Le rire: journal humoristique: Le rire: journal humoristique (3.1896-1897 (Nr. 105-156))

nos COLLABORATEURS
. Tristan-Bernard, auteur de Ailes! Messieurs...

AU THÉATCRE

Gros succès à l'Odéon cette semaine pour deux œuvres de nos
amis et collaborateurs Tristan Bernard et Auguste Germain. Le
premier a trouvé moyen dans Allez! Messieurs!... de l'aire rire
toute une salle de première (et c'est difficile, savez-vous) par le
seul tour de son esprit et sans recourir à la moindre intrigue ou
au moindre jupon.

L'Étranger, comédie en 4 actes de M. Germain, tout en nous
montrant, selon l'esprit et les habitudes de l'auteur de Famille,
quelques types amusants et gais, nous a révélé une face nouvelle
de son talent plus dramatique et plus touchante. On a donc ri et
pleuré, mais on a par-dessus tout applaudi et quoi qu'en disent
quelques critiques plutôt mûrs qui ne veulent pas abdiquer en
amour, c'est un succès, un vrai succès. Les interprètes en ont
d'ailleurs leur part, notamment MUo Depoix, toujours jolie,
MM. Dieudonné, Siblot, Rousselle, Franck, etc.

Les Folies-Dramatiques ont repris la Timbale d'Argent, l'une
des plus célèbres et des meilleures opérettes parmi les classiques.

Le succès en a été vif, d'abord pour la musique si gaie de Léon
VasseUr, ensuite pour les interprètes, particulièrement Mme Pierny
dont la voix et le travesti sont aussi opulents l'un que l'autre, et
M11^ Blanche-Marie, une vraie Molda de Nuremberg, jolie à voir,
agréable à entendre et dont la rentrée au théâtre sera vivement
appréciée.

Le Guignol a donné sa revue annuelle!... Mais vous ne con-
naissez pas sans doute le Guignol. C'est une société, extrême-

ment choisie, de comédiens des principaux théâtres parisiens.
Ces comédiens qui ne tiennent pas à laisser dévoiler leur inco-
gnito; ils se réunissent dans un restaurant qu'ils aiment mieux
ne pas laisser connaître. A la lin du repas annuel, une revue
est lue, pour laquelle bien des gens paieraient très cher leuia
places, mais il n'y a pas de place à vendre.

La présidence d'honneur de ce Guignol est offerte à une femme,
et cette année ce fut la ravissante Poupée, Mariette Sully.

Nous avons la bonne fortune de publier un ou deux extraits de
l'amusante revue du Guignol, écrite par notre collaborateur
Colias et Zalbert, deux pseudonymes que nous ne chercherons
pas à dévoiler, tout au moins aujourd'hui.

COOPER. — LA FÉE ROUJONNE

La fée lui désignant à droite second plan un trou béant dissi-
mulé par des orties. Descends aux Catacombes et tu sauras tout.

les catacombes

Caveau souterrain où sont rangés les tombeaux des anciens di-
recteurs de l'Odéon. Mausolées par ci, mausolées par là. Antoine
entre gravement par le fond et s'adresse au mausolée de droite
qu'on remarque être un des plus beaux. Cooper est caché derrière
un monceau de crânes, il écoute.

antoine monologue.
Marck et Desbeaux, pardon ! ces voûtes solitaires
Ne devraient répéter que paroles austères.
Or moi, tu sais, je parle un peu grossièrement
El mes propos feront rougir ton monument!
Marck et Desbeaux sont là. Marck ! ô. sépulcre sombre
Peux-tu sans éclater contenir sa grosse ombre?
Ce sépulcre est petit, cela me rend songeur;
Marck s'y peut-il coucher de toute sa largeur?
Ah ! ce fut un spectacle à dégoûter les foules
Que l'Odéon géré par ces deux vastes moules !
Un édifice avec deux hommes au sommet
Deux chefs élus recommandés par Larroumet...
Puis, plus rien ! du néant ! du chaos ! de l'informe!
Toute chose hésitante à revêtir sa forme !
i » gâchis ! deux Olivarès... pas un César !
Lintilhac! du hasard corrigeant du hasard!
Puis j'arrive : clarté, décision, lumière...
Tout effet revenant à sa cause première,
Renvois... dédits, congés, coups de pied, coups de poing,
Plaintes partant d'en bas et que je n'entends point...
Le personnel baisant ma pantoufle écarlate...
De là vient l'équilibre et toujours l'ordre éclate !
Et le vieux Luxembourg contemple, anéanti,
Ces deux moitiés de Dieu : Antoine et Ginisty !
Puis le complot tramé par Ginisty-cloporte...
Beaux-Arts ! Roujon ! Rambaud ! on me fout à la porte?
Je tombe sur le sol de toute ma hauteur
Et le seul Bergerat m'a connu directeur.
Oh! directeur! Avoir été directeur! Rage!
Ne plus l'être et sentir son cœur plein de courage !
Qu'ils sont heureux, tous ceux qui hantent ces tombeaux
La Rounat et Porel, puis Marck avec Desbeaux.
Car en une ils avaient fondu leurs deux carrières
Sur un même fauteuil asseyaient deux derrières,
Et dans le chaste accord d'un artistique hymen
Faisaient la mise en scène en se donnant la main.
Ils furent directeurs longtemps, ô joie immense 1
Directeur! directeur! Etre ce qui commence!
D'une foule de gens l'un sur l'autre étagés
Être la clef de voûte et voir sous soi rangés
Secrétaires, caissiers, sous-directeurs, maroufles,
Et sur leur tête infâme essuyer ses pantoufles.
Voir au-dessous de ces gens-là, les inspecteurs,
Les Rubé, les Jambon, l'orchestre, les acteurs,
Puis régisseurs, souffleurs, puis les gens des contrôles,
Puis vendeurs de programmes et copistes de rôles,
Puis habilleurs, pompiers, puis ceux de moindres rangs
Les comparses, les concierges, les figurants,
Puis tous les balayeurs et, sous les machinistes,
En bas et tout à fait dans l'ombre : les artistes 1