La revue comique (1.1871)

A pEyVLAI N E

rand émoi dans toutes
les grenouillères du
pays en ce moment.

Parmi toutes ces
grenouilles qui coas-
sentactuellement par
tous les racoins de la
France, il en est qui
demandent un empe-
reur.

Il en'est qui deman-
dent un roi.

Il en est qui deman-
dent une république.

La fable nous ap-
prend que les gre-
nouilles sont toujours destinées à être mangées.

Il ne reste plus qu'à chercher définitivement, au moins pro-
visoirement la sauce que l'on préfère.

— Mais nous ne voulons pas être mangées disent quelques
grenouilles.

— Ne sortez pas de la question, leur dit-on de tous les côtés.
Car les bonnes grenouilles finissent toujours par être croquées

bel et bien, qui par les cigognes monarchiques ou impériales,
qui par les grues républicaines ou sociales.

Si parmi les grenouilles certaines échappent par hasard, il
est un inonde de caissiers, de banquiers, de payeurs et d'offi-
ciers comptables qui mangent de bon appétit jusqu'à la der-
nière.

C'est le destin.

D'accord — nous disait l'autre jour une grenouille qui se pro-
menait mélancoliquement rue Royale, au Marais.'en fumant son
cigare, tout bien réfléchi, j'aime mieux un roi, au moins on est

mangé proprement et puis, au moins, on sait à peu près| à qui
l'on a affaire.

Cherchez bien, vous trouverez
tout au plus trois rois, et quatre
si l'on y ajoute pour faire un
compte rond, M. de Tonneins, le
roi d'Araucanie.

Des républiques, vous n'en avez
pas quatre à l'horizon, il en est
par douzaines.

Vous avez la république de
Thiers, qui n'est pas celle de
Jules Favre ;

Celle de Jules Favre, qui n'est
pas celle de Gambetta ;

Celle de Gambetta, qui n'est pas
celle dé Trochu; - Qu'as-tu, nion ami ?

Celle de Trochu, qui n'est pas ~ Ce que >'ai'i0 n'ai rien< 5a ne
celle ,le Faidherbe. va pas' Je suis h^artr'sle-

Vous avez celle de Clémenceau, celle de Razoua, celle de
Mottu, celle de Vésinier, celle de Vermesch, celle de Meurice,
celle de Félix Pyat, etc.

Et toutes ces républiques se détestent tout autant les unes
1rs autres et se feraient tout autant la guerre que les quatre
monarchies, y compris celle de M. de Tonneins.

Décidément il y a trop de républiques, trop d'appétits in-
connus qui ne songent qu'à remplir des panses vides.

Les malheureuses grenouilles n'auraient plus le temps de
respirer.

Et, puisqu'il faut être mangées nous préférons savoir qui nous
mangera, dans de l'argenterie ou même du ruolz, que de cou-
rir le risque d'être mangées salement sur le pouce, par le pre-
mier goujat venu, dont nous n'avons jamais ouï parler.

— Mais malheureuse, songez donc qu'il y a un moyen, celui
de faire toutes les choses vous-même et de vous y appliquer de
votre mieux, afin de ne plus jamais être mangées du tout.

— Bah! bah! nous connaissons tous ces raisonnements-là.
La destinée est la destinée. Les grenouilles sont peut-être
comme ce brave Ugolin, et se mangeraient elles-mêmes plu-
tôt que de n'être mangées par personne. Et la bonne gre-
nouille s'éloigna en levant les épaules.

Pauvres grenouilles, toujours les mêmes depuis le vieil
Esope !