AU SALON
LES BONS MOMENTS
G H E£ LE GOXFFEUR
Touffe vient de pénétrer dans la boutique du perruquier, où,
déjà, dix-sept personnes attendent leur tour.
le patron, avec un culot extraordinaire. — Entrez donc, mon-
sieur, nous n'en avons que pour une seconde.
Touffe, pressé, mais bonne tête tout de même, consent à faire un
poireautage consciencieux.
le patron, aimable. — Que pense monsièur Touffe des graves
événements de la semaine ?...
touffe, désagréable. — Monsieur Touffe s'en tamponne le coquil-
lard, il demande simplement que vous vous grouilliez.
le garçon coiffeur, terminant un premier client. — C'est fini. Le
premier de ces messieurs...
Un individu s'avance qui réclame pour tous soins une coupe de
cheveux, un lavage de tête, une taille de barbe et des frictions
comme s'il en pleuvait.
touffe, au bout d'un quart d'heure. — Grouillez! Grouillez! Bon
Dieu...
le patron, expédiant un troisième client. — Schampoing... fric-
tion... Monsieur a la tète d'un sale...
le client. — Non, merci... Un peu de poudre simplement.
le patron. — Le premier de ces messieurs...
Un sale type s'assied sur le fauteuil et réclame un complet.
touffe, se levant et faisant les cent pas. — Bon sang ! (A part.)
Je ne sais pas ce que tous ces frères-là ont clans la peau... pour vou-
loir se faire couper les douilles tous en même temps!...
le garçon, au bout d'une heure. — Un coup de fer à, la mous-
tache?...
le client. — Oui, très soigné...
touffe, déambulant dans la boutique, tel un lion en cage. — La
rosse !...
le patron, pacifique. — C'est presque à vous, monsieur Touffe !...
touffe, furieux. — Vous, foutez-moi la paix...
Le perruquier a pris le parti de se faire ; six barbes de clients
ont défilé sous les rasoirs vigilants du patron et' du garçon coif-
feur.
le patron, à son patient. — Un peu de vinaigre?...
le patient, s'essugant le museau. — Non... Une légère ondula-
tion à mes boucles, simplement.
touffe, à ne pas prendre avec des pincettes. — Le chameau !
le garçon coiffeur, terminant le seizième client. — Le premier
de ces messieurs !...
le dix-septième client, s'assegant. — Moi, vous allez d'abord me
couper les cheveux à la Bressan t... puis après nous verrons...
touffe, dans les dents. — Quelle bande de muffles !... Dieu me
pardonne, ils le font exprès !
Il s'assied de nouveau et relit fébrilement le « Moniteur des
Coiffeurs » et la « Sentinelle des Perruquiers ».
le garçon coiffeur, après une heure et demie.—Monsieur Touffe,
c'est à vous...
touffe, se levant comme mû par un ressort. — Ah ! non d'un
chien ! ce n'est pas malheureux... {Il s'assied dans le fauteuil.) Une
I. — Devant le « Balzac » de Rodin, simple barbe, et au trot...
Au moment où le rasoir va s'approcher de la barbe de Touffe,
- • un monsieur bien mis pénètre dans la boutique.
...._______________.... . ...... . _ _........... le monsieur, au patron. — Pardon, monsieur,
t^Ê^tt^^^<^^^^m' '> 7T >^-- '-v.'- -■ •■■<ir-T^r^^^**% io suis établi emballeur au 17 bis de la rue des
: -^W-^îS^*"- •+£4i?s&BttÈ)v. *.jJVfsj^**«*i*7 >.-^;îv*'?,^Vw«*s*v£* ■
•:V'-"':Q. '•*-••••/*<;••-.- Cannettes...
i'-îV;vr*^^jî^tj^i^jÊ^L I lk patron. — Parfaitement...
Vf
f /:
le monsieur. — Or, depuis huit jours, ma
femme a abandonné le domicile conjugal avec,
s'il faut en croire la rumeur publique, un garçon
coiffeur...
touffe, au garçon coiffeur qui écoute. — Ra-
sez-moi, bon sang de bois... vous écouterez après...
le monsieur. — Comme je n'ai aucun rensei-
gnement sur le vil séducteur, je fais tout Paris
et j'interroge. {Désignant le garçon coiffeur qui
va commencer araser Touffe dont, entre pa-
renthèses, la figure est pleine de savon.) Monsieur
ne fera aucune difficulté pour me suivre sur le
trottoir et me prouver qu'il n'est, en aucune fa-
çon, l'amant de ma femme...
le garçon coiffeur. — Volontiers !
Il dépose son rasoir et se prépare à lâcher
Touffe.
touffe, la serviette au menton, furieux. —
Vous allez commencer par rester là... Comment,
depuis une heure et demie, je souffre devant
des frisures, je fais le pied de grue devant des
ondulations, des coupes de cheveux Bressant et
JF des coiffures à la Capoul... Est-ce que vous n'au-
„ . . , , pc£v;:;... '^^SSÎÎÎS^S^î riez pas maintenant la prétention de me raser
U. — A la bonne heure! au moins on voit ce que c'est! ^^s3?^-^ avec des cocus?...
Charles Quinel.
Dessins d'Abel Faivre.
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LES BONS MOMENTS
G H E£ LE GOXFFEUR
Touffe vient de pénétrer dans la boutique du perruquier, où,
déjà, dix-sept personnes attendent leur tour.
le patron, avec un culot extraordinaire. — Entrez donc, mon-
sieur, nous n'en avons que pour une seconde.
Touffe, pressé, mais bonne tête tout de même, consent à faire un
poireautage consciencieux.
le patron, aimable. — Que pense monsièur Touffe des graves
événements de la semaine ?...
touffe, désagréable. — Monsieur Touffe s'en tamponne le coquil-
lard, il demande simplement que vous vous grouilliez.
le garçon coiffeur, terminant un premier client. — C'est fini. Le
premier de ces messieurs...
Un individu s'avance qui réclame pour tous soins une coupe de
cheveux, un lavage de tête, une taille de barbe et des frictions
comme s'il en pleuvait.
touffe, au bout d'un quart d'heure. — Grouillez! Grouillez! Bon
Dieu...
le patron, expédiant un troisième client. — Schampoing... fric-
tion... Monsieur a la tète d'un sale...
le client. — Non, merci... Un peu de poudre simplement.
le patron. — Le premier de ces messieurs...
Un sale type s'assied sur le fauteuil et réclame un complet.
touffe, se levant et faisant les cent pas. — Bon sang ! (A part.)
Je ne sais pas ce que tous ces frères-là ont clans la peau... pour vou-
loir se faire couper les douilles tous en même temps!...
le garçon, au bout d'une heure. — Un coup de fer à, la mous-
tache?...
le client. — Oui, très soigné...
touffe, déambulant dans la boutique, tel un lion en cage. — La
rosse !...
le patron, pacifique. — C'est presque à vous, monsieur Touffe !...
touffe, furieux. — Vous, foutez-moi la paix...
Le perruquier a pris le parti de se faire ; six barbes de clients
ont défilé sous les rasoirs vigilants du patron et' du garçon coif-
feur.
le patron, à son patient. — Un peu de vinaigre?...
le patient, s'essugant le museau. — Non... Une légère ondula-
tion à mes boucles, simplement.
touffe, à ne pas prendre avec des pincettes. — Le chameau !
le garçon coiffeur, terminant le seizième client. — Le premier
de ces messieurs !...
le dix-septième client, s'assegant. — Moi, vous allez d'abord me
couper les cheveux à la Bressan t... puis après nous verrons...
touffe, dans les dents. — Quelle bande de muffles !... Dieu me
pardonne, ils le font exprès !
Il s'assied de nouveau et relit fébrilement le « Moniteur des
Coiffeurs » et la « Sentinelle des Perruquiers ».
le garçon coiffeur, après une heure et demie.—Monsieur Touffe,
c'est à vous...
touffe, se levant comme mû par un ressort. — Ah ! non d'un
chien ! ce n'est pas malheureux... {Il s'assied dans le fauteuil.) Une
I. — Devant le « Balzac » de Rodin, simple barbe, et au trot...
Au moment où le rasoir va s'approcher de la barbe de Touffe,
- • un monsieur bien mis pénètre dans la boutique.
...._______________.... . ...... . _ _........... le monsieur, au patron. — Pardon, monsieur,
t^Ê^tt^^^<^^^^m' '> 7T >^-- '-v.'- -■ •■■<ir-T^r^^^**% io suis établi emballeur au 17 bis de la rue des
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femme a abandonné le domicile conjugal avec,
s'il faut en croire la rumeur publique, un garçon
coiffeur...
touffe, au garçon coiffeur qui écoute. — Ra-
sez-moi, bon sang de bois... vous écouterez après...
le monsieur. — Comme je n'ai aucun rensei-
gnement sur le vil séducteur, je fais tout Paris
et j'interroge. {Désignant le garçon coiffeur qui
va commencer araser Touffe dont, entre pa-
renthèses, la figure est pleine de savon.) Monsieur
ne fera aucune difficulté pour me suivre sur le
trottoir et me prouver qu'il n'est, en aucune fa-
çon, l'amant de ma femme...
le garçon coiffeur. — Volontiers !
Il dépose son rasoir et se prépare à lâcher
Touffe.
touffe, la serviette au menton, furieux. —
Vous allez commencer par rester là... Comment,
depuis une heure et demie, je souffre devant
des frisures, je fais le pied de grue devant des
ondulations, des coupes de cheveux Bressant et
JF des coiffures à la Capoul... Est-ce que vous n'au-
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U. — A la bonne heure! au moins on voit ce que c'est! ^^s3?^-^ avec des cocus?...
Charles Quinel.
Dessins d'Abel Faivre.
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Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Au Salon
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
Le rire: journal humoristique
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Objektbeschreibung
Bildunterschrift: I. - Devant le "Balzac" de Rodin. II. - A la bonne heure! au moins on voit ce que c'est!
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1898
Entstehungsdatum (normiert)
1893 - 1903
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
In Copyright (InC) / Urheberrechtsschutz
Creditline
Le rire, 4.1897-1898, No. 186 (28 Mai 1898), S. 3
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg