Le rire: journal humoristique (5.1898-1899 (Nr. 209-260))

LA LYRE EN FER BATTU

LE RECORD DU RUBAN

Le comédien le plus décoré
du monde entier est M. Frédé-
ric Febvre, ex-vice-doycn de la
Comédie-Française.

(Les Journaux.)

Monsieur Febvre (tel on le nomme)

Dont Frédéric est le prénom
Est, paraît-il, en France, l'homme
Décoré le plus en renom.

Dos pieds jusques à la ceinture
Et du ventre au dernier cheveu,

11 a des croix pour armature
Et des rubans tant qu’on en veut.

Quand il va (sans fausse critique),

L’air noble, digne et martial,

On croit voir passer la boutique
Du marchand du Palais-Royal.

Il a tout ! C’est simple et lucide
Inutile do s’effarer.

Seul, un merveilleux coricido
Pourrait encor le décorer.

Le reste, il l’a. Fût-il bizarre,

L’ordre suffit à son bonheur;

Il a le Maurice et Lazare,

Il a la Légion d’honneur.

l’amateur. — O h 1 comme vous avez bien
fait !

le monsieur. — N’est-ce pas ?
l’am'ateur. — Oui ! je vous suis bien re-
connaissant, allez! Vous le savez, je déteste
le bruit qui se fait autour de mou nom ! Et
cette malheureuse affaire n’en a déjà que
trop fait!

le monsieur. — Aussi, grâce à mon stra-
tagème, nous serons seuls, bien seuls !
l’amateur. —- Oui ! Seulement...
le monsieur. — Seulement...
l’amateur. — Ne trouvez-vous pas que
c’est peut-être... un peu indélicat, ce que
nous ferons là !
le monsieur. — Comment?
l’amateur. — Oh ! pour le public, je m’en
moque, il peut bien courir à Vincennes, ça
lui fera une promenade ! Mais nos amis, nos
excellents amis ?
le monsieur. — Eh bien?
l’amateur. — Ils vont nous en vouloir à
mort de leur avoir fait faire à l’œil la trotte
de Vincennes.

le monsieur. — Vous croyez?
l’amateur. — Dame ! mettez-vous à leur
place !

le monsieur. — Il est vrai que...
l’amateur. — Aussi, serait-il bon, peut-
être, de les avertir confidentiellement, s’en-
tend, et en leur recommandant le secret le
plus strict.

le monsieur. — Vous avez raison !
l’amateur. — Oh ! cinq ou six au plus !
Les intimes... vous savez ce que je veux
dire... je m’en remets complètement à vous!

le monsieur. — C’est bien ! je cours les
avertir.

l’amateur. -— Mais cinq ou six... pas da-
vantage !

le monsieur. — Entendu !

Et, le lendemain, les journaux annon-
çaient :

« Hier, dix-huit cents personnes assistaient
au duel de M. X..., l’amateur en renom, avec
M. Y..., le professeur bien connu, etc., etc. »
Rodolphe Bringer.

L’Isabelle la Catholique,

Il l’avait étant nourrisson;
L'ordre Léopold de Belgique,
11 le porto à son caleçon.

Or, puisqu’à ces dons encore,

Il en joint d’autres, par ma foi;
Et puisqu’il faut qu’on le décore
Encore ! On croit saisir pour-
quoi.

Ayant épuisé les rubriques,
Le ministre dernièrement
A, des Palmes académiques,
Décoré son appartement.

Théâtre en cinq secs

LE DUEL

L'amateur est dans
son cabinet de travail.
Il écrit. Tout à coup
pénètre un monsieur
correctement vêtu
d’une redingote noire
et portant, un air de
circonstance.

le monsieur. — ...

J’ai fait faire une note
dans les journaux, an-
nonçant que le duel
aurait lieu à Vin-
cennes !

l’amateur. — Bravo! Bonne idée!
le monsieur. — De cette façon, nous évi-
terons la cohue des gens qui n’auraient pas
manqué d’assister à ce duel.

Il a la cravate jolie
Et le crachat du Zanzibar;
La Couronne do l'Italie
Et les Palmes du Malabar.

11 a l’emblème des Cigales;

Il a du roi To/a le stick;

La canne du Prince de Galles
Et la pipe de Mene’lick...

— Eh bien, docteur, il y a-t-il encore de l’espoir?

— Oui. la langue n’est pas mauvaise... Dessin de A. Faivre.

Et, comme ultime récom-
pense,

N'ayant plus de gages fiat-
fteurs,

Le gouvernement, pour lui,
[pense

Rétablir l’ordre des Fac-
[tcurs...

\

Charles Quinel.

l’amateur. — Eh
bien ?

LE MONSIEUR. — Eli
bien ! ça y est. Tout
çst réglé.

l’amateur. — Al-
lons! ce n’est pas trop
tôt.

le monsieur.— Oui!
vous vous battez de-
main, à l’épée, au
champ de courses de
Saim-Ouen !

l’amateur. — Ouf!

le monsieur. — Seu-
lement, comme on a
déjà trop parlé de cette
affaire, et que je sais
que vous êtes l'en-
nemi de toute publi-
cité...

l’amateur. — Oh !
comme vous me con-
naissez!