La revue comique (1.1871)

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REVUE COMIQUE

10 décembre 1871.

ASSEMBLÉE NATIONALE

SÉANCE DE RENTRÉE

(Correspondance particulière de la Revue Cmaii/M.)

1 y avait l'unie
lundi à la repri-
se des travaux
législatif». L'in-
discrétion com-
— mise par la Re-
vue comique, en
publiant à l'a-
vance le dis-
cours du Trône

avait enlevé à cette première séance son principal
yitérét. M. Thiers, particulièrement vexé, n'a pas voulu
envoyer son message et en a ajourné la lecture à jeudi,
afin de pouvoir le refaire d'un bout à l'autre.

Pendant ce travail, une garde spéciale veillait autour du
cabinet du Président de la République, pour empêcher
que le secret de son travail no fût révélé a nos lecteurs
avant sa présentation officielle aux membres de l'Assem-
blée.

Les consignes sévères données à ces gardiens extraordi-
naires ont même eu un résultat regrettable. Un jeune
homme qui avait voulu pénétrer dans l'hôtel de la prési-
dence a été tué net. Celui que l'on avait pris pour notre1
reporter n'était hélas! que M. Albert Brun, sous-préfet de
Sedan, venu à Versailles pour demander de l'avancement.

Cet incident faisait l'objet de toutes les conversations
dans la salle des Pas-Perduâ; avant l'ouverture de la séance,
qui commence à U heures précises... et trois quarts.

M. Pouyer-Quertier est au banc des ministres, entouré
d'un certain nombre de députés nui l'interrogent sur le
nombre de bocks qu'il a bus à Berlin avec le prince de
Bismarck. M. Pouyer-Quertier, dont la modestie égale fa
capacité, répond en souriant :

« Tant que, la France n'aura pas role\ é son drapeau, mon
estomac est à son service. »

Un certain tumulte se produit à ce moment dans un coin
de la salle. On remarque surtout l'agitation du colonel Lan-
glois. ordinairement si calme.

Des phrases singulières se détachent au-dessus du bruit:

— .le vous dis que je l'ai vu I

— (Test impossible !

— C'est lui !

— Quel toupet !

Un huissier, chargé d'un mandat impératif, l'ait irruption
dans une des logos réservées au corps diplomatique. Le
bruit s'était répandu que Napoléon III s'était glissé dans
cette loge, et s'y tenait caché. Il n'en avait pas fallu davan-
tage pour raviver toutes les rumeurs répandues depuis
quelques jours sur un projet de coup d'Etat bonapartiste.

En effet, les huissiers trouvent un homme blotti sous la
banquette. Mais ce n'est pas Napoléon III. c'est encore Al-
bert Brun qui, échappé miraculeusement à la mort, esi
venu guetter, de cette place, M. Casimir Perier pour chauf-
fer son avancement.

L'ordre rétabli, la séance est ouverte.

M. Saint-Marc Girardin monte au fauteuil en qualité de
président provisoire.

.1/. le président. — Le premier objet à l'ordre du jour est
la nomination des membres du bureau définitif. (Rumeurs
diverses.) Nous allons procéder d'abord à la nomination du
président.

Voix diverses. — Nommez-moi ! Nommez-moi I
M. Laurier. — Nommons Gambetta !
M. de lasteyrie. — Nommons le duc d'Aumale ! Voilà un
plan !

M. Trochu. — Je demande la parole!

M. Jules Favre. — Hélas ! (L'orateur verse quelques
larmes dans le faux-col de M. Littré qui se secoue mélan-
coliquement.)

.1/. le président. — La Chambre s'est-elle mise d'accord
sur le choix de son président?

De toutes parts, — Moi! moi!

.)/. Belcastel. — Faisons une tombola.

M. Keller. —Va! dirons la jose au zort.

il/. Belmonlet. — Je demande un plébiscite !

,1/. le président. — Que les membres qui voudraient être
chargés de la présidence lèvent la main.

Tout le monde lève la main, à l'exception d'un homme
assez âgé, quoique bien conservé, mais fort enrhumé qui
n'a pas entendu la question et se mouche à tour de narines.

M. le président (l'interpellant). — Vous n'avez pas voté.
M. Grévy !

M. Grévy. — Bonsieur le président, perbettez... je suis
tell (Mu ont enrhubé... (applaudissements).

M. Grévy est proclamé président de l'Assemblée. 11 monte
au bureau et s'exprime en ces termes:

— « Messieurs, je vous reberciè de l'hobbage que vous be
Faites... La parole est à M. Jules Sibon, pour lire le bos-
sage de Monsieur Thiers.

M. B. Sainl-Hilaïre. — A jeudi!

M. le président. — L'Assemblée a entendu. Est-elle dispo-
sée à faire crédit l (Adhésion.)

.1/. le vicomte de Meaux, secrétaire, donne lecture des
pétitions envoyées à la Chambre.

« M. le maréchal Bazaine prie l'Assemblée de recommen-
C r la guerre et de te charger de la défense d'un certain
nombre de places fortes. — Renvoi à M. le ministre de la
guerre.

« M. le comte de Palikao demande le règlement de son
arriéré de traitement. — Même renvoi.

« M. Massenel de Maraneourt, ancien officier de la garde
nationale, demande à être envoyé dans un port de mer. —
Renvoi à M. le ministre de la marine.

« Un grand nombre de préfets et île sous-préfets destitués
après le 4 septembre, prient la Chambre de rétablir lE'm-
pire. — Renvoi à la commission des grâces.

« M. (oigne, avocat, demande une place d'archi-député.
— Ordre du jour.

« Le même M. Gagne, archi-avocat, demande une place
de réfugié polonais — Ordre du jour.

« M. Ra/.oua. ancien colonel, demande à la Chambre de
le rétablir dans son grade et dans ses fonctions de gouver-
neur do l'Ecole militaire. — Renvoi à la commission des
pétitions.

« AI. Gregory Ganesco ancien Valaque, prie la Chambre
de lui accorde)' les fonds nécessaires pour la fondation d'un
nouveau journal. — Renvoi à M. le docteur Blanche.

« M. Edmond Tarbé, ancien volontaire de l'armée de
Bruxelles, demande la médaille militaire. — Renvoi à la
commission des fumistes.