Cage d’or des ouvreuses
Au théâtre Réjane (qu’on se le dise!) les ouvreuses sont toutes
jeunes et jolies. [Les gazettes.)
... Et au théâtre Willy, elles seront en chaussettes, na!...
sus Iss murs du collège, il faut reconnaître que le mot « baccha-
nale » appliqué à l’époque de la Savelli n'est pas exagéré. On
nous a tracé un.tableau éblouissant de ces fêtes, de ces soupers,
de ces bals officiels, de ces redoutes costumées dans le monde
et Je demi-monde ; on nous a décrit ce tour du lac avec ces demi-
daumonts, ces cavaliers en redingote boutonnée et pantalon gris
perle qui, rangés en bataille, attendaient l’arrivée de la calèche
impériale; cette cour facile,présidée par un souverain conciliant
et bon jusqu’à la faiblesse, pour une souveraine dont tous les
Français étaient amoureux, et entourée d’une si précieuse es-
corte de princesses de féerie, popularisées par le décameron de
Winterhalter.
Il estdefaitque ces gens-là, comme dans la légende du docteur
Ox, ont vécu dans une atmosphère capiteuse qu’il faudrait res-
pirer comme eux pour comprendre leur joie. C’est ainsi qu’un lieu-
tenant des guides, — vous en souvenez-vous, mon général ? —tint
le pari de boire trois bouteilles de vin de Champagne, de faire
trois fois, à cheval, le tour du lac, et de témoigner sa flamme à
trois femmes différentes qui attendaient, prêtes pour le sacrifice.
Le tout en trois heures. Et le pari fut gagné victorieusement,
haut la main.
C est ainsi qu’une très noble dame — vous en souvenez-vous,
comtesse? — se réveillait dans une chambre de la caserne du quai
d’Orsay; et, si je cherchais bien dans mes papiers, je retrouve-
rais certainement une petite pièce que Marcelin m’avait confiée
sur ce sujet piquant poury intercaler des expressions militaires, et
ajouter un tableau exact du réveil au quartier, avec ses sonorités
diverses. Mon pauvre maître a disparu sans que j’aie jamais
trouvé le temps de tenir ma promesse; — ah, la vie! — et c’est
un de mes remords.
Oui, ce fut une bacchanale. Max Maurey a été bien inspiré en
ressuscitant le souvenir de ces heureuses gens :
Que c’est comme un bouquet de fleurs!
Comme chantait Maurel, dansle P'lit Ebéniste. Etc’était bien
comme un bouquet de fleurs, en effet, fleurs d’antan un peu
pâlies, mais exhalant encore un bon parfum d’élégance, de chic
suprême, de crànerie, un parfum bien fiançais qu’on respirait
dans cette avant-scène du tbéàtré Réjane, où Eon retrouvait,
1 autre soir, souriant au souvenir de leurs bonnes folies et du
joyeux passé, ceux qui étaient si fêtards et si vaillants; tandis
que, sur la scène, revenaient, grâce à Mmes Suzanne Avril, Lan-
Dessins d'Albert Guillaume.
telme, Sorbier et Lavigne, celles qui avaient été si jolies et si
aimées !
*
* *
Furent-elles plus jolies sous la jupe à volant que sous la robe
princesse? et les « repentirs » avec « suivez-moi, jeune homme »
étaient-ils plus seyants que le bandeau ondulé d’aujourd’hui?
Qui pourrait le dire, et en quoi consiste exactement la beauté ?
Un imprésario américain lance, en ce moment, une annonce
gigantesque dans les journaux pour chercher Mme Pàris, la plus
splendide femme qui soit au monde, afin de créer le personnage
du mannequin dans la pièce Ne/lée qui va être représentée. La
forme esthétique exigée est tout simplementcelle.de la Vénus
de Médicis. Voici les mesures exigées; écoutez ça, mesdames :
cou, quatorze pouces; buste, trente-six ; taille, trente-deux; han-
che, trente-huit ; mollet, quatorze et demi ; cheville, huit et demi ;
longueur du pied, neuf et demi. (Ne pas comprendre que ce pied
doit avoir neuf pouces !) Ce sont les jurés, heureux gaillards, qui
vérifieront les mesures. « Je prends mesure et je vous épouse »,
disait, jadis, Brasseur, le bottier, dans la Vie Parisienne. Quant
au visage, il doit avoir la beauté d’Hélène, la fascination de
Cléopâtre, la séduction mutine de la du Barry, et les grâces de
Marie-Antoinette. Fichtre! Aux qualités qu’on exige de ce man-
nequin, combien de femmes seront dignes de tenir le rôle? Et,
si elles Eacceptent, combien de jours le tiendront-elles? Il doit
évidemment être très agréable d’avoir dans ses bras la Vénus de
Médicis, Héléne, Cléopâtre, Mme du Barry et Marie-Antoinette,
et de tromper en même temps Jupiter, Ménélas, Antoine,
Louis XV et Louis XVI. les dieux et les rois. Toute la troupe I
Cela rappellera ce mot d’un général bien connu qui, arrivant
au cercle sur le tard, disait à ses camarades, d’un air guilleret ;
— Messieurs, je viens de vous faire tous cocus!
— Comment ça, général?
— Eh bien, j’ai couché avec ma femme!
*
* *
Entendu l’autre soir, à la Renaissance, où un spectateur vitu-
pérait, avec véhémence, contre les grands chapeaux au théâtre :
— Oh! vous, lui dit aigrement sa voisine, vous êtes toujours
contre les femmes.
— Oui, madame... tout contre, riposta le monsieur, en s’incli-
nant. Snob,
Au théâtre Réjane (qu’on se le dise!) les ouvreuses sont toutes
jeunes et jolies. [Les gazettes.)
