, dans
lequel nous avions une si grande con-
fiance.
» Soyez persuadé, Monseigneur, que
jamais nous n'oublierons les hautes le-
çons, les exemples si élevés que vous
nous avez donnés, et
» Daignez agréer lanouvelle assurance
des respectueux sentiments et de l'inal-
térable dévouement de
» Votre obéissant subordonné
» Colonel Boulanger. »
L'Université va subir de grandes ré-
formes.
Mon ami F. Magnard les a vivement
applaudies et je ne contredirai rien de
son applaudissement.
je voudrais seulement que des réfor-
mes du programme on passât à celles
des méthodes; que l'internat absolu
fût menacé ; qu'on laissât partager da-
vantage aux familles le soin quotidien
des enfants,et que le concours général,
qui a fait plus de victimes que de victo-
rieux, fût sérieusement modifié, sinon
supprimé.
Je ne sais si les choses se passent en-
core, dans les pensions et dans les ly-
cées, comme au temps de ma jeunesse ;
mais je sais bien que, vers 1810, le con-
cours général était une exposition des
produits de fabrique, et que chaque
élève primé apportait une couronne à
inscrire dans les prospectus ; comme on
imprime aujourd'hui, en tête des factu-
res, les médailles obtenues dans les
diverses expositions.
Si mon histoire est de l'histoire an-
cienne, elle fera plaindre les écoliers
d'autrefois ; si elle est restée de l'histoire
contemporaine, elle fera peur pour les
écoliers d'aujourd'hui.
#*#
Je vais parler de moi; mais d'un moi
peu haïssable, car il n'a plus rien de
commun avec moi. Il me semble que
fegt l'aîné de mes petits-fils qui passe
là-bas, au loin, sur la route, à travers la
poussière, dans la diligence de Troyes à
Paris, pauvre écolier sentimental, que
les commis-voyageurs d'une grande
institution sont venus recruter,, en pro-
mettant de le payer un bon prix., selon
ses prix!
C'était pendant les vacances de 1839.
1 iusieurs fois, on avait tenté mon père
par cette perspective d'un fils couronné
au grand concours et rapportant de
Pans des couronnes, pour humilier au
retour ses condisciples champenois,
voués a l'industrie du bonnet de coton.
(1) On trouvera ces démentis dans le Paris au
)°ur le jour
Il était bien entendu que l'institution se
paierait de ma gloire et que si, pour
foire ma réthorique, j'avais une demi-
bourse, une fois la timbale du grand
concours décrochée, je deviendrais phi-
losophe et bachelier à bourse entière,
c'est-à-dire gratis.
Gratis I Quel père n'eût été ébloui?
Sans rien diminuer de mon souvenir
attendri pour mon père, je puis avouer
que la perspective de payer peu, pour
arriver à ne rien payer, rendait raison-
nable cette tentation de l'orgueil pa-
ternel.
Je résistais. J'étais alors dans les
rêves mystiques. J'avais peur d'abdi-
quer, en visant une couronne trop haute.
Je ne connaissais Paris que par un
voyage de vacances ; je n'en avais gardé
que l'odeur de la halle, avec ses choux
pétris dans la boue, aux environs de la
cour Batave et de l'hôtel du Lion d'Ar-
gent.
Et puis, une des raisons qui me dési-
gnaient aux recruteurs était précisément
celle qui m'inspirait de l'effroi.
Un de mes camarades du collège de
Troyes, universel, triomphant dans tou-
tes les Facultés, avait été enlevé un an
auparavant, par un commis-voyageur
de l'institution Vcrdot, et était mort en
pleine serre-chaude, étiolé par l'ambi-
tion, étouffé de la première bouffée de
sa gloire.
Cette victime de la réclame avait fait
pleurer ses anciens amis. Il avait sa lé-
gende au collège Charlemagne. Sa douce
et pâle figure, fondue comme un cierge
au feu du travail, hantait les poètes du
collège. J'ai encore la pièce de vers que
Laurent Pichat lui a consacrée.
Pauvre Terrillon !
Son spectre m'avertissait, et comme il
était de mon pays, on s'imaginait que le
terroir champenois était propice aux
lauréats ; comme il l'avait été autrefois,
selon Dreux du Radier, aux fous des
rois de France.
J'avais été l'émule, l'ami, le second,
dans ma classe, à Troyes, de ce Terrillon
si vite dévoré par Paris. Je ne le valais
certes pas ; mais, en me travaillant bien,
on me ferait peut-être assez travailler
pour le remplacer, à peu près. Voilà
pourquoi un concurrent de l'institution
Verdot prenait les devants et voulait me
séduire par la marotte du concours gé-
néral.
J'ai dit que je résistais. Mon père,
sous prétexte d'une visite à rendre, me
conduisit, à quelques lieues de Troyes,
dans le département de la Marne, chez
un de ses amis, dont les trois fils allaient
précisément partir, ce jour-là, pour con-
tinuer leur études à Paris. L'aîné était
un familier du grand concours. Je me
souviens que ses couronnes, augmentées
de celles de ses frères, formaient une
corniche parlante au plafond de leur
salle d'étude. Cette frise, d'un relief
émouvant, m'entraîna. Le dîner d'adieu,
le vin de Champagne, le discours de ces
jeunes camarades déprovincialisés ache-
vèrent l'embauchage.
Les recruteurs du quai de la Ferraille
n'avaient pas d'autres procédés : l'ar-
gent, la gloire et le vin !
Remonté dans le cabriolet paternel,
j'avouai ma défaite. Ma résistance
était brusquement changée en impa-
tience, et si Trim, notre vieux cheval
qui avait été tant de fois couronné aux
genoux, avait pu me conduire aux cou-
ronnes qui m'attiraient au loin, nous ne
serions pas rentrés à Troyes.
Quelques jours après, mon cœur bat-
tant la charge, nous étions à Paris. J'au-
rais bien voulu aller directement à la
pension où les trois frères T... m'avaient
donné rendez-vous. Mais c'était au nom
de l'institution Massin que mon père
avait été séduit ; c'était de là qu'était
venue l'offre d'une demi-bourse et d'une
bourse entière. La convenance, la pru-
dence nous obligeaient à cette visite.
Dans nos institutions de province, il
n'y avait pas de grille entre la porte
cochère et la cour, pas de grosse ser-
rure à ouvrir avec une grosse clé, pas
de maison haute. Cette froide rue des
Minimes, cette maison claustrale me
firent tout d'abord une impression ter-
rible. Nous entrions à l'heure des classes
au collège. L'institution était presque
vide. Aucun bruit ne chantait dans les
cours. On pouvait supposer que tous
les élèves étaient au cachot.
Un grand et gros monsieur, à figure de
chanoine, mais de chanoine blasé, nous
reçut, se rappela vaguement les offres de
son voyageur, voulut bien les confirmer,
sous la condition que je répondrais con-
venablement à un petit examen préa-
lable.
Il ne fut pas bien difficile de recon-
naître que le grec m'avait été enseigné
par un professeur qui ne le savait pas;
il se servait pour nos versions d'une
traduction interlinéaire ; quant aux thè-
mes grecs, je n'en avais jamais fait un
seul. Je ne reçus donc aucune accolade
pour l'amour du grec.
— Il ne faut pas compter .sur le grec,
dit l'inquisiteur, voyons le latin.
Je me tirai passablement d'une ver-
sion ; mais ce n'était que passable.
On voulut me faire faire des vers la-
tins. J'avouai avec un sourire très fier
que mes professeurs de Troyes m'avaient
toujours permis de traiter en vers fran-
çais les sujets que mes camarades trai-
taient en vers latins. Je n'avais jamais
eu aucune prétention en poésie latine.
Le chanoine, qui se figeait de plus en
plus, poussa un soupir méprisant pour
les chers maîtres de là-bas qui berçaient
si doucement mon ignorance.
Je fus interrogé sur la géographie,sur
l'histoire. Je ne fus pas brillant. Quant
aux mathématiques, on comprend que
je me sentais trop poète pour les avoir
étudiées.
— Mais, en quoi êtes-vous donc fort ?
me demanda l'inquisiteur glacé.
Je frémissais d'indignation.
— Mais c'est dans l'ensemble ! répon-
dit mon père, qui venait pourtant de
voir que le détail compromettait l'en-
semble.
Il exhiba alors le bulletin de fin d'an-
née de la pension de Troyes. Les places
n'étaient pas toutes bonnes, mais les
notes, à travers de graves réticences,
faisaient luire des espérances. On cons-
tatait que sans ma paresse, sans mon
inapplication constante, sans mon ba-
vardage, sans un abus de mémoire qui
me dispensait de réfléchir, je pouvais
être un bon élève.
Décidément, je ne valais pas Terril-
lon.
— Monsieur, dit à mon père le direc-
teur de l'institution Massin, il ne m'est
pas possible de consentir aux réduc-
tions de prix dont il avait été question.
Il y a trop de lacunes. Si, à Pâques,
monsieurvotrefils aeu de bonnes places,
nous verrons.
J'ai cru que mon père allait être obligé
de payer une indemnité. J'acceptai,
tète basse, le numéro matricule dont
on aurait pu me marquer à l'épaule.
On consentit à une diminution de dix
francs sur les frais de chapelle, et on
me donna rendez-vous pour le lende-
main.
Les grilles me parurent encore pius
épaisses à la sortie, les serrures plus
grosses ; j'avais le cœur gros aussi.
Quoi ! je serais le forçat de ce garde-
chiourme impassible ! Je voulais aller
voir le bagne de mes amis et le compa-
rer au mien.
Quelle différence t
L'institution Jauffret occupait le bei
hôtel Lepelletier Saint-Fargeau, dans la
rue Culture Sainte-Catherine, devenue
la rue Sévigné. On en avait approprié le
côté attrayant aux besoins de la souri-
cière. Le réfectoire avait des peintures,
et les noms des lauréats en lettres d or
sur les murs.
La première cour était élégante^ ia se-
conde était magnifique.Les classes étaient
dans une ancienne orangerie. Nous arri-
vions en pleine récréation. Cette belle
maison bruissait joyeusement. Mes trois
amis accoururent, m'enveloppèrent.
Quand je leur annonçai que J etaisma-
critsur le livre d'écrou de ^itotioa
Massin, ils s'indignèrent, protestèrent,
envoyèrent chercher M. Jauffret.
M Jauffret montait la garde, ce jour-
là, à la mairie de la place Royale. II ar-
riva en uniforme, et ses épaulettes de
laine, son shako sur ses cheveux longs,
sa jolie figure très fine, très engageante
n'avaient rien d'un chanoine ou d'un
inquisiteur. Il m'attendait. Mes cama-
rades T... lui avaient parlé de moi. Il
ne voulut pas m'interroger. Tant mieux
si je savais quelque chose ! Tant mieux
si on avait besoin de m'enseigner tout,
selon les excellentes méthodes pari-
riennes. On me donnerait des répéti-
teurs. Il fallait que j'eusse des prix, et
j'en aurais !
Quant aux conditions: — Fixez les
vous-même, conclut M. Jauffret.
En sortant, papa me dit :
_ A la bonne heure 1 Voilà un homme
qui entend les affaires 1
J'avais renvoyé, du bureau même de
M. Jauffret, mon numéro matricule à
l'institution Massin, et ce fut le cœur
épanoui que je devins le condisciple,
entre autres bonnes fortunes, des fils
de Victor Hugo.
C'était pour moi la promesse de l'ami-
tié du père. Le sort ne me trahit pas. Je
fus couronné au concours, en même
temps que Charles Hugo qui était en
troisième, quand j'étais en rhétorique,
et ce fut à ce propos que je dînai pour
la première fois à la place Royale. Toute
ma destinée vient de là.
Je n'ai pas le temps de nommer mes
condisciples, de raconter ma vie à l'ins-
titution Jauffret.
J'y fus heureux; je n'ai pas usé mes
souvenirs de bonheur; je les retrempe,
aussi souvent que je le peux, dans la
fréquentation des camarades qui veillis-
sent avec moi et qui rajeunissent comme
moi à chaque rencontre.
M. Jauffret était un de ces vulgarisa-
teurs savants, charmants, qui savent
développer les idées, étudier les apti-
tudes, et c'était de plus un homme du
monde parfait. 11 n'était pas possible de
rester un cuistre entre les classes et son
salon.
Quant au travail, il me fut léger. Mes
maîtres travaillaient pour moi. M. Jauf-
fret avait vu bien vite que la version la-
tine, l'histoire et le discours français
étaient les seuls mâts de cocagne à me
faire envier.
Notre professeur de rhétorique latine,
cet excellent M. Régnier qui fut depuis
le précepteur du comte de Paris, ne me
ris. Je fis ma composition, comme j'au-
rais écrit mon premier sermon.
-•"variant un voisin, un élève du collège
Bonaparte me détourna, autant qu'il le
put. du mauvais goût de travailler. Nous
déjeunâmes longtemps, avec son demi-
poulet et mon chocolat. Nous échangeâ-
mes nos bordeaux; mais, par scrupule,
pour m'amuser, vers la fin delà journée,
je fis ma composition, la plus courte
assurément de toutes celles qui con-
coururent.
Il s'agissait d'un discours de saint
Grégoire de Naziance à Théodose, de-
vant toute la cour, pour lui donner sa
démission du siège apostolique de Cans-
tantinople. J'ai encore le portrait du
Grégoire que je dessinai pour me mettre
en train.
On nous avait bien recommandé de
garder le brouillon de nos compositions,
pour conjecturer d'avance les chances
de chacun de nous. J'étais honteux de
ma courte allocution. Je mentis et dé-
clarai que j'avais déchiré ma première
copie.
Mon vieux maître d'histoire, Tousse-
nel, ne fut pas ma dupe. Il m'attira dans
un coin, et je lui lus, sous le sceau du
secret, mon discours.
— Eh ! eh 1 me dit-il, cela sent le pre-
mier prix ! Quel malheur que votre pre-
mière phrase puisse être discutée.
En effet, ma première phrase débu-
tait ainsi :
<- Grand prince, permettez à un vieil-
lam dont les forces sont au-dessous du
zèle-,. »
Quelques-uns prétendaient et préten-
dent encore que j'aurais dû écrire :
« dont les forces sont au-dessous de
soti zèle. » Je persiste à croire que ma
phrase était peu aisée, mais correcte.
Mon ami T... avait gardé sa copie et
nous lut son discours. Je fus persuadé
qu'il aurait le prix. D'abord, il en avait
fait cinq pages de plus que moi, et il
avait eu l'ingénieuse idée de représen-
ter Yhijdre de l'anarchie dressant ses
tètes hideuses jusque sur les inarches de
l'autel.
J'étais désespéré de n'avoir pas ima-
giné cela. Ah! ces têtes de l'anarchie,
qui me faisaient frissonner de jalousie,
je les ai revues, pendant trois jours,
bien des fois dans mes rêves !
Il paraît qu'on ne prenait plus l'hydre
au sérieux en 1840. T... n'eut qu'un loin-
tain accessit.
Bien résigné, n'espérant rien, j'avais
quitté l'institution; j'étais à l'hôtel avec
mon père, quand le lundi, après l'ou-
verture des boîtes, au sortir d'un gros
dîner chez Véfour, à dix heures du soir,
sous les arcades du Palais-Royal, je
rencontrai T... qui me cherchait pour
m'annoncer que j'avais le premier prix
des nouveaux.
Cette brusque nuuYclîe faillit avoir un
elfot terriblement grotesque; j'avais si
bien noyé ma honte! Mais on m'atten-
dait à l'institution, au collège. M. Jauf-
fret s'écria qu'il l'avait bien prédit, et le
proviseur, M. Poirson, voulut me faire
jurer de doubler ma rhétorique, pour
avoir l'année suivante le prix des an-
ciens.
Je refusai, mais j'étais enivré.
Ce fut des mains de Victor Cousin que j e
reçus Buffon en dix volumes. J'aurais
voulu le voir, en l'embrassant, ce grand
ministre qui avait le bonheur de me
couronner. Mais je me souviens qu'une
longue mèche de cheveux lui couvrait la
joue, quand il se baissa vers moi. Je
baisai la mèche. Ah I si j'avais pu l'em-
porter!
Le lendemain, on offrait à mon père
une prime pour me faire doubler ma
rhétorique. Mais je résistai et il fut de
mon avis ; j'avais hâte de m'élancer à la
conquête du monde qui m'était dû. Mon
discours de saint Grégoire à Théodose
me semblait un labarum infaillible.
Je retournai à Troyes dans le coupé
de ia diligence, mis gratuitement à notre
disposition.
Je revenais à temps, pour la distribu-
tion des prix à mon ancienne pension ;
on m'y offrit une couronne de Iaurier-
cerise;cela semblait beaucoup plus beau
qu'une branche de laurier-sauce. On me
fit lire mon discours en public, et les
auditeurs pleuraient aux accents de
Saint- Grégoire de Naziance.
Je savourai sa gloire absolue, pendant
les vacances, et mon prix valut à M.
Jauffret six élèves de Troyes qui com-
pensèrent bien au delà, par le chiffre de
leur pension, la demi-bourse que j'a-
vais gagnée.
La morale de cette histoire, c'est l'im-
moralité prouvée d'un pareil système
demanda ni grec ni vers latins, et ne d'embauchement et d'entraînement. Je
m'interrogeait qu'avec précaution, par
pure décence.
Quant à notre professeur ce rhétori-
que française, M. Potier, il était bien
obligé d'être impartial ; car si j'étais un
des chevaux de course de l'écurie Jauf-
fret, les écuries Massin, Favart, Verdot,
Petit, etc.. en avaient aussi à faire cou-
rir dans le grand concours. Nous étions
plusieurs au dressage.
Ah ! lo bon temps ! La veille des com-
positions, j'avais toujours besoin d'un
dîner délicat, d'une bonne soirée. M.
Jauffret me faisait dîner à sa table et
me menait au théâtre.
Je n'oserais pas raconter, de peur de
n'être pas cru, les exigences de quel-
ques-uns de mes émules à l'institution
Favart. Ils exigeaient tout et on ne leur
refusait rien.
#*#
Enfin arriva le moment décisif, le
grand concours. Je ne parlerai que de
la composition de discours français.
Quelle savante et hygiénique prépa-
ration avait précédé la lutte! Les athlètes
avaient moins d'huile sur le corps que
nous n'avions de douceurs dans l'esto-
mac et dans l'esprit, avant d'affronter
l'arène.
Je partis le matin pour la Sorbonne,
avec un filet contenant tout ce qu'il faut
pour un bon déjeuner.
Je ne croyais pas à un succès; je puis
même confesser que M. Jauffret n'y
croyait plus guère; mon camarade T...
avait les gros paris ; personne ne paria
pour moi.
Est-ce le sujet qui m'a porté bonheur?
Je sortais d'une éducation dévote, et je
n'avais pas encore perdu cette fraîcheur
de nos vieilles églises, en venant à Pa-
ne suis pas mort à la tâche, comme
Terrillon, parce que je n'ai pas eu de tâ-
che. On m'a flatté, gâté, corrompu, pour
un résultat que j'ai obtenu par hasard.
Je n'en aurais pas été plus savant, si je
n'avais pas été lauréat; mais je n'aurais
pas eu si longtemps l'infatuation de
mon ignorance.
C'est depuis que la vie m'a enseigné,
que la modestie, je Yeux dire la résigna-
tion, m'est venue.
Louis Ulbach.
A TRAVERS PARIS
La Température. — Lis présages d'une
amélioration du temps se sont déjà dissipés.
Le baromètre a recommencé à descendre dans
l'ouest, et la présence très probable de nou-
velles perturbations sur l'Océan rend l'équilibre
atmosphérique très instable. Sur la Méditer-
ranée, quelques troubles sont aussi à craindre.
En France, où les averses avaient été orageu-
ses avant-hier, avec orages à Lyon, Nancy,
Dunkerque, le temps reste à éclaircies avec
ondées orageuses.
La température a encore baissé sur l'ouest
du continent. Le thermomètre marquait, hier
matin : Paris, 14», Nice, 22°, Alger, 24°, Brin-
disi, 26°. A Paris, où le temps avait été très
beau pendant l'avant-dernière nuit et la ma-
tinée d'hier, le ciel s'est couvert vers quatre
heures et la pluie est tombée abondamment à
partir de sept heures. Thermomètre maximum,
22°; baromètre, 761™'.
Paramè. — Ciel couvert. Grandes marées.
Néris-les-Baius. — Beau temps. Th. 27'.
Aujourd'hui, courses àCaen. Gagnants
de Robert Milton :
Prix du Conseil général: Paphos.
Prix National : Escogriffe.
Grand Saint-Léger de France: Bou-
vreuil II.
Prix de la Société d'Encouragement
(hors série) : Beaumesnil.
Prix du Chemin de fer: Gpssip.
Prix de Louvigny : Galantin.
Courrier de l'exil.
Le marquis de La Valette va rejoindre
ce soir le prince Victor à Bruxelles.
M. Emmanuel Mathieu, qui était de-
puis quinze jours auprès du jeune Prince
est rentré hier à Paris.
M. Amédée-Edmond Blanc, le chef du
cabinet, s'installe définitivement demain
à l'hôtel de l'avenue Louise.
Quelques journaux belges avaient
annoncé la fondation prochaine d'un or-
gane officiel des Victoriens à Bruxelles ;
cette nouvelle est inexacte.
Le roi de Portugal partira ce matin
pour Plymouth. Le duc de Bragance
exerce la régence.
Un télégramme de Staad, en date du
1er août, nous apprend que Mme la du-
chesse de Parme est heureusement ac-
couchée d'un prince.
M. de Freycinet est arrivé hier soir à
six heures àMont-sous-Vaudrey.
Pendant son séjour auprès du Prési-
dent de la République, une ligne télé-
phonique ayant été établie, M. de Frey-
cinet sera en communication avec les
agents supérieurs du ministère des
affaires étrangères, notamment avec
MM. Francis Charmes, directeur des af-
faires politiques, et Glavery, directeur
des affaires commerciales et consu-
laires.
En outre, il recevra de ses collègues
du Cabinet une correspondance très fré-
quente.
Le président du Conseil eompte ren-
trer à Paris du 18 au 20 août. Dans le
courant du mois de septembre, il visite-
rait deux ou trois villes importantes et
prononcerait plusieurs discours avant la
reprise des travaux parlementaires.
#**
M. Lockroy, ministre du commerce
et de l'industrie est parti hier pour
Guernesey.
La distribution des prix du Concours
général a lieu aujourd'hui à la Sorbonne.
Le lycée Condorcet a 62 nominations
dont 14 prix. Stanislas 55 nominations ;
Louis-le-Grand 43 ; Henri IV, 32; Char-
lemagne 28; Rollin 24; Versailles 23;
Vanves 20 ; Saint-Louis 18 et le lycée
Janson de Sailly, de création toute ré-
cente,6 nominations.
Dans le monde :
C'est mercredi, à midi, que sera
célébré, en l'église Saint-Honoré, le
mariage de M. Georges Duval de Fra-
ville, capitaine instructeur au 11° régi-
ment d'artillerie, avec Mlle Eugénie de
Vatry, fille du lieutenant-colonel et de
la baronne de Vatry, et petite-fille de
Mme la duchesse d'Elchingen.
Échos de Paris
LA POLITIQUE
-1 Le ministre de la marine quit-
tera très prochainement Paris, accom-
pagné de MM. Peshart d'Ambly, direc-
teur du matériel, et Châtelain, directeur
du contrôle central, ainsi que d'un
officier d'ordonnance. Il ira visiter l'usine
d'Indret.
--. Suivant une décision du minis-
tre des postes et des télégraphes, les
escales de Naples, de Messine et de Pa-
ïenne sont définitivement retranchées
des itinéraires de la Compagnie des
Messageries maritimes, à l'aller et au
retour.
C'est une conséquence du rejet du
traité maritime entre la France et
l'Italie.
Empressons-nous d'ajouter qu'au
point de vue diplomatique, les relations
des cabinets de Rome et de Paris sont
toujours excellentes.
On espère qu'un accord prochain in-
terviendra entre les deux gouverne-
ments
Les bruits les plus alarmants ont été
réDandus,pendant la dernière journée,
sur l'état de santé de M. Pasteur.
On prétendait qu'une paralysie géné-
rale avait succédé à la paralysie par-
tielle dont l'illustre savant est atteint
depuis de nombreuses années.
Il n'en est rien, nous sommes heureux
de pouvoir le déclarer. M. Pasteur est en
villégiature aux environs de Paris de-
puis plusieurs jours : il a été atteint par
un gros rhume : rien de plus, et sa santé
est très satisfaisante, étant donné son
grand âge et ses travaux continuels.
Les obsèques de la marquise de Bre-
teuil ont été célébrées avant-hier, dans
la petite église de Breteuil, près de Che-
vreuse.
Cérémonie tout intime ; aucune lettre
n'avait été envoyée, et cependant de
tous les environs les paysans étaient
accourus et de nombreux amis étaient
arrivés par tous les trains pour donner
un nouveau témoignage de sympathie
au jeune député des Hautes-Pyrénées,
si cruellement éprouvé.
Le deuil était conduit par M. le mar-
quis de Breteuil et par son beau-père M.
le marquis de Gastelbajac, entourés de
M. le comte et de Mme la comtesse de
Breteuil, de M. Charles de Breteuil et de
Mlle de Breteuil.
Dans l'assistance, nous avons reconnu
le duc et la duchesse de Reggio, le duc
et la duchesse de La Trémoïlle, la du-
chesse de Luynes et ses enfants, le duc
de Fitz-James et le comte Charles de
Fitz-James, le prince de Tarente, MM.
Joubert père et fils, vicomte Greffulhe,
comte de Caraman, baron Hottinger,
François Hottinger, comte Costa de
Beauregard, prince de Sagan, comte de
Choiseul,de Mier, baron Edm. de Roths-
child, M. et Mme d'Hendecourt, Mme
d'Hendecourt mère, baron et baronne de
Coubertin, comte et comtesse de Valon,
Henry Blount, comte de Turenne, etc..
Voici la liste des élèves admis à l'Ecole
normale supérieure à la suite du con-
cours de cette année :
section des lettres
1 Colardeau. — 2 Barthe. — 3 Suarès. —
4 de Ridder. — 5 Mille. — 0 Gay. — 7 Méli-
nand. — 8 Gauckler. — 9 Gendarme de Bé-
votte. — 10 Rolland (Romain). — 11 Joubin.
— 12 Cury. — 13 Levrault. — 14 Bouchard. —
15 Lorin. — 16 Wartel. — 17 Dalmeyda. —
18 Canon dit Pages. — 19 Dumas. — 20 Le-
gras. — 21 Renel. — 22 Bouclier. — 23 Su-
rcr. — 24 Gignoux.
section des sciences
1 Abraham. — 2 Brunhes. — 3 Weiss. —
4 Féraud. — 5 Chair. — 6 Larras. — 7 Ber-
trand. — 8 Mlllot. — 9 Cels. — 10 Rascau. —
11 Delassus. — 12 Lespiau. - 13 Matignon.
— 14 Brunac. — 15 Gilbert. —16 Wiltielm. —
17 Jacquet. — 18 Soudée. — 19 Clément. —
20 Chanzy.
Le 17 août est le centième anniver-
saire de la mort de Frédéric-le-Grand.
Ce monarque, dans son testament
rédigéen français, le 8 janvier 1709,avait
écrit à propos de sa sépulture : « J'ai
vécu en philosophe et comme tel je dé-
sire être enterré dans le jardin de Sans-
Souci. »
Cette volonté du Roi n'a pas été exé-
cutée et il repose dans un caveau de
l'église militaire de Potsdam, sa famille
n'ayant pas trouvé coavenabla d'inhu-
mer le corps d'un roi dans un jardin.
Mais aujourd'hui que dans ce même
jardin s'élèvent les tombeaux du roi
Frédéric Guillaume III, et de sa femme,
il n'y a plus de raison pour ne pas rem-
plir les dernières volontés de Frédéric
le-Grand, et on dit à Berlin que, le jour
du centième anniversaire de sa mort, on
transportera ses restes de l'église dâ
Potsdam dans le jardin de Sans-Souci.
Au banquet offert à M. Chevreul, sa-
medi soir. M. Silvain, de la Comédie-
Française, a dit avec beaucoup do talent
et de succès les strophes suivantes do
M. Henry Jouin.
Ainsi qu'un marbre antique à l'éternel sourire,
Chevreul, ton front sans ride attire tous le? yeux ;
A lo déeouroanor cent ans n'ont pu suffira ;
Et nous, à mi-chemin, nous sommes presque vieux 1
Le respect et l'attrait que ton grand agi inspira
Dans chaque admirateur te font un envieus ;
Queilis-jo'.' ïùiiti'ioijjplidest de ceux qu'oa admire
Et dont, sans y prétendre, on se sent orgueilleux.
Salut! penseur illustre! Après cent ans de vie,
Ton âme de savoir ne s'est pas assouvie :
Ce haut labeur nous vaut le maître dans l'aïeul !
Va! ton exemple est bon. Le travail régénère.
Tune dois qu au travail ta gloire centenaire...
— « A la gloire, au génie, au siècle de Chevreuil »
On a coutume depuis quelque temps
de faire une exposition spéciale compo-
sée des œuvres d'art acquises par l'Etat
au Salon annuel de la Société des artis-
tes français.
Cette exposition devait être installée,
cette année, au palais de l'Industrie;
mais ce vaste local se trouvant occupé
en totalité par l'Exposition des sciences
et des arts industriels, on vient de déci-
der que l'exposition des acquisitions de
l'Etat aura lieu au Louvre, probablement
dans la salie des Etats.
Une réforme importante à l'Ecole mi-
litaire de Saint-Cyr.
Sur la proposition de M, le général
Tramond, commandant l'Ecole spéciale
militaire do Saint-Cyr, on prépare en ce
moment, dans les bureaux des direc-
tions de nnranterie et -de la cavalerie,
au ministère delà guerre, un projet de
décret tendant à modifier le mode de re-
crutement de la section des élèves cava-
liers de cette école. Jusqu'à présentées
jeunes gens sachant bien monter à che-
val avant d'entrer à Saint-Cyr pouvaient
seuls prétendre à devenir officiers de
cavalerie. D'après les dispositions pro-
jetées, c'est à la fin du cours de ore-
mière année d'études, à la date fixe du
1er août, que 'es concurrents seraient
appelés à montrer leurs aptitudes éques-
tres.
Le soin de déclarer que les candi-
dats sont en mesure d'entrer dans la
cavalerie incomberait à une commis-
sion composée d'un général de brigade,
d'un colonel, d'un lieutenant-colonel et
de l'officier supérieur qui dirige les
exercices d'équitation à l'Ecole de Saint-
Cyr. Les élèves
officiers de cavalerie
élèves cavaliers d'api = m
sur la liste de classe rr-^"
concurrence du nombr e.
grade de sous-lieutem = n
cette arme.
La 7° édition de
parait chez Dentu. Gi -
ce livre si curieux. W="0
et secrets de beauté =_r
Laurianne.
NOUVELLES ÂË _
w V.
En gare.
Le train qui va parti
du quai, au delà de 1
pleut à torrents.
Un voyageur, à un e
plus poli :
— Le train conduis
s'il vous plaît?
Le cocher Matifou £ =.
tieuses.
Par exemple, il dit
conduire du monde ai
— Voir des chevaux
rir?... Ça pourrait de
mauvaises manières !