MîiNtEMPà maisons de banlieue
Dessins de Léonce Bcrret.
Au moment où le train, effrayé par le coup de sifflet du chef de
gare, allait se mettre en marche, un homme maigre, couvert de
sueur, les habits en désordre, se précipita dans mon compartiment
et s'effondra sur la banquette en face de moi.
— Inutile, monsieur, me dit-il en voyant mon regard errer, comme
par hasard, sur le bouton d'alarme, inutile; d'abord, ça ne marche
jamais et, ensuite, le sentiment de crainte que mes allures peuvent
vous inspirer doit faire place en vous à une profonde pitié : je suis
l'homme le plus malheureux du monde; je viens d'apprendre,
ajouta-t-il sinistre, que ma femme me trompe, en ce moment, avec
mon plus vieil ami...
— Mon Dieu, fis-je conciliant, c'est évidemment d'une légèreté
inconcevable, mais enfin...
— Une légèreté 1 Ah! monsieur, on voit.bien que vous en parlez
à votre aise et sans connaître ma femme! Et dire que j'ai passé
trente ans dans le commerce pour avoir enfin cette petite maison
aux environs de Paris, que je l'ai fait bâtir moi-même, calculant
tout à mon usage et à celui de ma femme, dessinant les plans comme
l'eût fait un architecte; mais, monsieur, j'en connais les moindres
matériaux, leur résistance au vent et à la pluie, et tout cela com-
promis aujourd'hui par un vieil ami en qui j'avais la plus entière
confiance et qui n'hésite pas, pour une bêtise, à risquer sa vie et
celle de ma femme.
— 11 faut reconnaître, dis-je, que cela est bien mal d'abuser ainsi
de votre toit et de ruiner votre foyer pour une fantaisie passagère.
— Pour ce qui est du toit, fit mon singulier interlocuteur, il ne
risque rien, le foyer non plus, les malheureux n'iront pas là; mais
c'est le plancher du premier, mon pauvre monsieur, le plancher
des chambres! Quand j'étais là, ma femme et mon ami restaient en
bas, au salon, et, de plus, étaient toujours séparés ; mais, aujour-
d'hui, les pires malheurs sont à craindre ! Au fait, c'est vrai, vous ne
pouvez comprendre; mais, mon pauvre monsieur, sachez-le, ma
femme et mon ami rivalisent d'embonpoint, ensemble ils pèsent
plus de deux cents kilos; mon plancher n'a jamais été fait pour ré-
sister à une telle charge! Une poutre, mon cher monsieur, une
poutre! Dieu veuille que j'arrive à temps pour étayer le premier!
Ah! que n'ai-je- mis notre chambre au rez-de-chaussée! Mais qui
peut tout prévoir en ce monde!
De Pawlowski.
L'HEURE DU FLIRT
Dessin de G. Dklaw.
Dessins de Léonce Bcrret.
Au moment où le train, effrayé par le coup de sifflet du chef de
gare, allait se mettre en marche, un homme maigre, couvert de
sueur, les habits en désordre, se précipita dans mon compartiment
et s'effondra sur la banquette en face de moi.
— Inutile, monsieur, me dit-il en voyant mon regard errer, comme
par hasard, sur le bouton d'alarme, inutile; d'abord, ça ne marche
jamais et, ensuite, le sentiment de crainte que mes allures peuvent
vous inspirer doit faire place en vous à une profonde pitié : je suis
l'homme le plus malheureux du monde; je viens d'apprendre,
ajouta-t-il sinistre, que ma femme me trompe, en ce moment, avec
mon plus vieil ami...
— Mon Dieu, fis-je conciliant, c'est évidemment d'une légèreté
inconcevable, mais enfin...
— Une légèreté 1 Ah! monsieur, on voit.bien que vous en parlez
à votre aise et sans connaître ma femme! Et dire que j'ai passé
trente ans dans le commerce pour avoir enfin cette petite maison
aux environs de Paris, que je l'ai fait bâtir moi-même, calculant
tout à mon usage et à celui de ma femme, dessinant les plans comme
l'eût fait un architecte; mais, monsieur, j'en connais les moindres
matériaux, leur résistance au vent et à la pluie, et tout cela com-
promis aujourd'hui par un vieil ami en qui j'avais la plus entière
confiance et qui n'hésite pas, pour une bêtise, à risquer sa vie et
celle de ma femme.
— 11 faut reconnaître, dis-je, que cela est bien mal d'abuser ainsi
de votre toit et de ruiner votre foyer pour une fantaisie passagère.
— Pour ce qui est du toit, fit mon singulier interlocuteur, il ne
risque rien, le foyer non plus, les malheureux n'iront pas là; mais
c'est le plancher du premier, mon pauvre monsieur, le plancher
des chambres! Quand j'étais là, ma femme et mon ami restaient en
bas, au salon, et, de plus, étaient toujours séparés ; mais, aujour-
d'hui, les pires malheurs sont à craindre ! Au fait, c'est vrai, vous ne
pouvez comprendre; mais, mon pauvre monsieur, sachez-le, ma
femme et mon ami rivalisent d'embonpoint, ensemble ils pèsent
plus de deux cents kilos; mon plancher n'a jamais été fait pour ré-
sister à une telle charge! Une poutre, mon cher monsieur, une
poutre! Dieu veuille que j'arrive à temps pour étayer le premier!
Ah! que n'ai-je- mis notre chambre au rez-de-chaussée! Mais qui
peut tout prévoir en ce monde!
De Pawlowski.
L'HEURE DU FLIRT
Dessin de G. Dklaw.
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Printemps; L'heure du flirt
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
Le rire: journal humoristique
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1898
Entstehungsdatum (normiert)
1893 - 1903
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
In Copyright (InC) / Urheberrechtsschutz
Creditline
Le rire, 4.1897-1898, No. 182 (30 Avril 1898), S. 2
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg