— Eh ben, maintenant,
les garçons, qu'est-ce qu'il
faut vous servir ?
— Maintenant, c'est re-
grettable que vous n'ayez
pas une fille, la mère !
Dessin de C. IIuard. !
v\y>*yy>v hypqq yy)iYTT)q c? Yl Y YD YrptP c Je fis la commande à l'instant et j'eus bientôt la joie de constater
AJAyUA. J\A Ati o o A Ali U At o oa AAvA Aal»o que je médecin avait dit juste. Grâce à son stimulant exemple et au
-- choix judicieux des nourritures, on parvint à décider le sujet à re-
prendre de chaque plat.
Je fus présenté à ces deux messieurs dans un dîner très mondain, Comme on arrivait au dessert, le médecin se leva de table et me
où il avait été beaucoup question de suggestion, de spiritisme et de prit à part : « Vous allez voir une expérience très amusante, Com-
toutes sortes de sciences occultes. mandez une ou deux bouteilles de vieux Pomard. »
L'un de ces messieurs était un médecin. L'autre était un sujet. On apporta du vin à vingt francs la bouteille. Je le goûtai et le
Au fumoir, le médecin s'approcha de moi et me dit, à voix basse : trouvai fort bon.
« Voulez-vous faire une expérience? Pensez que vous invitez mon Le médecin s'en versa un verre, remplit le verre du sujet, et dit
sujet à dîner, demain à sept heures, chez Voisin? » d'une voix impérieuse :
A peine avait-il prononcé ces mots que le sujet, d'un pas saccadé, « Voici du vinaigre. Buvez. »
traversa le salon, et me dit en me regardant fixement : « Vous venez Le sujet avala le contenu du verre et fît une grimace effroyable,
de m'inviter à dîner chez Voisin, demain à sept heures. » On recommença trois ou quatre fois l'expérience, et on obtint
Il loucha d'une façon un peu effrayante et, comme poussé par une chaque fois la même grimace,
force invisible, ajouta : « J'accepte. » « Je lui ferais bien faire l'expérience inverse, dit le médecin. Je
— J'y viendrai, moi aussi, dit le médium, et vous ferai voir des lui offrirais du vinaigre, en lui faisant croire que c'est de l'excellent
choses curieuses. Pomard. Mais je n'ose pas, à cause de son estomac. »
Le lendemain, à sept heures, je fus au rendez-vous où m'atten- On apporta les liqueurs, et le sujet suggestionné parle médecin, eut
daient déjà les deux messieurs spirites. les aberrations d'esprit les plus bizarres. 11 prit du gin pour du cura-
Le sujet était un peu pâle et avait l'air fatigué. çao, de la fine Champagne pour de l'anisette, dukummel pour du ge-
— Son manque d'appétit m'inquiète, me dit le médium. Il est né- nièvre, de la chartreuse verte pour de la chartreuse jaune, et inver-
cessaire qu'il mange beaucoup, car il se fatigue beaucoup. Je vais sèment. Il prit même mon petit verre pour le sien à diverses re-
être obligé de manger un peu plus qu'à l'ordinaire, pour lui donner prises, et en avala le contenu. Puis il affirma qu'une table, deux
l'exemple. tables, trois tables, toutes les tables tournaient et, non seulement
Puis il m'écrivit une liste des mets spéciaux qui, disait-il, favori- les tables, mais toute la salle, la caisse, la caissière et le plafond,
saient le plus le dégagement du fluide, à savoir un homard à l'amé- Quand on sortit, le médecin et son sujet étaient tellement travail-'
ricaine, du filet au madère, des perdreaux truffés, de la salade russe lés par les esprits qu'ils allaient cogner aux murs, d'où d'autres es-
et diverses primeurs. ♦ prits tourmenteurs les renvoyaient obstinément contre les réver-
— Surtout, me dit-il, pas de pommes de terre à l'eau et pas de .bères.
bœuf bouilli. Tristan Bernard.
les garçons, qu'est-ce qu'il
faut vous servir ?
— Maintenant, c'est re-
grettable que vous n'ayez
pas une fille, la mère !
Dessin de C. IIuard. !
v\y>*yy>v hypqq yy)iYTT)q c? Yl Y YD YrptP c Je fis la commande à l'instant et j'eus bientôt la joie de constater
AJAyUA. J\A Ati o o A Ali U At o oa AAvA Aal»o que je médecin avait dit juste. Grâce à son stimulant exemple et au
-- choix judicieux des nourritures, on parvint à décider le sujet à re-
prendre de chaque plat.
Je fus présenté à ces deux messieurs dans un dîner très mondain, Comme on arrivait au dessert, le médecin se leva de table et me
où il avait été beaucoup question de suggestion, de spiritisme et de prit à part : « Vous allez voir une expérience très amusante, Com-
toutes sortes de sciences occultes. mandez une ou deux bouteilles de vieux Pomard. »
L'un de ces messieurs était un médecin. L'autre était un sujet. On apporta du vin à vingt francs la bouteille. Je le goûtai et le
Au fumoir, le médecin s'approcha de moi et me dit, à voix basse : trouvai fort bon.
« Voulez-vous faire une expérience? Pensez que vous invitez mon Le médecin s'en versa un verre, remplit le verre du sujet, et dit
sujet à dîner, demain à sept heures, chez Voisin? » d'une voix impérieuse :
A peine avait-il prononcé ces mots que le sujet, d'un pas saccadé, « Voici du vinaigre. Buvez. »
traversa le salon, et me dit en me regardant fixement : « Vous venez Le sujet avala le contenu du verre et fît une grimace effroyable,
de m'inviter à dîner chez Voisin, demain à sept heures. » On recommença trois ou quatre fois l'expérience, et on obtint
Il loucha d'une façon un peu effrayante et, comme poussé par une chaque fois la même grimace,
force invisible, ajouta : « J'accepte. » « Je lui ferais bien faire l'expérience inverse, dit le médecin. Je
— J'y viendrai, moi aussi, dit le médium, et vous ferai voir des lui offrirais du vinaigre, en lui faisant croire que c'est de l'excellent
choses curieuses. Pomard. Mais je n'ose pas, à cause de son estomac. »
Le lendemain, à sept heures, je fus au rendez-vous où m'atten- On apporta les liqueurs, et le sujet suggestionné parle médecin, eut
daient déjà les deux messieurs spirites. les aberrations d'esprit les plus bizarres. 11 prit du gin pour du cura-
Le sujet était un peu pâle et avait l'air fatigué. çao, de la fine Champagne pour de l'anisette, dukummel pour du ge-
— Son manque d'appétit m'inquiète, me dit le médium. Il est né- nièvre, de la chartreuse verte pour de la chartreuse jaune, et inver-
cessaire qu'il mange beaucoup, car il se fatigue beaucoup. Je vais sèment. Il prit même mon petit verre pour le sien à diverses re-
être obligé de manger un peu plus qu'à l'ordinaire, pour lui donner prises, et en avala le contenu. Puis il affirma qu'une table, deux
l'exemple. tables, trois tables, toutes les tables tournaient et, non seulement
Puis il m'écrivit une liste des mets spéciaux qui, disait-il, favori- les tables, mais toute la salle, la caisse, la caissière et le plafond,
saient le plus le dégagement du fluide, à savoir un homard à l'amé- Quand on sortit, le médecin et son sujet étaient tellement travail-'
ricaine, du filet au madère, des perdreaux truffés, de la salade russe lés par les esprits qu'ils allaient cogner aux murs, d'où d'autres es-
et diverses primeurs. ♦ prits tourmenteurs les renvoyaient obstinément contre les réver-
— Surtout, me dit-il, pas de pommes de terre à l'eau et pas de .bères.
bœuf bouilli. Tristan Bernard.
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Eh ben, maintenant, les garçons, qu'est-ce qu'il faut vous servir?
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
Le rire: journal humoristique
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1898
Entstehungsdatum (normiert)
1893 - 1903
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
In Copyright (InC) / Urheberrechtsschutz
Creditline
Le rire, 4.1897-1898, No. 167 (15 Janvier 1898), S. 2
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg