LES RESPONSABILITÉS
Sagasta. — Malheur! Ce Colomb est cause de tout avec sa satanée
découverte. (Kikeriki, A'ienne.)
CONSIDÉRATIONS TOUCHANT L'ÉTYMOLOGIE DE :
(( FAIRE SA POIRE »
Lorsque Adam eut achevé de relire dans la pancarte apposée par les soins de
l'Eternel — (Paradis terrestre —Promenades et squares — Règlement intérieur)
— les prescriptions relatives au fameux pommier du bien et du mal, il resta
un instant songeur, regardant l'arbre défendu dont les fruils éclatants, épanouis
à portée de la main, semblaient, si j'ose dire, se payer sa tête; puis il s'écria :
« Non, ce que ces pommes font leurs poires ! »
Tel est le premier exemple de l'emploi du mot poire dans le sens que le
Rire nous invite à considérer. Le fait est là, déconcertant pour les philologues,
irritant au plus haut point pour les lexicographes. Comment l'expliquer? Il va
place pour diverses hypothèses :
Notre premier père voulait-il insinuer que ces pommes infatuées, oublieuses
de leur vulgarité native, prenaient des allures de Duchesses (espèce de poire
très connue) ?
Confondait-il dans un égal mépris ces deux espèces végétales en somme voi-
sines? — (Il faut en effet remarquer que, malgré la dissemblance des formes,
les poires sont, avec les pommes, les oranges et les ouvreuses de théâtres, les
seuls fruits qui renferment des pépins.)
Accusait-il au contraire les pommes — branche cadette usurpant les droits
de la branche aînée —d'aspirer à un rang où leur naissance ne les destinait pas
et de se donner des airs de ressembler — déjà! — à Louis-Philippe, cet autre
usurpateur ?
Avait-il tout simplement fêlé ce jour-là quelque anniversaire par une trop
copieuse consommation de son fruit favori, et parlait-il tout bonnement « après
poire » ?
Nous avons cependant peine à accepter une explication aussi fantaisiste. Il ne
faut pas oublier qu'Adam fut un linguiste consommé, en somme le véritable
créateur de toutes les langues; d ailleurs, aussi lettré qu'il était possible de
l'être à son époque : souvenons-nous qu'à défaut d'Ecole Polytechnique ou
Normale, il sortit le premier du Paradis terrestre, seul établissement clas-
sique qui existât de son temps.
Tout nous porte donc à croire que l'expression o faire sa poire » ne fut pas
employée par lui sans raison. Il nous apparaît comme certain que si Adam
choisit ce fruit pour symbole de l'orgueil et de la grande pose, c'est qu'il avait
dès longtemps étudié les mœurs de l'arbre qui le produit et qu'il en était arrivé
Cavaignac. — Je t'ordonne de penser et de dire que cela ne sent plus.
(Humoristiehe Blatter, Berlin.)
Le journal qui a publié celte caricature manquant autant de goût que de courtoisie,
et que nous reproduisons seulement à titre de document, a été justement interdit ea
France.
à cette constatation : « S'il y a arbre qui fait sa poire, c'est évidemment le
poirier ! »
Le poirier, en effet, est naturellement ambitieux; il a toujours cherché à
s'élever au-dessus de sa condition et à jouer un rôle dans l'histoire naturelle.
Lorsque Darwin eut imposé à toutes les espèces d'êtres créés d'avoir à se
transformer en des espèces supérieures, ces tendances vaniteuses persistèrent
dans la descendance sélectionnée du poirier. Elles s'exagérèrent à mesure que,
de transformation en transformation, les produits du simple végétal arrivaient
jusqu'à la forme humaine. La célèbre comédie d'Augier : « Le gendre de
M. Poirier » en est le meilleur témoignage.
Mais par un juste retour des choses d'ici-bas, à côté de certains descendants
do cette race antique, arrivés au faîte dos grandeurs — (tels notre illustre
Caran d'Achc, dont le véritable nom est Poiré) — subsistent des dérivés abâ-
tardis do la même souche, tombés par modifications successives, eux aussi, à
une pitoyable déchéanco
En effet, comme le lion donne naissance au lionceau, le ver au vermisseau,
la tourte au tourteau, c'est évidemment de la poire que par dégénérescence est
sorti le poireau.
Telle est l'explication scientifique, philologique, historique, psychologique et
naturelle de l'expression ce faire sa poire ».
Signalons cependant, quoique nous no l'adoptions pas, l'étymologio élégante
cl logique en somme, imaginée par Burnouf et adoptée par le Dr Wollf,
Schlchmann et Cavaleasclli. Ces éminents esprits font sortir « poire » de
« Jupiter » par allitération du J, écrasement de Vu, arrondissement de Vi en o
et chute du t, ce qui donne : poer.
Or, poer est précisément l'orthographe nouvelle proposée pour poire par
MM. Gréard et Francisque Sarccy.
(509-12).
Demander partout, la semaine prochaine, notre numéro
exceptionnel de vingt-quatre pages.
LE " RIRE » EN VILLÉGIATURE
Ce numéro dont le prix sera de 30 centimes, contiendra
une magnifique page quadruple en couleurs, de C. Léandre,
et quantité de dessins et fantaisies des meilleurs humoristes
de ce temps.
Sagasta. — Malheur! Ce Colomb est cause de tout avec sa satanée
découverte. (Kikeriki, A'ienne.)
CONSIDÉRATIONS TOUCHANT L'ÉTYMOLOGIE DE :
(( FAIRE SA POIRE »
Lorsque Adam eut achevé de relire dans la pancarte apposée par les soins de
l'Eternel — (Paradis terrestre —Promenades et squares — Règlement intérieur)
— les prescriptions relatives au fameux pommier du bien et du mal, il resta
un instant songeur, regardant l'arbre défendu dont les fruils éclatants, épanouis
à portée de la main, semblaient, si j'ose dire, se payer sa tête; puis il s'écria :
« Non, ce que ces pommes font leurs poires ! »
Tel est le premier exemple de l'emploi du mot poire dans le sens que le
Rire nous invite à considérer. Le fait est là, déconcertant pour les philologues,
irritant au plus haut point pour les lexicographes. Comment l'expliquer? Il va
place pour diverses hypothèses :
Notre premier père voulait-il insinuer que ces pommes infatuées, oublieuses
de leur vulgarité native, prenaient des allures de Duchesses (espèce de poire
très connue) ?
Confondait-il dans un égal mépris ces deux espèces végétales en somme voi-
sines? — (Il faut en effet remarquer que, malgré la dissemblance des formes,
les poires sont, avec les pommes, les oranges et les ouvreuses de théâtres, les
seuls fruits qui renferment des pépins.)
Accusait-il au contraire les pommes — branche cadette usurpant les droits
de la branche aînée —d'aspirer à un rang où leur naissance ne les destinait pas
et de se donner des airs de ressembler — déjà! — à Louis-Philippe, cet autre
usurpateur ?
Avait-il tout simplement fêlé ce jour-là quelque anniversaire par une trop
copieuse consommation de son fruit favori, et parlait-il tout bonnement « après
poire » ?
Nous avons cependant peine à accepter une explication aussi fantaisiste. Il ne
faut pas oublier qu'Adam fut un linguiste consommé, en somme le véritable
créateur de toutes les langues; d ailleurs, aussi lettré qu'il était possible de
l'être à son époque : souvenons-nous qu'à défaut d'Ecole Polytechnique ou
Normale, il sortit le premier du Paradis terrestre, seul établissement clas-
sique qui existât de son temps.
Tout nous porte donc à croire que l'expression o faire sa poire » ne fut pas
employée par lui sans raison. Il nous apparaît comme certain que si Adam
choisit ce fruit pour symbole de l'orgueil et de la grande pose, c'est qu'il avait
dès longtemps étudié les mœurs de l'arbre qui le produit et qu'il en était arrivé
Cavaignac. — Je t'ordonne de penser et de dire que cela ne sent plus.
(Humoristiehe Blatter, Berlin.)
Le journal qui a publié celte caricature manquant autant de goût que de courtoisie,
et que nous reproduisons seulement à titre de document, a été justement interdit ea
France.
à cette constatation : « S'il y a arbre qui fait sa poire, c'est évidemment le
poirier ! »
Le poirier, en effet, est naturellement ambitieux; il a toujours cherché à
s'élever au-dessus de sa condition et à jouer un rôle dans l'histoire naturelle.
Lorsque Darwin eut imposé à toutes les espèces d'êtres créés d'avoir à se
transformer en des espèces supérieures, ces tendances vaniteuses persistèrent
dans la descendance sélectionnée du poirier. Elles s'exagérèrent à mesure que,
de transformation en transformation, les produits du simple végétal arrivaient
jusqu'à la forme humaine. La célèbre comédie d'Augier : « Le gendre de
M. Poirier » en est le meilleur témoignage.
Mais par un juste retour des choses d'ici-bas, à côté de certains descendants
do cette race antique, arrivés au faîte dos grandeurs — (tels notre illustre
Caran d'Achc, dont le véritable nom est Poiré) — subsistent des dérivés abâ-
tardis do la même souche, tombés par modifications successives, eux aussi, à
une pitoyable déchéanco
En effet, comme le lion donne naissance au lionceau, le ver au vermisseau,
la tourte au tourteau, c'est évidemment de la poire que par dégénérescence est
sorti le poireau.
Telle est l'explication scientifique, philologique, historique, psychologique et
naturelle de l'expression ce faire sa poire ».
Signalons cependant, quoique nous no l'adoptions pas, l'étymologio élégante
cl logique en somme, imaginée par Burnouf et adoptée par le Dr Wollf,
Schlchmann et Cavaleasclli. Ces éminents esprits font sortir « poire » de
« Jupiter » par allitération du J, écrasement de Vu, arrondissement de Vi en o
et chute du t, ce qui donne : poer.
Or, poer est précisément l'orthographe nouvelle proposée pour poire par
MM. Gréard et Francisque Sarccy.
(509-12).
Demander partout, la semaine prochaine, notre numéro
exceptionnel de vingt-quatre pages.
LE " RIRE » EN VILLÉGIATURE
Ce numéro dont le prix sera de 30 centimes, contiendra
une magnifique page quadruple en couleurs, de C. Léandre,
et quantité de dessins et fantaisies des meilleurs humoristes
de ce temps.
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Les Responsabilités; Cavaignac. - Je t'ordonne de penser et de dire que cela ne sent plus
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
Le rire: journal humoristique
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Objektbeschreibung
Bildunterschrift: Sagasta. - Malheur! Ce Colomb est cause de tout avec sa satanée découverte. (Kikeriki, Vienne) Cavaignac. - Je t'ordonne de penser et de dire que cela ne sent plus. (Humoristische Blätter, Berlin)
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Entstehungsdatum
um 1898
Entstehungsdatum (normiert)
1893 - 1903
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
In Copyright (InC) / Urheberrechtsschutz
Creditline
Le rire, 4.1897-1898, No. 195 (30 Juillet 1898), S. 9
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg