Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (2.Pér. 6.1872)

LES EXPOSITIONS DE LONDRES

i.

Le système d’expositions que l’Angleterre a
adopté dans les dernières années présente, ce
nous semble, une importance qui n’a pas encore
été suffisamment comprise sur le continent. Il
équivaut à la victoire définitive de l’intérêt natio-
nal sur l’égoïsme des collectionneurs, à l’expro-
priation, pour cause d’utilité publique, des trésors
jusqu’ici accaparés par quelques favoris de la
fortune ; il consacre en même temps la théorie
de l’éclectisme, poussée jusqu’à l’indifférentisme,
ainsi que la promiscuité des genres et des styles.
Persuadé que le génie de notre époque est critique
bien plus que créateur, et trop enclin à suivre
le courant, le gouvernement anglais ne s’occupe plus que de rechercher,
de réunir, d’entasser modèles sur modèles. Chaque année les collections
particulières du Pioyaume-Uni sont mises en coupe réglée et défilent tour
à tour devant la population de Londres, soit dans les salons d’hiver de la
Royal Academy, soit dans les salles de prêts de South Kensington. Mais ce
travail n’est rien en comparaison de celui auquel se livre l’administration
pour concentrer à Londres les originaux ou les reproductions des chefs-
d’œuvre de toutes les parties de l’univers, pour y condenser tout ce qui
peut ranimer une tradition éteinte, fortifier un goût naissant, ouvrir des
voies inconnues, pour faire de la métropole du vaste empire britannique
le musée par excellence de tous les pays et de tous les temps, et de
chaque citoyen anglais un abrégé de tous les arts et un homme de tous
les peuples, epitome omnium artium et liomo omnium popnlorum, selon
l’expression de Bossuet. Telle est l’énergie de ses efforts qu’aujourd’hui,