QUI NË VEUT PAS VOIR DOUBLE °n êut l^ée d*accouPîe^ les Uts> les paquetages, les tables. On em-
prunta la cruche, le balai, la boîte à ordures de la chambrée voi-
-- sine, et, symétriquement, on les disposa à côté de nos propres us-
tensiles. Enfin, on lui mit sous le nez deux brosses, puis deux pa-
Invariablement, chaque fois qu'il rentrait de permission, notre tiences, puis divers autres objets, toujours classés par paires, et,
homme était ivre. comme d'habitude, on lui demande:
Et, non moins invariablement, était jouée dans la chambrée la — Ça failli' un?... ou bien ça fait-i' deux?
même comédie. Un peu par ébriété, un peu par habitude, il hurla tout de suite
Car s'il admettait bien, — et même non sans orgueil, — qu'il pût que ça ne faisait qu'an,
avoir sa cuite, il était un détail sur lequel Marublot ne transigeait pour ie coup> ce fut> dang la chambrôe une telle explosion de
jamais: gaieté délirante, que les fusils dansèrent dans les râteliers d'armes.
Il ne pouvait souffrir qu'on le soupçonnât de voir double. Marublot, interloqué et devenu perplexe, comprit sans doute sa
Or, comme il s'obstinait, — tâtonnant dans le vide et maugréant gaffe. Mais il crut de sa dignité d'avoir raison quand même,
contre eux des paroles confuses, — à chercher les objets à côté de \\ soutint donc, envers et contre tous, qu'on ne lui montrait
l'endroit où ils se trouvaient réellement, nous le blaguions sans qu'un objet; qu'il ne voyait qu'une brosse, qu'une patience, qu'un
cesse, paquetage; et... que ceux qui en voyaient deux avaient la berlue.
Et lui, exagérant superbement sa dignité d'ivrogne au milieu du Mais ce ne fut pas tout,
cercle qui le narguait, protestait de toute sa pâteuse énergie contre Exaspéré outre mesure par les rieurSj Marublot> par degr6s> en
nos accusations.
arriva à prétendre justifier les énormités les plus colossales.
-Moi? moi, je vois double ?.. Ben, ma vieille, i faudrait qui Refusant de croire désormais que son caporal eût plus d'un-alon
fass' sal'ment chaud... pour que moi j' voie double !... Quand tu m' u ne recula point deyant une consé e ; rèduisait son& chef
verras voir double, tu pourras dire qu' t'as vu voir double... un qui aux vulgaires proportions d'un soldat de preinière classe,
n'voit jamais double !... Tu sais, tu pourras dir'ça! ~ , . ...,„„,.
, . . , ■ , , . , Son régiment, qui était le 00e, devint le fie : le deuxième G n'étant
Alors, on lui montrait, par exemple, une brosse, et on lui deman- plus> gur ,eg coUets d>habitg efc gur ]es ^ Q imaginaire>
Enfin, poussé à bout, il en vint à soutenir qu'il n'avait qu'une
_ C'est i une brosse... ou deux brosses, que t as devant la g... ? mahlj qu,y n,avait qu,un geu] pie(J_
Après quoi, l'expérience recommençait avec une patience, ungo- Et . que son autre ^ et gon autremain étaient t()ut sim lement
dillot, une boule,... une infinité d'autres objets, sans que, du reste, , un coup qu,on VQulait lui maig . enait F
Néchao.
l'enthousiasme de la chambrée se fatiguât jamais
Alors, c'était chez Marublot une fureur croissante. Refusant de
répondre directement aux questions qui lui étaient posées, il se ré-
pandait en explications entrecoupées d'injures. Jusqu'à ce qu'à la
fin, complètement épuisé, il se décidât à dire pour avoir la paix : P £ IM S £133 S OlV£!OS£IS
— C'est UNE, UNE brosse que j' vois;... UN godillot;.., UNE
boule ! Vous êtes contents, maintenant? Alors, fichez-moi la paix. -
Et digérant sa rage, il sautait dans son lit, et disparaissait sous
sa couverture. 0n s'liabltlie a tout> dit la sagesse des nations. Voyez comme les
' . , „ , . . ,.. . , choses les plus pénibles finissent par passer inaperçues. Si vous
Un soir, pour le lorcer a convenir quand même qu il voyait double, £• , _ • , . , , , , A. , 1, 3
r 1 entoncez la moindre echarde ou la plus petite arête clans votre doigt,
vous souffrez horriblement. Et les poissons, qui ont le corps traversé
de mille arêtes, ne souffrent pas. C'est qu'ils sont habitués.
Elle est jolie, cette femme. Elle ressemble à un pot do Heurs.
Démosthènes, pour acquérir le talent de la parole, se mettait dans
la bouche de petits cailloux. Cela suffisait. Pour rendre X... élo-
Les Cambrioleurs. — Faites excuse, monsieur l'agent,
mais nous sommes chez nous ; c'est nous les nouveaux
propriétaires de la villa...
quent, combien de pierres de taille faudrait-il lui
servir à son déjeuner!
Les Anglais laïques, rencontrés dans les rues de
Londres, par un dimanche matin, portent tous sur
leur figure le regret de ne pas être clergymen.
L'Agent. — Que signifie alors votre présence dans cette armoire?
Le poète Z..., bien que non dédaigneux des choses Les Cambrioleurs. — Dam, c'est tout naturel, puisque noua sommes dans nos meubles,
de la chair, est en ce moment en proie à un amour pla- Dessins <ie g. dei.aw.
prunta la cruche, le balai, la boîte à ordures de la chambrée voi-
-- sine, et, symétriquement, on les disposa à côté de nos propres us-
tensiles. Enfin, on lui mit sous le nez deux brosses, puis deux pa-
Invariablement, chaque fois qu'il rentrait de permission, notre tiences, puis divers autres objets, toujours classés par paires, et,
homme était ivre. comme d'habitude, on lui demande:
Et, non moins invariablement, était jouée dans la chambrée la — Ça failli' un?... ou bien ça fait-i' deux?
même comédie. Un peu par ébriété, un peu par habitude, il hurla tout de suite
Car s'il admettait bien, — et même non sans orgueil, — qu'il pût que ça ne faisait qu'an,
avoir sa cuite, il était un détail sur lequel Marublot ne transigeait pour ie coup> ce fut> dang la chambrôe une telle explosion de
jamais: gaieté délirante, que les fusils dansèrent dans les râteliers d'armes.
Il ne pouvait souffrir qu'on le soupçonnât de voir double. Marublot, interloqué et devenu perplexe, comprit sans doute sa
Or, comme il s'obstinait, — tâtonnant dans le vide et maugréant gaffe. Mais il crut de sa dignité d'avoir raison quand même,
contre eux des paroles confuses, — à chercher les objets à côté de \\ soutint donc, envers et contre tous, qu'on ne lui montrait
l'endroit où ils se trouvaient réellement, nous le blaguions sans qu'un objet; qu'il ne voyait qu'une brosse, qu'une patience, qu'un
cesse, paquetage; et... que ceux qui en voyaient deux avaient la berlue.
Et lui, exagérant superbement sa dignité d'ivrogne au milieu du Mais ce ne fut pas tout,
cercle qui le narguait, protestait de toute sa pâteuse énergie contre Exaspéré outre mesure par les rieurSj Marublot> par degr6s> en
nos accusations.
arriva à prétendre justifier les énormités les plus colossales.
-Moi? moi, je vois double ?.. Ben, ma vieille, i faudrait qui Refusant de croire désormais que son caporal eût plus d'un-alon
fass' sal'ment chaud... pour que moi j' voie double !... Quand tu m' u ne recula point deyant une consé e ; rèduisait son& chef
verras voir double, tu pourras dire qu' t'as vu voir double... un qui aux vulgaires proportions d'un soldat de preinière classe,
n'voit jamais double !... Tu sais, tu pourras dir'ça! ~ , . ...,„„,.
, . . , ■ , , . , Son régiment, qui était le 00e, devint le fie : le deuxième G n'étant
Alors, on lui montrait, par exemple, une brosse, et on lui deman- plus> gur ,eg coUets d>habitg efc gur ]es ^ Q imaginaire>
Enfin, poussé à bout, il en vint à soutenir qu'il n'avait qu'une
_ C'est i une brosse... ou deux brosses, que t as devant la g... ? mahlj qu,y n,avait qu,un geu] pie(J_
Après quoi, l'expérience recommençait avec une patience, ungo- Et . que son autre ^ et gon autremain étaient t()ut sim lement
dillot, une boule,... une infinité d'autres objets, sans que, du reste, , un coup qu,on VQulait lui maig . enait F
Néchao.
l'enthousiasme de la chambrée se fatiguât jamais
Alors, c'était chez Marublot une fureur croissante. Refusant de
répondre directement aux questions qui lui étaient posées, il se ré-
pandait en explications entrecoupées d'injures. Jusqu'à ce qu'à la
fin, complètement épuisé, il se décidât à dire pour avoir la paix : P £ IM S £133 S OlV£!OS£IS
— C'est UNE, UNE brosse que j' vois;... UN godillot;.., UNE
boule ! Vous êtes contents, maintenant? Alors, fichez-moi la paix. -
Et digérant sa rage, il sautait dans son lit, et disparaissait sous
sa couverture. 0n s'liabltlie a tout> dit la sagesse des nations. Voyez comme les
' . , „ , . . ,.. . , choses les plus pénibles finissent par passer inaperçues. Si vous
Un soir, pour le lorcer a convenir quand même qu il voyait double, £• , _ • , . , , , , A. , 1, 3
r 1 entoncez la moindre echarde ou la plus petite arête clans votre doigt,
vous souffrez horriblement. Et les poissons, qui ont le corps traversé
de mille arêtes, ne souffrent pas. C'est qu'ils sont habitués.
Elle est jolie, cette femme. Elle ressemble à un pot do Heurs.
Démosthènes, pour acquérir le talent de la parole, se mettait dans
la bouche de petits cailloux. Cela suffisait. Pour rendre X... élo-
Les Cambrioleurs. — Faites excuse, monsieur l'agent,
mais nous sommes chez nous ; c'est nous les nouveaux
propriétaires de la villa...
quent, combien de pierres de taille faudrait-il lui
servir à son déjeuner!
Les Anglais laïques, rencontrés dans les rues de
Londres, par un dimanche matin, portent tous sur
leur figure le regret de ne pas être clergymen.
L'Agent. — Que signifie alors votre présence dans cette armoire?
Le poète Z..., bien que non dédaigneux des choses Les Cambrioleurs. — Dam, c'est tout naturel, puisque noua sommes dans nos meubles,
de la chair, est en ce moment en proie à un amour pla- Dessins <ie g. dei.aw.
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Les Cambrioleurs
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
Le rire: journal humoristique
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1898
Entstehungsdatum (normiert)
1893 - 1903
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
In Copyright (InC) / Urheberrechtsschutz
Creditline
Le rire, 4.1897-1898, No. 172 (19 Février 1898), S. 3
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg