Le rire: journal humoristique (5.1898-1899 (Nr. 209-260))

L’AMOUR MUSICIEN

LES FUTURES FEMMES

Il y avait une fois un brave homme qui
ôtait persuadé que les grandes familles sont
bénies de Dieu.

Il gagnait trois francs vingt-cinq centimes
par jour et il se maria.

Il eut quatorze enfants.

Il ne tarda pas à être réduit à la mendicité.

Clopin-clopant, il s’en vint, pour deman-

Dessin de Bertheret.

faisant plus pauvre encore, il prit une grande
résolution.

Il enjamba le parapet.

Il se flanqua à la Seine.

Le corps fit : » Pouf! » en tombant.

L’aveugle l’entendit.

— Horreur ! s’écria-t-il.

Et, comme il avait bon cœur, il se jota à
l'eau pour sauver son confrère.

Il le sauva.

Mais va te faire lanlajre.l Tout le monde sut,
de ce coup, qu’il n’était ni aveugle, ni borgne.

Et, à partir de ce jour, les aumônes tom-
bèrent dans l’escarcelle du pauvre bougre de
père de famille.

Et encore le faux aveugle fut-il tout heu-
reux qu’on ne le mît pas en prison.

Et le pauvre bougre pensait :

— Ah! ah! je savais bien que Dieu bénit
les grandes familles. Et la sagesse des na-
tions a doublement raison puisqu’elle dit
aussi qu’un bienfait n’est jamais perdu.

Le bienfait de l’aveugle n’avait pas été
perdù... pour son voisin, en effet.

Eh bien ! quoi? II s’agit de comprendre et
d’interpréter. R. Bringer.

der l’aumône, tout simplement sur le pont
des Arts.

Mais, à l’entrée du pont, il y avait un aveu-
gle, et c’était dans son escarcelle que tom-
baient toutes les oboles.

Le pauvre bougre de père de famille sou-
pirait, murmurant :

— C’est étonnant qu’on ne me donne rien.
Ma maison n’est pourtant pas au coin du
quai.

Enfin, n’^ pouvant tenir et la mendicité le




!