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https://doi.org/10.11588/diglit.1374#0009
PARIS!
de ses oreilles pour entendre, et, ayant besoin, en la circonstance, d'un lettré par-
fait, d'un critique disert, savant et libéral, et d'un esprit très brave enté sur une
âme très haute, ce bizarre éditeur boute du nez au premier coup sur l'homme qui
réunit en lui toutes ces qualités et réalise son idéal. Ce n'est pas ta faute, après tout,
si cet homme s'appelle Louis de Fourcaud et s'il pousse la parenté avec toi jusqu'à
l'identité absolue.
As-tu remarqué qu'à Paris, la ville juste en somme, ce qui doit être fait l'est toujours
en fin de compte par « qui de droit », l'incapacité avorte tout de suite sur sa vaine ten-
tative d'usurpation, et les plus partiaux comme les moins avisés finissent bien vite par
recourir aux aptitudes. Tout se case à sa case. Qui trompe-t-on, à Paris? Personne. Le
fabuliste le dit avec sa mélancolie bonhomme : « Quiconque est loup agisse en loup! »
C'est aux artistes à mener les travaux d'art. Je ne te l'envoie pas dire.
Ceci posé, causons.
Entre les préoccupations vraiment patriotiques qui nous assaillent en ce moment et
qui plissent le front aux moins moroses, celle du succès de l'Exposition universelle est
notre plus vive angoisse. A quelque parti que nous appartenions, nous sentons que cette
vaste fête de la paix, engagée héroïquement par un peuple vaincu sur une date historique
dont la commémoration, terrible aux uns et douce aux autres, met une dernière fois aux
prises les zélateurs du passé et ceux de l'avenir, équivaut à un défi au vainqueur et sonne
le tournoi.
Le Champ de Mars est en ce moment le bien nommé : il s'y prépare une grande
bataille.
Le vainqueur aura le vingtième siècle.
Eh bien, pour un jour, le boulevardier veut cesser de rire, et, à tous ces cœurs qui
battent dans des poitrines françaises, il espère communiquer sa foi chaleureuse et l'apai-
sement de son optimisme raisonné. Ne craignez rien, travaillez avec calme, allez!... C'est
écrit, la victoire est assurée à Paris. Le succès est sûr. Le vingtième siècle sera à la
France. L'Europe va lui en rendre les clefs!!!
Et sais-tu, mon cher ami, ce qui gonfle ainsi mon âme d'espérance? C'est beaucoup
moins le pressentiment, cette raison des poètes, que la conscience du rôle extraordinaire
que joue, depuis son terrible siège, notre ville dans le drame des intérêts européens.
Paris est la seule cité du monde moderne où une Exposition universelle puisse réussir,
et cela par la raison que son cosmopolitisme, accru de jour en jour, presque d'heure en
heure, a fait d'elle la Mecque sacrée des caravanes de l'art, de la science, de l'invention,
du génie, et que tout le long de l'année elle est elle-même une exposition universelle perma-
nente du travail, de l'idée et des découvertes. Les vastes exhibitions, ruineuses et excep-
tionnelles pour les autres capitales, sont, à Paris, l'état continuel et journalier. Le luxe
n'y arrête point sa fête, le goût n'y tarit pas sa joie, et c'est la ville aux trois cent soixante-
cinq dimanches.
On a beaucoup blagué le père Hugo de l'avoir nommée la Ville-Lumière, on a eu
tort. Ce n'est point hyperbolique. Paris rayonne certainement comme un phare sur les
de ses oreilles pour entendre, et, ayant besoin, en la circonstance, d'un lettré par-
fait, d'un critique disert, savant et libéral, et d'un esprit très brave enté sur une
âme très haute, ce bizarre éditeur boute du nez au premier coup sur l'homme qui
réunit en lui toutes ces qualités et réalise son idéal. Ce n'est pas ta faute, après tout,
si cet homme s'appelle Louis de Fourcaud et s'il pousse la parenté avec toi jusqu'à
l'identité absolue.
As-tu remarqué qu'à Paris, la ville juste en somme, ce qui doit être fait l'est toujours
en fin de compte par « qui de droit », l'incapacité avorte tout de suite sur sa vaine ten-
tative d'usurpation, et les plus partiaux comme les moins avisés finissent bien vite par
recourir aux aptitudes. Tout se case à sa case. Qui trompe-t-on, à Paris? Personne. Le
fabuliste le dit avec sa mélancolie bonhomme : « Quiconque est loup agisse en loup! »
C'est aux artistes à mener les travaux d'art. Je ne te l'envoie pas dire.
Ceci posé, causons.
Entre les préoccupations vraiment patriotiques qui nous assaillent en ce moment et
qui plissent le front aux moins moroses, celle du succès de l'Exposition universelle est
notre plus vive angoisse. A quelque parti que nous appartenions, nous sentons que cette
vaste fête de la paix, engagée héroïquement par un peuple vaincu sur une date historique
dont la commémoration, terrible aux uns et douce aux autres, met une dernière fois aux
prises les zélateurs du passé et ceux de l'avenir, équivaut à un défi au vainqueur et sonne
le tournoi.
Le Champ de Mars est en ce moment le bien nommé : il s'y prépare une grande
bataille.
Le vainqueur aura le vingtième siècle.
Eh bien, pour un jour, le boulevardier veut cesser de rire, et, à tous ces cœurs qui
battent dans des poitrines françaises, il espère communiquer sa foi chaleureuse et l'apai-
sement de son optimisme raisonné. Ne craignez rien, travaillez avec calme, allez!... C'est
écrit, la victoire est assurée à Paris. Le succès est sûr. Le vingtième siècle sera à la
France. L'Europe va lui en rendre les clefs!!!
Et sais-tu, mon cher ami, ce qui gonfle ainsi mon âme d'espérance? C'est beaucoup
moins le pressentiment, cette raison des poètes, que la conscience du rôle extraordinaire
que joue, depuis son terrible siège, notre ville dans le drame des intérêts européens.
Paris est la seule cité du monde moderne où une Exposition universelle puisse réussir,
et cela par la raison que son cosmopolitisme, accru de jour en jour, presque d'heure en
heure, a fait d'elle la Mecque sacrée des caravanes de l'art, de la science, de l'invention,
du génie, et que tout le long de l'année elle est elle-même une exposition universelle perma-
nente du travail, de l'idée et des découvertes. Les vastes exhibitions, ruineuses et excep-
tionnelles pour les autres capitales, sont, à Paris, l'état continuel et journalier. Le luxe
n'y arrête point sa fête, le goût n'y tarit pas sa joie, et c'est la ville aux trois cent soixante-
cinq dimanches.
On a beaucoup blagué le père Hugo de l'avoir nommée la Ville-Lumière, on a eu
tort. Ce n'est point hyperbolique. Paris rayonne certainement comme un phare sur les