Tu ne me feras ^as accroire que tu n’attends pas quelqu’un?
Dessin de M. Hadiguet.
LA TUNXQUL GLORIEUSE
J’ai trouvé hier mon ami Karl dans une panne assez universelle.
Plus un meuble dans son appartement, plus un copeck dans sa
poche, plus même à ses lèvres ambrées de nicotine l’habituel voyou-
cratos dont la fumée jadis estompait d'une brume légère ses rêves
entachés de splendeur.
Il avait, le pauvre! vendu jusqu’à son ultime chemise et je le
trouvai pieds nus dans de sordides babouches, le collet de sa vareuse
frileusement relevé autour de son cou maigre et visiblement absorbé
dans la contemplation d’une antique défroque pendue à l’un des
nombreux clous qui tapissaient sa mansarde.
Comme j’avais, au préalable, sérieusement déjeuné, ce spectacle
ne manqua pas de m’attendrir jusqu’aux larmes.
— Eli ! bien, mon pauvre vieux, lis-je, la main tendue, c’est donc
toujours la dédie?
— La dédie? Qui parle de dôche, répondit Karl dans un soubre-
saut de rêveur éveillé? On n’est pas dans la dèclie lorsqu’on possède
encore une semblable relique !
Et du doigt, impérieusement, il désignait la loque susmentionnée
qui me parut être une sorte de tunique sans manches et pourvue
de rares boutons de métal.
— Ah! ceci est une relique, m’exclamai-je, vaguement ironique,
eh ! bien, porte-la cirez Ma Tante, tu gagneras peut-être quelque
chose à la changer de clou...
— Au clou! la tunique de mon grand-oncle Jacques? Tu divagues,
mon ami! Et Karl, d’un geste brusque, décrochant la défroque, la
brandit en vociférant : Le directeur du Musée d’artillerie l’aura
demain s’il y met le prix, mais sache que c’est le dernier vestige
de l’un des plus glorieux débris de la Grande Armée, et remercie
moi de te conter son histoire :
a C’était au lendemain du passage de la Bérésina, mon grand-oncle
Jacques, caporal aux grenadiers de la garde, amputé du bras gauche
par un boulet d’Austerlitz, bivouaquait dans la neige, revêtu de
cette tunique, lorsque vint à passer près de lui le Petit Caporal en
uniforme de capitaine d’artillerie.
— Et vous, mon brave, fit-il, où avez-vous perdu votre bras gau-
che?
— A Austerlitz, mon capitaine, répond tnon grand-oncle sachant
bien, au fond, à qui il s’adressait.
— Vous devez en vouloir furieusement à l’empereur alors, car
sans lui vous n’eussiez jamais vu le feu?
— J’en veux si peu à l’empereur que maintenant encore, sur un
mot de lui, je sacrifierais mon bras droit.
— Oh ! oh ! hasarda Napoléon, d’un air incrédule.
— Vous en doutez? — Et mon grand-oncle, outré d’un tel soupçon,
tira son sabre et se coupa le bras droit.
h Tu sais maintenant pourquoi cette tunique n’a plus de man-
ches. »
Louis Fortoul.
— Mon enfant,ces révolutions no durent jamais que le temps d’un éclair!
— Un éclair au café ou au chocolat, papa?. , Dessin de J. Dépaqvit.
Dessin de M. Hadiguet.
LA TUNXQUL GLORIEUSE
J’ai trouvé hier mon ami Karl dans une panne assez universelle.
Plus un meuble dans son appartement, plus un copeck dans sa
poche, plus même à ses lèvres ambrées de nicotine l’habituel voyou-
cratos dont la fumée jadis estompait d'une brume légère ses rêves
entachés de splendeur.
Il avait, le pauvre! vendu jusqu’à son ultime chemise et je le
trouvai pieds nus dans de sordides babouches, le collet de sa vareuse
frileusement relevé autour de son cou maigre et visiblement absorbé
dans la contemplation d’une antique défroque pendue à l’un des
nombreux clous qui tapissaient sa mansarde.
Comme j’avais, au préalable, sérieusement déjeuné, ce spectacle
ne manqua pas de m’attendrir jusqu’aux larmes.
— Eli ! bien, mon pauvre vieux, lis-je, la main tendue, c’est donc
toujours la dédie?
— La dédie? Qui parle de dôche, répondit Karl dans un soubre-
saut de rêveur éveillé? On n’est pas dans la dèclie lorsqu’on possède
encore une semblable relique !
Et du doigt, impérieusement, il désignait la loque susmentionnée
qui me parut être une sorte de tunique sans manches et pourvue
de rares boutons de métal.
— Ah! ceci est une relique, m’exclamai-je, vaguement ironique,
eh ! bien, porte-la cirez Ma Tante, tu gagneras peut-être quelque
chose à la changer de clou...
— Au clou! la tunique de mon grand-oncle Jacques? Tu divagues,
mon ami! Et Karl, d’un geste brusque, décrochant la défroque, la
brandit en vociférant : Le directeur du Musée d’artillerie l’aura
demain s’il y met le prix, mais sache que c’est le dernier vestige
de l’un des plus glorieux débris de la Grande Armée, et remercie
moi de te conter son histoire :
a C’était au lendemain du passage de la Bérésina, mon grand-oncle
Jacques, caporal aux grenadiers de la garde, amputé du bras gauche
par un boulet d’Austerlitz, bivouaquait dans la neige, revêtu de
cette tunique, lorsque vint à passer près de lui le Petit Caporal en
uniforme de capitaine d’artillerie.
— Et vous, mon brave, fit-il, où avez-vous perdu votre bras gau-
che?
— A Austerlitz, mon capitaine, répond tnon grand-oncle sachant
bien, au fond, à qui il s’adressait.
— Vous devez en vouloir furieusement à l’empereur alors, car
sans lui vous n’eussiez jamais vu le feu?
— J’en veux si peu à l’empereur que maintenant encore, sur un
mot de lui, je sacrifierais mon bras droit.
— Oh ! oh ! hasarda Napoléon, d’un air incrédule.
— Vous en doutez? — Et mon grand-oncle, outré d’un tel soupçon,
tira son sabre et se coupa le bras droit.
h Tu sais maintenant pourquoi cette tunique n’a plus de man-
ches. »
Louis Fortoul.
— Mon enfant,ces révolutions no durent jamais que le temps d’un éclair!
— Un éclair au café ou au chocolat, papa?. , Dessin de J. Dépaqvit.
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Le rire: journal humoristique
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Objektbeschreibung
Bildunterschrift:
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum (normiert)
1899 - 1899
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
In Copyright (InC) / Urheberrechtsschutz
Creditline
Le rire, 5.1898-1899, No. 254 (16 Septembre 1899), S. 8
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg