Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Hinweis: Ihre bisherige Sitzung ist abgelaufen. Sie arbeiten in einer neuen Sitzung weiter.
Metadaten

World Fair [Hrsg.]
Revue de l'Exposition Universelle de 1889 — 1.1889

DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.1374#0139
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
128 L'HEURE DE LA MUSIQUE A L'EXPOSITION

Nous sommes, à présent, devant le kiosque de là musique, devant la terrasse du
palais des Beaux-Arts. Joli pavillon circulaire élevé sur deux marches, abrité du soleil
par de beaux arbres en floraison, poussés comme par miracle. Les femmes sont nom-
breuses ici. C'est l'exposition des filles à marier, si je ne me trompe. Elles regardent à
droite, à gauche, avec des mouvements déjeunes chattes. Pardieu! S'il pouvait passer
un fils de roi... Pas une petite Parisienne, au fond, qui ne rêve d'épouser un prince. Où
qu'elles soient, elles attendent, elles espèrent. Du diable si l'Exposition les intéresse en
rien. L'Exposition ! est-ce qu'elles y pensent? Elles ont vu les nègres et les Arabes de
l'Esplanade, les Annamites qui ressemblent à des femmes, les Javanaises couleur safran
et chargées d'or. Elles ont traversé la galerie des Machines sur le pont roulant, envisagé
quelques robes splendides dans une rotonde et envié quelques bijoux. Le reste leur est
indifférent. S'en occupe qui voudra de ce reste !...

C'est fini, le soir tombe ; les musiques ont cessé. Tous ceux qui visitaient les palais
et les galeries refluent vers le jardin central et le vestibule delà sculpture. Il est six heures
et demi. C'est un va-et-vient, une agitation de fourmilière. Déjeunes Américaines contem-
plent sans nul effroi les statues les moins habillées. On ne peut dire, assurément, qu'elles
en ont vu bien d'autres, mais l'art pour elles est sans mystère.

Deux ouvriers sont arrêtés devant le Mirabeau répondant à M. de Dreux-Bré^é, le
fameux bas-relief de Dalou.

— Y a-t-il du monde là dedans !

— A-t-il l'air assez en colère, celui qui a la grosse figure !

— Ça doit être Danton. Sais-tu le sujet?

— Ma foi, non! Mais il se passe, évidemment, quelque chose de grave...
Et l'on assure que l'histoire de la Révolution est populaire en France !...

Paraît un abbé-précepteur qui a mené le petit Bob à la galerie des Machines, et qui
craint d'être en retard pour le dîner. Bob voudrait s'arrêter aux sculptures. L'abbé le
harcèle de ses admonestations.

— Venez donc, Bob, nous ne trouverons plus de voiture.

— Eh bien, monsieur l'abbé, nous nous en irons à pied. Vous dites toujours qu'il
faut faire des économies.

—■ Ne regardez pas ces statues, Bob.

— Oh bien !... Dirait-on pas que ça vous fait du mal de regarder ça?

— Ce n'est pas convenable.

— l?allait-il pas mettre des jupes aux statues?

— Vous êtes ridicule, Bob.

— Eh bien, puisque vous ne voulez pas que je regarde, je dirai à papa de m'y mener.
C'est lui qui ne fera pas tant de manières...

Et, tout là-bas, à la sortie, George Sand, stupéfiée sur son siège de marbre, sourit
vaguement, d'un sourire qui semble errer sur cette cacophonie des peuples, des âges,
des situations, des convictions et des convoitises.

Louis de MEURVILLE.
 
Annotationen