"VIIvLÉOIA.TUR.ES
Ils sont bien gentils, nos provinciaux, mais vraiment parfois
bien rasants, surtout lorsqu'ils habitent dans l'Est et sont doués
d'un excessif patriotisme. Je viens, un mois durant, d'en faire la
lugubre expérience.
Le hasard de mes voyages m'avait, il y a de cela quelques
années, fait faire la connaissance d'une grande famille de l'Est.
Le père, un grand vieillard aux allures militaires, devait sa
réputation d'officier émérite et d'excellent aéronaute à un mot
prononcé par lui lors d'une ascension périlleuse qu'il avait
dirigée en 1870. Au moment où le ballon passait au-dessus des
lignes ennemies, il avait saisi le bras de son compagnon qui
voulait jeter du lest et désignant la frontière d'un geste large :
— Il ne faut pas, avait-il dit, nous dégarnir de l'Est !
Cette noble attitude avait suffi à établir sa réputation.
Ce vieillard et ses nombreux fils m'avaient fait un excellent
accueil /ors de ma première visite; toutefois, ingratitude ou
oubli, je ne pensais plus à eux lorsqu'il y a un mois ils m'écri-
virent. Élégante à demi, mais concise en la forme, la lettre me
rappelait nos anciennes relations et m'invitait avec insistance à
venir passer quelque temps à la campagne.
L'invitation était trop pressante pour qu'il me fût possible de
la décliner. J'empilai au hasard d'une valise quatorze peignes,
une chemise, cent numéros du Rire, les Contes de Pantruchc,
les Mémoires de Silvio Pellico et quelques autres menus objets
de toilette ; je pris moi-même le train à la gare de l'Est et, le soir
même, je sonnais à la porte de mon hôte.
La maison était bien encore telle que je l'avais quittée :
perdue clans un terrain vague, vaste, mais bâtie avec peu de
goût.
Le concierge vint m'ouvrir; sa livrée était ornée de galons et
son air rébarbatif. Il m'apprit que je ne pourrais saluer mon
hôte le soir même.
— Comme qui dirait, me dit-il, qu'il est en train de beugler
après sa tante Abry qu'est mal ficelée.
J'en conclus qu'il y avait quelque querelle de famille sur du
futiles questions d'habillement et je n'insistai pas. Je trouvai du
reste devant la maison les fils de mon hôte qui m'accueillirent
de la plus joviale façon. Ces jeunes gens étaient sans doute issus
dé différents lits, car je remarquai entre eux de grandes inéga-
lités physiques aussi bien que d'éducation.
J'adoptai le même costume de chasse qu'eux et, dès le lende
main matin, nous commençâmes à battre la campagne. Mon
hôte dont l'esprit était certainement hanté par des souvenirs
militaires se livrait quotidiennement aux suppositions les plus
baroques, nous entraînant dans les champs contre d'imaginaires
ennemis et, là, il s'exaltait voyant de la cavalerie à droite, de
l'artillerie à gauche et des espions partout.
Je finis par concevoir des craintes pour sa raison et, malgré
qu'il nous eût dit souvent que nous étions ses enfants et que le
régiment était une grande famille, je partis sans aucun regret
au bout de mes vingt-huit jours.
W. de Pawlowski.
II. — LA DESCENTE
LE LOCATAIRE DU SEPTIEME S'APERÇOIT yu'lL A OUBLIÉ
SON MOUCHOIR.
Dessin de Lebègue.
Ils sont bien gentils, nos provinciaux, mais vraiment parfois
bien rasants, surtout lorsqu'ils habitent dans l'Est et sont doués
d'un excessif patriotisme. Je viens, un mois durant, d'en faire la
lugubre expérience.
Le hasard de mes voyages m'avait, il y a de cela quelques
années, fait faire la connaissance d'une grande famille de l'Est.
Le père, un grand vieillard aux allures militaires, devait sa
réputation d'officier émérite et d'excellent aéronaute à un mot
prononcé par lui lors d'une ascension périlleuse qu'il avait
dirigée en 1870. Au moment où le ballon passait au-dessus des
lignes ennemies, il avait saisi le bras de son compagnon qui
voulait jeter du lest et désignant la frontière d'un geste large :
— Il ne faut pas, avait-il dit, nous dégarnir de l'Est !
Cette noble attitude avait suffi à établir sa réputation.
Ce vieillard et ses nombreux fils m'avaient fait un excellent
accueil /ors de ma première visite; toutefois, ingratitude ou
oubli, je ne pensais plus à eux lorsqu'il y a un mois ils m'écri-
virent. Élégante à demi, mais concise en la forme, la lettre me
rappelait nos anciennes relations et m'invitait avec insistance à
venir passer quelque temps à la campagne.
L'invitation était trop pressante pour qu'il me fût possible de
la décliner. J'empilai au hasard d'une valise quatorze peignes,
une chemise, cent numéros du Rire, les Contes de Pantruchc,
les Mémoires de Silvio Pellico et quelques autres menus objets
de toilette ; je pris moi-même le train à la gare de l'Est et, le soir
même, je sonnais à la porte de mon hôte.
La maison était bien encore telle que je l'avais quittée :
perdue clans un terrain vague, vaste, mais bâtie avec peu de
goût.
Le concierge vint m'ouvrir; sa livrée était ornée de galons et
son air rébarbatif. Il m'apprit que je ne pourrais saluer mon
hôte le soir même.
— Comme qui dirait, me dit-il, qu'il est en train de beugler
après sa tante Abry qu'est mal ficelée.
J'en conclus qu'il y avait quelque querelle de famille sur du
futiles questions d'habillement et je n'insistai pas. Je trouvai du
reste devant la maison les fils de mon hôte qui m'accueillirent
de la plus joviale façon. Ces jeunes gens étaient sans doute issus
dé différents lits, car je remarquai entre eux de grandes inéga-
lités physiques aussi bien que d'éducation.
J'adoptai le même costume de chasse qu'eux et, dès le lende
main matin, nous commençâmes à battre la campagne. Mon
hôte dont l'esprit était certainement hanté par des souvenirs
militaires se livrait quotidiennement aux suppositions les plus
baroques, nous entraînant dans les champs contre d'imaginaires
ennemis et, là, il s'exaltait voyant de la cavalerie à droite, de
l'artillerie à gauche et des espions partout.
Je finis par concevoir des craintes pour sa raison et, malgré
qu'il nous eût dit souvent que nous étions ses enfants et que le
régiment était une grande famille, je partis sans aucun regret
au bout de mes vingt-huit jours.
W. de Pawlowski.
II. — LA DESCENTE
LE LOCATAIRE DU SEPTIEME S'APERÇOIT yu'lL A OUBLIÉ
SON MOUCHOIR.
Dessin de Lebègue.
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
II. - La Descente
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
Le rire: journal humoristique
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Objektbeschreibung
Bildunterschrift: Le locataire du septième s'aperçoit qu'il à oublié son mouchoir.
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1897
Entstehungsdatum (normiert)
1892 - 1902
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
In Copyright (InC) / Urheberrechtsschutz
Creditline
Le rire, 3.1896-1897, No. 152 (2 octobre 1897), S. 5
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg