lequel.? six canards d'étain escortant une vieille savate. Vous eussiez
juré l'embouteillage de la flotte russe à Port-Arthur. Mais la
maman de Choute ne professe aucun goût pour la stratégie
navale. Elle a impitoyablement séparé la jeune ondine de son
champ d'expérience, en s'écriant:
— Tu t'amuseras là-dessus quand tu seras grande.
Choute ne veut pas attendre si longtemps. Elle fait une scène
à rendre jalouse une victime des concours du Conservatoire, si
bien que la mère ennemie de la navigation prononce :
— 11 y a du monde à dîner, ce soir. Eh ! bien, tu n'auras pas
de meringue.
L'innocente en reste comme assommée. La meringue ! Son
régal favori ! A tel point qu'au dire pittoresque de sa bonne
Catherine, elle en mangerait sur la tête d'un teigneux !
Aussi, quelle mine contrite à l'arrivée des invités dans le
salon ! Le châtiment de Choute leur fournit un sujet de conver-
sation, parce que, n'est-ce pas, on ne peut pas toujours parler
de là température.
— Ah ! ah ! part d'un gros rire bête le colonel Toupy, il paraît,
ma Choute, qu'on est exempte de meringue, ce soir.
La condamnée ne répond rien, mais des idées antimilitaristes
germent dans sa cervelle.
— Mon petit doigt me dit que Choute n'aura pas de meringue,
chevrote avec une fausse bonhomie écœurante la douairière
des Brassières, qui boite sur soixante-seize printemps qui sont
même des printemps en retard.
Cet âge est sans pitié.
A table ! Au beau milieu du couvert, la meringue, trône,
superbe et immaculée comme un Mont Blanc.
— Qu'en dis-tu, Choute ? demande d'un ton narquois la belle
Mme Ravioli.
Cette Ravioli ! Dire qu'après ça, elle va soupirer au piano :
On ne devrait faire aux enfants
Nulle peine, même légère...
Jusqu'à Totor Gallimard qui s'en mêle. Pendant qu'on découpe
le bienheureux gâteau, ce sale gosse ne frotte-t-il pas ses deux
index en croix, en chantonnant d'un air satisfait:
— Choute en aura pas, aura pas, aura pas, pas, pas, pas...
Gourmandes, impatientes, les cuillers s'enfoncent dans la pâte
craquante et la crème onctueuse. Minute de torture pour la
pauvre Choute qui ferme les yeux pour ne pas contempler plus
•èy^AS jffi longtemps le cruel spectacle...
— Au premier de ces messieurs Dessin de a. Le Petit. Soudain, elle les rouvre avec surprise.
Qu'est-ce qu'il y a donc?
Le colonel Toupy est debout, vert comme une absinthe de
général, les yeux agrandis, la voix balbutiante.
LA JMKRINGUE — Madame, excusez-moi, dit-il à la maîtresse de la maison,
__, il faut... absolument... que je sorte...
Et il s'enfuit, tel un ouragan, en comprimant son ventre à
Choute n'a que sept ans, mais elle possède déjà les qualités deux mains, comme s'il redoutait une explosion. Mais ce
d'un grand politique, car elle se plaît aux tripotages. L'autre n'est pas tout. Voilà que la belle Mme Ravioli se lève à son
jour, sa maman l'a trouvée dans- le cabinet de toilette, très occu- tour, ses grands yeux noirs envahis par l'angoisse, et elle
pée a faire flotter dans le bidet familial dûment rempli, cinq ou quitte, elle aussi, la salle à manger avec la rapidité d'une biche
comme un académicien
— Il est vieux, le pauvre coco, vous savez ? Il aura bientôt cent trois ans.
— Ah!... Il est encore assez vert pour son âge ! !...
Dessin de Maiyfreiïini
juré l'embouteillage de la flotte russe à Port-Arthur. Mais la
maman de Choute ne professe aucun goût pour la stratégie
navale. Elle a impitoyablement séparé la jeune ondine de son
champ d'expérience, en s'écriant:
— Tu t'amuseras là-dessus quand tu seras grande.
Choute ne veut pas attendre si longtemps. Elle fait une scène
à rendre jalouse une victime des concours du Conservatoire, si
bien que la mère ennemie de la navigation prononce :
— 11 y a du monde à dîner, ce soir. Eh ! bien, tu n'auras pas
de meringue.
L'innocente en reste comme assommée. La meringue ! Son
régal favori ! A tel point qu'au dire pittoresque de sa bonne
Catherine, elle en mangerait sur la tête d'un teigneux !
Aussi, quelle mine contrite à l'arrivée des invités dans le
salon ! Le châtiment de Choute leur fournit un sujet de conver-
sation, parce que, n'est-ce pas, on ne peut pas toujours parler
de là température.
— Ah ! ah ! part d'un gros rire bête le colonel Toupy, il paraît,
ma Choute, qu'on est exempte de meringue, ce soir.
La condamnée ne répond rien, mais des idées antimilitaristes
germent dans sa cervelle.
— Mon petit doigt me dit que Choute n'aura pas de meringue,
chevrote avec une fausse bonhomie écœurante la douairière
des Brassières, qui boite sur soixante-seize printemps qui sont
même des printemps en retard.
Cet âge est sans pitié.
A table ! Au beau milieu du couvert, la meringue, trône,
superbe et immaculée comme un Mont Blanc.
— Qu'en dis-tu, Choute ? demande d'un ton narquois la belle
Mme Ravioli.
Cette Ravioli ! Dire qu'après ça, elle va soupirer au piano :
On ne devrait faire aux enfants
Nulle peine, même légère...
Jusqu'à Totor Gallimard qui s'en mêle. Pendant qu'on découpe
le bienheureux gâteau, ce sale gosse ne frotte-t-il pas ses deux
index en croix, en chantonnant d'un air satisfait:
— Choute en aura pas, aura pas, aura pas, pas, pas, pas...
Gourmandes, impatientes, les cuillers s'enfoncent dans la pâte
craquante et la crème onctueuse. Minute de torture pour la
pauvre Choute qui ferme les yeux pour ne pas contempler plus
•èy^AS jffi longtemps le cruel spectacle...
— Au premier de ces messieurs Dessin de a. Le Petit. Soudain, elle les rouvre avec surprise.
Qu'est-ce qu'il y a donc?
Le colonel Toupy est debout, vert comme une absinthe de
général, les yeux agrandis, la voix balbutiante.
LA JMKRINGUE — Madame, excusez-moi, dit-il à la maîtresse de la maison,
__, il faut... absolument... que je sorte...
Et il s'enfuit, tel un ouragan, en comprimant son ventre à
Choute n'a que sept ans, mais elle possède déjà les qualités deux mains, comme s'il redoutait une explosion. Mais ce
d'un grand politique, car elle se plaît aux tripotages. L'autre n'est pas tout. Voilà que la belle Mme Ravioli se lève à son
jour, sa maman l'a trouvée dans- le cabinet de toilette, très occu- tour, ses grands yeux noirs envahis par l'angoisse, et elle
pée a faire flotter dans le bidet familial dûment rempli, cinq ou quitte, elle aussi, la salle à manger avec la rapidité d'une biche
comme un académicien
— Il est vieux, le pauvre coco, vous savez ? Il aura bientôt cent trois ans.
— Ah!... Il est encore assez vert pour son âge ! !...
Dessin de Maiyfreiïini
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Le rire: journal humoristique
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1913
Entstehungsdatum (normiert)
1908 - 1918
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Public Domain Mark 1.0
Creditline
Le rire, N.S. 1913, No. 520 (18 Janvier 1913), S. 6
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg