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L' Exposition de Paris (1900) (Band 2) — Paris, 1900

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https://doi.org/10.11588/diglit.1829#0006
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■2

ENCYCLOPEDIE DU SIÈCLE.

AU CHAMP DE MARS

UNE CHEMINEE MONUMENTALE

Les cheminées d'usine, ces longs tubes de briques qui
embrument de leurs fumées l'horizon des villes et des
campagnes, n'ont jamais éveillé de grands soucis d'esthé-
tique dans l'esprit de leurs constructeurs. On se contente,
le plus souvent, d'enjoliver de quelques dessins som-
maires, formés par des briques de couleurs tranchées, le
piédestal et la souche de la cheminée; le couronnement
reçoit un cordon en saillie, et voilà toute la part faite aux
exigences de l'art, exigences modestes, et qu'un manteau
de suie dissimule assez rapidement. L'Exposition de 1900
renfermera deux usines importantes de force motrice et,
pour évacuer dans l'atmosphère les fumées des nombreux
foyers des générateurs, autant que pour instituer d'énergi-
ques appels d'air, la construction de cheminées élevées
s'imposait. Nous n'avons pas à revenir sur l'établissement
des foyers et des carneaux pour les fumées, nous avons
fourni précédemment des détails circonstanciés sur ces
différents points1.

Dans un ensemble de monuments, qui, pour être pro-
visoires, ne sont pas moins l'objet de manifestations ar-
tistiques, la présence de cheminées d'usine est d'un arran-
gement peu commode; ces interminables tubes se prêtent
mal à des recherches élégantes, et ceux-ci qui doivent
monter à quelque 80 mètres de hauteur sont assez dif-
ficiles à dissimuler. On relégua les deux cheminées né-
cessaires à l'extrémité des bâtiments des services mécani-
ques en bordure des avenues de Suffren et de La Bourdon-
nais, à chaque angle de l'ancienne Galerie des Machines
qui sera transformée, comme on le sait, et appropriée à de
nouveaux usages. Quelque écarté que soit l'emplacement,
les deux cheminées n'en demeureront pas moins fort
visibles; elles s'élèveront, quand même, au-dessus des
toitures. Pour les visiteurs qui circuleront
derrière les palais et visiteront les bâti-
ments des générateurs, très attractifs en
leur genre, elles apparaîtront dans toute
leur masse, de la base au sommet.

Il était donc préférable, à tous égards,
d'aborder franchement la difficulté et de
faire entrer ces accessoires meublants et
indispensables dans le système de décora-
tion du Champ de Mars.

L'administration de l'Exposition ouvrit
un concours dont les termes offraient la plus
grande liberté aux concurrents sur le sys-
tème de décoration à adopter, et qui pré-
voyait même des dispositions spéciales à
étudier pour un système d'illumination : une
prime spéciale de 2000 francs était accordée
à l'auteur des meilleures dispositions d'illu-
mination. Pour la cheminée elle-même, le
prix consistait dans l'exécution des travaux.
11 faut ajouter que seuls étaient appelés à
présenter des projets et des devis les con-
structeurs spécialistes, de nationalité fran-
çaise.

La restriction de spécialité écartait à l'a-
vance les projets inexécutables proposés par
les incompétences; cette restriction ne barra
pas le chemin, néanmoins, a des fantaisies
assez hétéroclites qu'on fut très étonné de
voir se produire lors de l'exposition des pro-
jets des divers concurrents. Certains deman-
daient leurs inspirations à des styles d'art,
qui n'ont rien à voir avec les cheminées
d'usine. Il était affolant de contempler, pour
cette utilisation pratique, un grandissement
colossal de pilier de cathédrale du xme
siècle, ou bien l'appropriation inattendue
d'une colonne empruntée à l'art égyptien.
D'autres avaient établi des maquettes à
symbolisations et allégories. C'était se
donner beaucoup de mal en pure perte,
car la solution de ce problème n'admettait
qu'un terme : la décoration pure et sim

1. Voir I" volume, p. 153.

Une cheminée monumentale. — Elévation de la chemi
née de 8o mètres de hauteur, en construction sur l'ave
nue de La Bourdonnais.

d'une cheminée en sa forme rationnelle. Tout ce qui avait
pour but de dénaturer l'aspect de la cheminée était à
repousser, c'est ce que fit le jury, en concluant dans ces

termes :

Les projets présentés par les concurrents sont loin d'être
dénués d'intérêt; mais, si l'on se place au point de vue des
solutions à recommander à l'administration de l'Exposition,
ces projets apparaissent avec des valeurs fort inégales.... Un
seul des projets peut être immédiatement adopté, c'est le pro-
jet n° 2, de MM. Nicou et Demarigny; ce projet s'élève
nettement au-dessus de tous ses concurrents, aussi bien par
sa valeur constructive que par sa beauté architecturale ; c'est
le seul qui réponde d'une manière satisfaisante aux conditions
multiples du programme ; c'est le seul qui mérite d'être
exécuté tel qu'il est présenté, sous réserves de quelques re-
touches que nous aurons soin d'indiquer.

MM. Nicou et Demarigny furent donc chargés de la con-
struction de la cheminée de l'avenue de La Bourdonnais,
conformément à leur projet, car les retouches dont parle
le rapport du jury ne portèrent que sur des détails dans le
système de fondation. Le dessin ci-contre montre que les
constructeurs ont adopté la forme rationnelle, et que la
décoration n'altère en rien cette forme. La décoration n'a
d'autre but que d'occuper des surfaces nues de trop grande
dimension, d'accuser, de souligner les points importants
de la construction, tels que le couronnement, le point de
départ de la cheminée proprement dite, et le piédestal. Le
fût, dans les trois quarts de sa hauteur, est sans ornements,
et cette sobriété fait valoir la richesse relative des autres
parties.

La construction a, comme hauteur totale, 80 mètres;
la cheminée a 6m,20 de diamètre intérieur à la base, et
4m,50 au sommet. Le poids total est de 5 733 tonnes. Le
ton local est celui de la brique blanche, c'est-à-dire un
blanc jaunâtre : les dessins seront exécutés au moyen de
briques rouges et noires, et même de briques émaillées
de diverses couleurs. Les ornementations modelées, avec
émaux de couleur, sont constituées par un
nouveau produit céramique. Le départ du
fût de la cheminée est ornementé par douze
feuilles d'acanthe, de 2 mètres de hauteur;
plus haut, une ceinture se présente; elle
est composée de deux bagues saillantes, es-
pacées de 4 mètres, et reliées par des car-
touches, entourés de palmes, et surmontés
d'une tige fleurie. Ces cartouches, au nom-
bre de quatre, portent les personnifications
de l'Industrie, du Commerce, de l'Agricul-
ture et de l'Art.

Le couronnement de la cheminée com-
porte plusieurs rangées de motifs : cabo-
chons, frise de tiges fleuries, rosaces, gran-
des consoles, et enfin crête découpée et
ornementée, le tout en céramique nouvelle.
Quelle est cette céramique nouvelle? Il
semblerait que ce produit ait été inspiré à
ses inventeurs par les procédés du ciment
armé, ce nouveau mode de construire, qui
a pris une si grande extension ces derniers
temps. La céramique nouvelle peut se pré-
senter sous les formes planes ou contour-
nées; elle se compose, d'abord, d'une âme
métallique formée d'un treillis de fil de fer
à larges mailles que l'on plonge dans une
pâte légèrement fluide qui remplit les mail-
les. Cette plaque est enduite, au pinceau,
de nouvelle pâte, pour former une surface
bien plane : elle est ainsi portée au four et
cuite en blanc. En cet état, elle est apte à
recevoir une décoration vitrifiable qu'une
seconde cuisson fixera.

La pâte employée est à base de silice ; la
silice, à la haute température de la cuisson,
forme avec la couche de fer à laquelle elle
adhère un silicate de fer fusible qui enve-
loppe entièrement le treillis métallique et
le protège contre toute action chimique ul-
térieure. L'ossature de fer fait corps avec la
pâte et lui donne une solidité et une rési-
stance particulières; l'épaisseur peut être
maintenue à un minimum inconnu jus-
qu'ici : le treillis et ses enduits n'ont pas

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