... Et au théâtre Willy, elles seront en chaussettes, na!...
sus Iss murs du collège, il faut reconnaître que le mot « baccha-
nale » appliqué à l’époque de la Savelli n'est pas exagéré. On
nous a tracé un.tableau éblouissant de ces fêtes, de ces soupers,
de ces bals officiels, de ces redoutes costumées dans le monde
et Je demi-monde ; on nous a décrit ce tour du lac avec ces demi-
daumonts, ces cavaliers en redingote boutonnée et pantalon gris
perle qui, rangés en bataille, attendaient l’arrivée de la calèche
impériale; cette cour facile,présidée par un souverain conciliant
et bon jusqu’à la faiblesse, pour une souveraine dont tous les
Français étaient amoureux, et entourée d’une si précieuse es-
corte de princesses de féerie, popularisées par le décameron de
Winterhalter.
Il estdefaitque ces gens-là, comme dans la légende du docteur
Ox, ont vécu dans une atmosphère capiteuse qu’il faudrait res-
pirer comme eux pour comprendre leur joie. C’est ainsi qu’un lieu-
tenant des guides, — vous en souvenez-vous, mon général ? —tint
le pari de boire trois bouteilles de vin de Champagne, de faire
trois fois, à cheval, le tour du lac, et de témoigner sa flamme à
trois femmes différentes qui attendaient, prêtes pour le sacrifice.
Le tout en trois heures. Et le pari fut gagné victorieusement,
haut la main.
C est ainsi qu’une très noble dame — vous en souvenez-vous,
comtesse? — se réveillait dans une chambre de la caserne du quai
d’Orsay; et, si je cherchais bien dans mes papiers, je retrouve-
rais certainement une petite pièce que Marcelin m’avait confiée
sur ce sujet piquant poury intercaler des expressions militaires, et
ajouter un tableau exact du réveil au quartier, avec ses sonorités
diverses. Mon pauvre maître a disparu sans que j’aie jamais
trouvé le temps de tenir ma promesse; — ah, la vie! — et c’est
un de mes remords.
Oui, ce fut une bacchanale. Max Maurey a été bien inspiré en
ressuscitant le souvenir de ces heureuses gens :
Que c’est comme un bouquet de fleurs!
Comme chantait Maurel, dansle P'lit Ebéniste. Etc’était bien
comme un bouquet de fleurs, en effet, fleurs d’antan un peu
pâlies, mais exhalant encore un bon parfum d’élégance, de chic
suprême, de crànerie, un parfum bien fiançais qu’on respirait
dans cette avant-scène du tbéàtré Réjane, où Eon retrouvait,
1 autre soir, souriant au souvenir de leurs bonnes folies et du
joyeux passé, ceux qui étaient si fêtards et si vaillants; tandis
que, sur la scène, revenaient, grâce à Mmes Suzanne Avril, Lan-
Dessins d'Albert Guillaume.
telme, Sorbier et Lavigne, celles qui avaient été si jolies et si
aimées !
*
* *
Furent-elles plus jolies sous la jupe à volant que sous la robe
princesse? et les « repentirs » avec « suivez-moi, jeune homme »
étaient-ils plus seyants que le bandeau ondulé d’aujourd’hui?
Qui pourrait le dire, et en quoi consiste exactement la beauté ?
Un imprésario américain lance, en ce moment, une annonce
gigantesque dans les journaux pour chercher Mme Pàris, la plus
splendide femme qui soit au monde, afin de créer le personnage
du mannequin dans la pièce Ne/lée qui va être représentée. La
forme esthétique exigée est tout simplementcelle.de la Vénus
de Médicis. Voici les mesures exigées; écoutez ça, mesdames :
cou, quatorze pouces; buste, trente-six ; taille, trente-deux; han-
che, trente-huit ; mollet, quatorze et demi ; cheville, huit et demi ;
longueur du pied, neuf et demi. (Ne pas comprendre que ce pied
doit avoir neuf pouces !) Ce sont les jurés, heureux gaillards, qui
vérifieront les mesures. « Je prends mesure et je vous épouse »,
disait, jadis, Brasseur, le bottier, dans la Vie Parisienne. Quant
au visage, il doit avoir la beauté d’Hélène, la fascination de
Cléopâtre, la séduction mutine de la du Barry, et les grâces de
Marie-Antoinette. Fichtre! Aux qualités qu’on exige de ce man-
nequin, combien de femmes seront dignes de tenir le rôle? Et,
si elles Eacceptent, combien de jours le tiendront-elles? Il doit
évidemment être très agréable d’avoir dans ses bras la Vénus de
Médicis, Héléne, Cléopâtre, Mme du Barry et Marie-Antoinette,
et de tromper en même temps Jupiter, Ménélas, Antoine,
Louis XV et Louis XVI. les dieux et les rois. Toute la troupe I
Cela rappellera ce mot d’un général bien connu qui, arrivant
au cercle sur le tard, disait à ses camarades, d’un air guilleret ;
— Messieurs, je viens de vous faire tous cocus!
— Comment ça, général?
— Eh bien, j’ai couché avec ma femme!
*
* *
Entendu l’autre soir, à la Renaissance, où un spectateur vitu-
pérait, avec véhémence, contre les grands chapeaux au théâtre :
— Oh! vous, lui dit aigrement sa voisine, vous êtes toujours
contre les femmes.
— Oui, madame... tout contre, riposta le monsieur, en s’incli-
nant. Snob,
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Le rire: journal humoristique
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1906
Entstehungsdatum (normiert)
1901 - 1911
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
In Copyright (InC) / Urheberrechtsschutz
Creditline
Le rire, N.S. 1906, No. 204 (29 Décembre 1906), S. 3
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg