UN PEU DE FEU, S. V. P
TROP GÉNÉREUX
Très aimable, ce soir, Générosus déshabillait son âme de bon
apôtre trop gras devant la maigreur de Pauper, ancien camarade
de collège, qu'il venait de rencontrer sur les boulevards :
« Oui, disait Générosus, les affaires sont excellentes; rien que
dans l'exploitation des œufs pourris pour la fabrication des échaudés,
j'ai, l'année dernière, encaissé six cent mille francs, bénéfice net. »
Pauper soupira.
H Et depuis que le bien-être est entré chez moi comme un rayon
de soleil dans la mansarde du pauvre où, jadis, l'on était bien à
vingt ans, j'ai pris en profond dégoût les plaisirs physiques : Je ne
vais plus au théâtre, le concert lui-même m'horripiie, ce qui n'est
pas peu dire... Je me renferme dans les plaisirs moraux. Faire le
bien, voilà ma devise; comme saint Martin, donner la moitié de son
manteau, quelle jouissance; donner, donner encore, quel délice.
Crois-moi, Pauper, le plaisir physique n'est qu'un ballon captif; le
plaisir moral est l'aérostat libre dans l'espace, il plane sur toute
joie... Donne, sois bon. »
VENTRE
— Je ne possède rien.
— Pauvre garçon, tu n'as pour toi que les plaisirs physiques.
Pauper pensa : « Même pas ». Et s'adressant à Générosus qui lui
tendait la main, en signe d'adieu : ,
« Pourrais-tu me prêter cinq centimes pour acheter un petit
pain... Je n'ai pas déjeuné ce matin. »
— Mais comment donc!
Générosus se tata, fouilla dans toutes ses poches et finit par
aveindre son portefeuille bourré de billets de banque.
Ce voyant, Pauper suffoqua.
Générosus remit ses billets en bonne place : « C'est navrant,
dit-il, je n'ai pas de monnaie... J'ai bien une pièce de dix centimes...
où diable pourrais-je trouver la monnaie de ces deux sous?... Une
idée... attends-moi. »
Générosus fit l'emplette d'un journal, et remettant cinq centimes
dans la main de Pauper : « Voici, mon ami. Enchanté de te rendre
service. »
Pauper resta figé sur place, interdit, stupéfait, surtout lorsqu'il
entendit Générosus murmurer, heureux de soi : « Oh! le plaisir
moral ! »
Georges Brandimbourg.
A TERRE
Dessins de L. Métivet
TROP GÉNÉREUX
Très aimable, ce soir, Générosus déshabillait son âme de bon
apôtre trop gras devant la maigreur de Pauper, ancien camarade
de collège, qu'il venait de rencontrer sur les boulevards :
« Oui, disait Générosus, les affaires sont excellentes; rien que
dans l'exploitation des œufs pourris pour la fabrication des échaudés,
j'ai, l'année dernière, encaissé six cent mille francs, bénéfice net. »
Pauper soupira.
H Et depuis que le bien-être est entré chez moi comme un rayon
de soleil dans la mansarde du pauvre où, jadis, l'on était bien à
vingt ans, j'ai pris en profond dégoût les plaisirs physiques : Je ne
vais plus au théâtre, le concert lui-même m'horripiie, ce qui n'est
pas peu dire... Je me renferme dans les plaisirs moraux. Faire le
bien, voilà ma devise; comme saint Martin, donner la moitié de son
manteau, quelle jouissance; donner, donner encore, quel délice.
Crois-moi, Pauper, le plaisir physique n'est qu'un ballon captif; le
plaisir moral est l'aérostat libre dans l'espace, il plane sur toute
joie... Donne, sois bon. »
VENTRE
— Je ne possède rien.
— Pauvre garçon, tu n'as pour toi que les plaisirs physiques.
Pauper pensa : « Même pas ». Et s'adressant à Générosus qui lui
tendait la main, en signe d'adieu : ,
« Pourrais-tu me prêter cinq centimes pour acheter un petit
pain... Je n'ai pas déjeuné ce matin. »
— Mais comment donc!
Générosus se tata, fouilla dans toutes ses poches et finit par
aveindre son portefeuille bourré de billets de banque.
Ce voyant, Pauper suffoqua.
Générosus remit ses billets en bonne place : « C'est navrant,
dit-il, je n'ai pas de monnaie... J'ai bien une pièce de dix centimes...
où diable pourrais-je trouver la monnaie de ces deux sous?... Une
idée... attends-moi. »
Générosus fit l'emplette d'un journal, et remettant cinq centimes
dans la main de Pauper : « Voici, mon ami. Enchanté de te rendre
service. »
Pauper resta figé sur place, interdit, stupéfait, surtout lorsqu'il
entendit Générosus murmurer, heureux de soi : « Oh! le plaisir
moral ! »
Georges Brandimbourg.
A TERRE
Dessins de L. Métivet
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Un peu de feu, S. V. P.; Ventre à terre
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
Le rire: journal humoristique
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1898
Entstehungsdatum (normiert)
1893 - 1903
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Public Domain Mark 1.0
Creditline
Le rire, 4.1897-1898, No. 197 (13 Août 1898), S. 2
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg