L'INVALIDE A LA TETE DE BOIS
l'absurde puisque l'usage d'une poche aussi singulièrement placée
resterait à jamais interdit à toute femme qui se respecte.
Puis, familiarisé peu à peu avec cette fente obsédante je l'ai
étudiée de plus près, j'en ai sondé la profondeur, les dimen-
sions, — jamais les mêmes chez deux sujets différents — et je
n'ai pas tardé à acquérir cette déplorable conviction que l'in-
discrète fente ne peut que concréter, pour ainsi dire, le mys-
tère abstrait qui est l'essence même de la Femme.
Donc j'ai découvert cet hiatus à la robe de l'éternel
Féminin, et j'en livre le thème aux méditations de nos
lecteurs.
Signe ethnique ou trait de mœurs, ehi Lo sa?
Telle fente apparaît timide, aux commissures à
peine visibles, telle autre s'écarte, béante, sur les
plis inhermétiques eux-mêmes, des jupons, le tout
simulant les lobes cotylédonés d'un artichaut.
Je m'arrête ; cette image, empruntée à l'horti-
culture potagère, n'est peut-être pas très ga-
lante, mais j'ai eu trop de mal à l'édifier pour
que je songe à lui en substituer une autre.
Je ne vois d'ailleurs aucun moyen de
rendre plus clairement et plus décemment
ma pensée, à moins d'écrire cet article
avec des signes empruntés à l'alphabet
des sourds-muets.
J'y avais pensé en commençant,
mais me voyez-vous traçant sur le
papier, à propos de l'insondable
mystère de cette fente, des mains
farouches, des index comiques
ou impertinents?
Un proverbe français dit
qu'il ne faut jamais mettre
le doigt entre l'arbre et
l'écorce. J'y ai ris-qué le
Avez-vous \ |S p J| \ bec d'une plume, c'est
jamais regar- \ ^| \ bien assez,
dé une femme V JHBI^3 1 BP^ ° ODO° a \ La question est po-
de dos ? - une \ h \ sée en tout cas : que
femme habillée, \ \ \ signifie cette fente?
veux-je dire, autre- \ uV^^ \ La parole est
ment ma question \ \^>L jcftt \ à nos lectrices,
serait dénuée de sens
commun.
Si non, allez faire un
tour sur le boulevard et \ \J^> <*J |V<? MvrJoxok Y
observez-en une vingtaine.
Dès la cinquième ou la
sixième vous serez édifié.
Quand vous aurez fini d'ad-
mirer la cambrure de la taille,
laissez glisser votre regard un
peu plus bas, à l'endroit où se
dessinent les rondeurs chères à
Armand Silvestre, et neuf fois sur
dix vous constaterez comme une
solution de continuité de l'étoffe de la
jupe, une fissure longitudinale, un hia-
tus, une fente enfin qui aura pour pre-
mier effet de vous jeter dans la plus pro-
fonde perplexité.
Que signifie cette fente? A-t-elle un but
occulte ? Est-elle une des misérables nécessi-
tés du costume féminin, une indécence inhé-
rente à la toilette féminine de tous les temps
et de tous les lieux, ou n'est-elle qu'une forme
passagère, un peu risquée, de la mode parisienne ?
Ce qu'il y a de certain, c'est qu'elle existe chez
les femmes de tout rang et de toute condition. Dès
lors elle me paraît devoir être considérée moins comme
une négligence de mise que comme une inéluctable
contingence de la robe féminine.
Et ce qui me confirme dans cette dernière hypothèse,
c'est que certaines femmes ont conscience de l'indiscré-
tion de cette fente maudite, cherchent à la dissimuler en
relevant leur jupe d'une main, — sans se douter que sou-
vent, hélas ! cette manœuvre ne réussit qu'à la faire bâiller da-
vantage.
Les premiers temps je me berçais de la naïve illusion qu'il s'agis-
sait simplement d'une poche... dérobée, mais c'était raisonner par
— Maladroit, vous venez de me trouer ma casquette.
Dessin de Benjamin Iîaeihr.
Jules
l'absurde puisque l'usage d'une poche aussi singulièrement placée
resterait à jamais interdit à toute femme qui se respecte.
Puis, familiarisé peu à peu avec cette fente obsédante je l'ai
étudiée de plus près, j'en ai sondé la profondeur, les dimen-
sions, — jamais les mêmes chez deux sujets différents — et je
n'ai pas tardé à acquérir cette déplorable conviction que l'in-
discrète fente ne peut que concréter, pour ainsi dire, le mys-
tère abstrait qui est l'essence même de la Femme.
Donc j'ai découvert cet hiatus à la robe de l'éternel
Féminin, et j'en livre le thème aux méditations de nos
lecteurs.
Signe ethnique ou trait de mœurs, ehi Lo sa?
Telle fente apparaît timide, aux commissures à
peine visibles, telle autre s'écarte, béante, sur les
plis inhermétiques eux-mêmes, des jupons, le tout
simulant les lobes cotylédonés d'un artichaut.
Je m'arrête ; cette image, empruntée à l'horti-
culture potagère, n'est peut-être pas très ga-
lante, mais j'ai eu trop de mal à l'édifier pour
que je songe à lui en substituer une autre.
Je ne vois d'ailleurs aucun moyen de
rendre plus clairement et plus décemment
ma pensée, à moins d'écrire cet article
avec des signes empruntés à l'alphabet
des sourds-muets.
J'y avais pensé en commençant,
mais me voyez-vous traçant sur le
papier, à propos de l'insondable
mystère de cette fente, des mains
farouches, des index comiques
ou impertinents?
Un proverbe français dit
qu'il ne faut jamais mettre
le doigt entre l'arbre et
l'écorce. J'y ai ris-qué le
Avez-vous \ |S p J| \ bec d'une plume, c'est
jamais regar- \ ^| \ bien assez,
dé une femme V JHBI^3 1 BP^ ° ODO° a \ La question est po-
de dos ? - une \ h \ sée en tout cas : que
femme habillée, \ \ \ signifie cette fente?
veux-je dire, autre- \ uV^^ \ La parole est
ment ma question \ \^>L jcftt \ à nos lectrices,
serait dénuée de sens
commun.
Si non, allez faire un
tour sur le boulevard et \ \J^> <*J |V<? MvrJoxok Y
observez-en une vingtaine.
Dès la cinquième ou la
sixième vous serez édifié.
Quand vous aurez fini d'ad-
mirer la cambrure de la taille,
laissez glisser votre regard un
peu plus bas, à l'endroit où se
dessinent les rondeurs chères à
Armand Silvestre, et neuf fois sur
dix vous constaterez comme une
solution de continuité de l'étoffe de la
jupe, une fissure longitudinale, un hia-
tus, une fente enfin qui aura pour pre-
mier effet de vous jeter dans la plus pro-
fonde perplexité.
Que signifie cette fente? A-t-elle un but
occulte ? Est-elle une des misérables nécessi-
tés du costume féminin, une indécence inhé-
rente à la toilette féminine de tous les temps
et de tous les lieux, ou n'est-elle qu'une forme
passagère, un peu risquée, de la mode parisienne ?
Ce qu'il y a de certain, c'est qu'elle existe chez
les femmes de tout rang et de toute condition. Dès
lors elle me paraît devoir être considérée moins comme
une négligence de mise que comme une inéluctable
contingence de la robe féminine.
Et ce qui me confirme dans cette dernière hypothèse,
c'est que certaines femmes ont conscience de l'indiscré-
tion de cette fente maudite, cherchent à la dissimuler en
relevant leur jupe d'une main, — sans se douter que sou-
vent, hélas ! cette manœuvre ne réussit qu'à la faire bâiller da-
vantage.
Les premiers temps je me berçais de la naïve illusion qu'il s'agis-
sait simplement d'une poche... dérobée, mais c'était raisonner par
— Maladroit, vous venez de me trouer ma casquette.
Dessin de Benjamin Iîaeihr.
Jules
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Le rire: journal humoristique
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum (normiert)
1897 - 1897
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
In Copyright (InC) / Urheberrechtsschutz
Creditline
Le rire, 4.1897-1898, No. 158 (13 Novembre 1897), S. 2
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg