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Le rire: journal humoristique — 5.1898-1899 (Nr. 209-260)

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https://doi.org/10.11588/diglit.16983#0334

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LES ABUS

GRAMMAIRE

infortuné camarade. A un n.ornent, la brave dame essuya une larme du coin de son mouchoir, et je
l'entendis qui murmurait :

— « Mon pauvre enfant, tu n’y es plus! »

Alors le petit se redressa, et, subitement exaspéré :

— » Je n’y suis plus ! je n’y suis plus ! Mais vous ne voyez donc pas les traits que nous décochons
à des cochons? Mais ici, nous nourrissons des nourrissons et nous poissons des poissons en pliant des
pliants ! Préférez-vous que nous professions des professions, que nous inventions des inventions ou
que nous pensions aux pensions? »

Décidément cet enfant était au-dessus de son âge. Ses parents, justement alarmés, le retirèrent du
collège. Qu’en firent-ils, je n’en sais rien. Ce que je puis dire c’est que je le rencontrai nombre
d’années après. Nous étions devenus tous deux des hommes. Moi j’avais ce bon teint
lleuri, cette bonne figure réjouie que vous me connaissez, et qui annoncent chez moi l’ab-
sence de tout souci appuyée sur le plus profond égoïsme et la plus parfaite inconscience.

Lui, au contraire, il était pâle, hâve, chétif, voûté, minable. Je
causai avec lui un moment. Et comme nous échangions nos sou-
venirs d’enfance, il hocha tristement la tète :

— « Ah ! le bon temps, me dit-il; nous n’avions pas de tour-
ments alors ; nous relations des relations, vous lanciez des lan-
ciers, nous coupions des croupions, nous escortions des « escor-
pions!,» Tandis que maintenant, nous prisons les prisons, nous
mêlons des melons, nous pilons avec des pilons, nous violons
des violons et nous mourons faute de mouron ! »

Je l’avoue à ma honte : je n’eus pas le courage d’en entendre
davantage. Je m’enfuis comme un lâche redoutant pour moi-
même la contagion.

Je n’ai revu mon ami que tout dernièrement. Il était
dans une maison de santé. Plus maigre et plus pitoyable
que jamais, il était occupé, avec d’autres compagnons de
misère, à édifier dans le jardin de l’établissement, de bi-
zarres petites constructions à l’aide de terre et de sable.

Comme j’interrogeais le direc-
teur sur les cas de ces malheureux,
il me répondit de cet air de déta-
chement que donne l’habitude de
côtoyer les pires infortunes!

— « Pauvres gens! Vous voyez
à quoi ils passent leur .temps: ils
bâtissent des bâtisses, mais les
monuments qu’ils édifient vous
édifient. Quant à votre ami, il n’y
a aucun espoir. Depuis qu’il est
ici, il maintient son maintien. »

Et je partis, la mort dans l’âme,
constatant que le directeur était,
lui aussi, une victime de la gram-
maire.

Lord Cheminot.

Ce n’est pas d’aujourd’hui,
hélas! que nous déplorons les
abus de la grammaire. Entre
toutes les branches de l’éduca-
tion primaire que l’on donne à
nos enfants, je n’en connais

pas de plus absurde ni de plus néfaste, ni de plus propre à dé-
former le cerveau de la jeunesse.

Un exemple, un seul, et tous les pères de famille en seront
convaincus.

J’ai connu jadis un brave petit garçon, d’intelligence ouverte
et vive, qui donnait les meilleures espérances. Docile, studieux
et réfléchi, il aurait certainement fait son chemin dans le monde
sans cette maudite grammaire. C’était mon camarade de collège.

Nous avions déjà usé sur les bancs vermoulus une demi-douzaine
de culottes et nous nous apprêtions à en user bien d’autres,
quand survint le fatal accident qui devait nous séparer pour
la- vie. ^

Nous étions arrivés, au cours de nos études, au chapitre des
homonymies. Vous le connaissez, ce chapitre ridicule. Pour vous
prouver que des mots qui s’écrivent de la même façon n’ont pas
le même sens, on vous inculque les idées les plus saugrenues.

Ainsi on vous dit :

— « Les poules du couvent couvent. » — « Les fils démêlent
les fils. » — « Le puits du curé est curé » et autres fadaises du
môme acabit.

Or, mon petit camarade dont l’intelligence était si vive, en fut frappé, au point
que ce fut pour lui une révélation, bientôt une véritable obsession.

Il répétait tout le temps :

— ii Les poules du couvent couvent, les fils démêlent les fils, etc., etc. » Et, sa
jeune imagination travaillant, il voulut multiplier les exemples jusqu’à s’absorber
tout entier dans cet exercice.

11 devint sombre, préoccupé, taciturne. Quand on lui adressait la parole, il vous
regardait d’un air hébété et vous répondait des phrases comme celles-ci :

— -i Nous portions des portions, nous rations des rations, nous opinions contre
nos opinions, il convient qu’ils nous convient », etc., etc.

Jugez de la douloureuse stupeur de ses parents, lorsqu’ils vinrent le voir aux
vacances de Pâques. Comme son père l’interrogeait pour savoir ce qu’il faisait en
classe :

— « Ce que nous faisions?... » lui dit mon petit camarade, comme s’il sortait
d’un rêve, ah ! voilà !...

Et, penchant la tête sur sa poitrine, il récita, tel un phonographe débitant des
paroles scrupuleusement enregistrées :

— « Eh bien, nous nous battons avec des bâtons, nous lions des lions, nous oi-
gnons des oignons, nous jetons des jetons... »

J’étais bien jeune alors, mais je me souviendrai toujours du regard consterné
qu’échangèrent le brave monsieur et la brave dame qui étaient les parents de mon

— Madame, vous n'étiez pas seule en ces lieux ?

— Fi donc, monsieur ! vous me parlez comme à une de vos
d'Opéra.

Dessin de L. Burret.
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Titel

Titel/Objekt
Le rire: journal humoristique
Sachbegriff/Objekttyp
Grafik

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Aufbewahrung/Standort

Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Universitätsbibliothek Heidelberg
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES

Objektbeschreibung

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Bildunterschrift:

Maß-/Formatangaben

Auflage/Druckzustand

Werktitel/Werkverzeichnis

Herstellung/Entstehung

Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Burret, Léonce
Entstehungsdatum (normiert)
1899 - 1899
Entstehungsort (GND)
Paris

Auftrag

Publikation

Fund/Ausgrabung

Provenienz

Restaurierung

Sammlung Eingang

Ausstellung

Bearbeitung/Umgestaltung

Thema/Bildinhalt

Thema/Bildinhalt (GND)
Satirische Zeitschrift
Karikatur

Literaturangabe

Rechte am Objekt

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Künstler/Urheber (GND)
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Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
In Copyright (InC) / Urheberrechtsschutz
Creditline
Le rire, 5.1898-1899, No. 234 (29 Avril 1899), S. 2

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