LE RIRE AU THEATRE
Chez Réjane : L Irrégulière.
Molière a écrit Les Fâcheux en quinze jours ; trois semaines
ont suffi à V. Hugo pour élucubrer Le Roi s'amuse... M.Edmond
Sée n'est pas du tout un type dans le genre de ces messieurs :
Au discret auteur de L'indiscret et de VIrrégulière, il faut
régulièrement l'espace de deux lustres pour accoucher de trois
actes ; et, sans qu'il y paraisse, la nouvelle pièce du Théâtre
Réjane est le résultat de dix années d'âpres méditations et de
patient labeur !...
Aussi M. Ed. Sée est-il très sympathique à ses confrères. A
la bonne heure! En voilà un qui n'encombre pas le marché
dramatique ! Us étaient donc venus en foule, pour acclamer
leur intermittent camarade. Malheureusement, ils n'ont pas >
trouvé aussi nombreuses qu'ils les souhaitaient, les occasions de
se pâmer d'extase ou de trépigner d'enthousiasme : le premier
acte est délicieux. Il est regrettable que l'auteur n'ait pas, dix
années encore, gardé son ouvrage dans ses cartons : en suppri-
mant le deux et le trois, et en changeant un tantinet la fin du
dit premier acte, il eut obtenu un charmant lever de rideau. Au Théâtre Michel, Voltaire descend de son fauteuil
<i On ne saurait penser à tout ! » comme disait cet autre confrère... Pour f«ficiter l'ingénu Henry Baur.
M. Edmond Sée a donné bien du souci aux princes de la
critique; car les loups n'ont pas accoutumé de se dévorer entre Théâtre Michel avait mis la main sur la pièce-fétiche. Et si le
eux ; et il estltii-meme chroniqueur théâtral pendant les rares père Michel a perdu Sacha (comme on chantait dans une revue
loisirs que lui laisse son rude métier de dramaturge... de P.-L. Fiers) il a trouvé avec l'Ingénu, deux nouveaux auteurs
Le critique était Sée; et l'arrêt difficile... dignes de ramener la veine.
11 reste à l'auteur' de L Irrégulière comme fiche de consolation Ohé, Milordl... à la Cigale.
cette dédicace d'Oc- Une bonne nouvelle : l'opérette compte un compositeur de
tave Mirbeau : «, A plus : Albert Chantrier. Le pianiste des Capucines possède
l auteur dramati- toutes les rares qualités du genre : l'esprit, le sens parodique,
que que j'aime le l'incohérence raisonnée; et sa partition flonflonnante, capri-
mieux. » cante et cocasse commente un ingénieux et original livret de
C'est une opi- R. Dieudonné, et G. Quillardet.
nion ; et l'écrivain Aux lecteurs du Rire (qui sont aussi ceux de Fantasio), inu-
de Dingo a bien le tile de faire l'éloge de Robert Dieudonné, a la verve abondante,
droit de préférer et caustique... Quant à Gustave Quillardet, il partage avec
Ed. Sée à Shakes- M. de Fouquières l'héritage des dandys. 11 y a du Brummeldans
peare, et Rodin à ce doux rêveur; et nul mieux que lui n'était désigné pour évo-
Miehei-Ange !... qUer les élégances désuètes de l'Empire.
- A l'Opéra.
& . Ti '-" R-ouch^ ^ui n'est pas un ingrat et se souvient de ses
t ^ TU'^vf11]6 aU origines, va monter, afin de donner un parfum de jeunesse au
m m-6 ' i \â réperto;re : la Jolie Parfumeuse, la Reine
M Michel Mor- du cht,pre îe% PanUns de Violette, Giro-
tier {le pere Mor- fiée-Girofla, Rose et Lubin. Il a, en outre,
tier, comme 1 ap- demandé à M. d'Annunzio l'autorisation
pelle couramment d'extraire la quintessence de la Morte Par-
le lout Cabotin- fumée et du Chèvrefeuille, pour deux li-
ville est le doyen vrets iyriqueS.
des humoristes ; et Leg 'décors, commandés en Allemagne,
Rpne. M. Dumeny. 1 on cite de lui des arriveront(par eau) de Cologne,
dans Llrreguhere, mots délicieux:- Déjà le Grand-Théâtre de Lis-
,.. , , Lors d<ls inonda- bonne a échoué dans une sem-
tions de la Seine, son théâtre qu il remettait a neut, se trouva blable tentative • mais nous ver-
enyahi par les eaux; et, de ce fait, la réouverture retardée : rons réaliser en' France ce qui
— (i Me faire ça à moi!... » soupira l'excellent homme. (Car n'était qu'une fiction au Portu-
volontiers il ramène à ses contingences personnelles les plus „]
graves événements.) 6 ' ~—'—-
Certain soir, ayant au contrôle une discussion avec un spec- L'homme savant,
tateur, ce dernier s'écria : — « Je vous enverrai mes témoins !... » Ernest La Jeunesse a fait au
— n Je les placerai ! » répondit Michel Mortier. Théâtre des Arts une éloquente
On le voit. Un peu de l'esprit de Voltaire survit dans Miche! mais agressive conférence sur
Mortier. Aussi a-t-il accueilli avec empressement l'Ingénu, la ^?g^mgS savantes. Il en
pièce que MM. Méré et Gignoux ont tirée du célèbre conte résulte qu'il semble abominer
d'Arouet. ,.,',"'.„ . , ■ , les femmes en général, mais
A 1 encontre de leur illustre modèle les deux dramaturges plus particulièrement lescAaws-
n'auront pas travaillé pour le roi de Prusse : le succès a cou- settes d'azur.
ronné leur tentative hardie; et ils peuvent se féliciter d'avoir Déjà lors du procès
mené à bien tâche aussi délicate. _ Galley-Mérelli, cité com-
Déjà quelques adaptateurs ont voulu s'habiller richement avec me temoin (comme té-
lés laissés-pour-contes du grand railleur; et jadis une moin à décharge) il avait,
espèce d'enflé a commis un Candide en 3 actes et en vers!... en pjejn tribunal ouvert
C'est en solide et souple prose, digne de leur patron que s'ex- son âme à deux battants. Com-
priment, Dieu merci, MM. Charles Méré et Régis Gignoux. me le president lui demandait :
Bien qu'ils soient vêtus sans grande exactitude et sans pitto- (| j;nfin, vous connaissez laMé-
resque, quelle joie de voir en chair et en os M. Hercule Le rejjj E1je est très intelligente :
Huron (Harry Baur y est délicieux) et le sordide jésuite Tout-à- ejje ecr;t ^es romans... » Er-
Tous (le meilleur rôle de Lévèque) et Mme Leblois, si dignement negt de ga voix d'or, rétorqua :
proxénétique avec Mme Juliette d'Harcourt! Guyon fils est un (( c'est une femme qui écrit: ça
père prieur de fine bonhomie; Lebrey a une grandiloquente ne veut pag <jire qu'elle soit
autorité dans l'interrogant bailli; Germaine Reuver, une extra- intelligente! »
vagante et fantasque Mlle de Verkabon; et il faut louer aussi, Parole profonde et singulière-
dans ce spectacle de rare qualité, la galante allure de Rouyer- ment iuste!
de-Saint-Ponange et de la délicieuse Clémence-Ysane-Saint- Ragotin.
Y v 6 s.
Avec Sacha Guitry et son Veilleur de nuit, le directeur du Illustrations de Y. Marevéry.
Chez Réjane : L Irrégulière.
Molière a écrit Les Fâcheux en quinze jours ; trois semaines
ont suffi à V. Hugo pour élucubrer Le Roi s'amuse... M.Edmond
Sée n'est pas du tout un type dans le genre de ces messieurs :
Au discret auteur de L'indiscret et de VIrrégulière, il faut
régulièrement l'espace de deux lustres pour accoucher de trois
actes ; et, sans qu'il y paraisse, la nouvelle pièce du Théâtre
Réjane est le résultat de dix années d'âpres méditations et de
patient labeur !...
Aussi M. Ed. Sée est-il très sympathique à ses confrères. A
la bonne heure! En voilà un qui n'encombre pas le marché
dramatique ! Us étaient donc venus en foule, pour acclamer
leur intermittent camarade. Malheureusement, ils n'ont pas >
trouvé aussi nombreuses qu'ils les souhaitaient, les occasions de
se pâmer d'extase ou de trépigner d'enthousiasme : le premier
acte est délicieux. Il est regrettable que l'auteur n'ait pas, dix
années encore, gardé son ouvrage dans ses cartons : en suppri-
mant le deux et le trois, et en changeant un tantinet la fin du
dit premier acte, il eut obtenu un charmant lever de rideau. Au Théâtre Michel, Voltaire descend de son fauteuil
<i On ne saurait penser à tout ! » comme disait cet autre confrère... Pour f«ficiter l'ingénu Henry Baur.
M. Edmond Sée a donné bien du souci aux princes de la
critique; car les loups n'ont pas accoutumé de se dévorer entre Théâtre Michel avait mis la main sur la pièce-fétiche. Et si le
eux ; et il estltii-meme chroniqueur théâtral pendant les rares père Michel a perdu Sacha (comme on chantait dans une revue
loisirs que lui laisse son rude métier de dramaturge... de P.-L. Fiers) il a trouvé avec l'Ingénu, deux nouveaux auteurs
Le critique était Sée; et l'arrêt difficile... dignes de ramener la veine.
11 reste à l'auteur' de L Irrégulière comme fiche de consolation Ohé, Milordl... à la Cigale.
cette dédicace d'Oc- Une bonne nouvelle : l'opérette compte un compositeur de
tave Mirbeau : «, A plus : Albert Chantrier. Le pianiste des Capucines possède
l auteur dramati- toutes les rares qualités du genre : l'esprit, le sens parodique,
que que j'aime le l'incohérence raisonnée; et sa partition flonflonnante, capri-
mieux. » cante et cocasse commente un ingénieux et original livret de
C'est une opi- R. Dieudonné, et G. Quillardet.
nion ; et l'écrivain Aux lecteurs du Rire (qui sont aussi ceux de Fantasio), inu-
de Dingo a bien le tile de faire l'éloge de Robert Dieudonné, a la verve abondante,
droit de préférer et caustique... Quant à Gustave Quillardet, il partage avec
Ed. Sée à Shakes- M. de Fouquières l'héritage des dandys. 11 y a du Brummeldans
peare, et Rodin à ce doux rêveur; et nul mieux que lui n'était désigné pour évo-
Miehei-Ange !... qUer les élégances désuètes de l'Empire.
- A l'Opéra.
& . Ti '-" R-ouch^ ^ui n'est pas un ingrat et se souvient de ses
t ^ TU'^vf11]6 aU origines, va monter, afin de donner un parfum de jeunesse au
m m-6 ' i \â réperto;re : la Jolie Parfumeuse, la Reine
M Michel Mor- du cht,pre îe% PanUns de Violette, Giro-
tier {le pere Mor- fiée-Girofla, Rose et Lubin. Il a, en outre,
tier, comme 1 ap- demandé à M. d'Annunzio l'autorisation
pelle couramment d'extraire la quintessence de la Morte Par-
le lout Cabotin- fumée et du Chèvrefeuille, pour deux li-
ville est le doyen vrets iyriqueS.
des humoristes ; et Leg 'décors, commandés en Allemagne,
Rpne. M. Dumeny. 1 on cite de lui des arriveront(par eau) de Cologne,
dans Llrreguhere, mots délicieux:- Déjà le Grand-Théâtre de Lis-
,.. , , Lors d<ls inonda- bonne a échoué dans une sem-
tions de la Seine, son théâtre qu il remettait a neut, se trouva blable tentative • mais nous ver-
enyahi par les eaux; et, de ce fait, la réouverture retardée : rons réaliser en' France ce qui
— (i Me faire ça à moi!... » soupira l'excellent homme. (Car n'était qu'une fiction au Portu-
volontiers il ramène à ses contingences personnelles les plus „]
graves événements.) 6 ' ~—'—-
Certain soir, ayant au contrôle une discussion avec un spec- L'homme savant,
tateur, ce dernier s'écria : — « Je vous enverrai mes témoins !... » Ernest La Jeunesse a fait au
— n Je les placerai ! » répondit Michel Mortier. Théâtre des Arts une éloquente
On le voit. Un peu de l'esprit de Voltaire survit dans Miche! mais agressive conférence sur
Mortier. Aussi a-t-il accueilli avec empressement l'Ingénu, la ^?g^mgS savantes. Il en
pièce que MM. Méré et Gignoux ont tirée du célèbre conte résulte qu'il semble abominer
d'Arouet. ,.,',"'.„ . , ■ , les femmes en général, mais
A 1 encontre de leur illustre modèle les deux dramaturges plus particulièrement lescAaws-
n'auront pas travaillé pour le roi de Prusse : le succès a cou- settes d'azur.
ronné leur tentative hardie; et ils peuvent se féliciter d'avoir Déjà lors du procès
mené à bien tâche aussi délicate. _ Galley-Mérelli, cité com-
Déjà quelques adaptateurs ont voulu s'habiller richement avec me temoin (comme té-
lés laissés-pour-contes du grand railleur; et jadis une moin à décharge) il avait,
espèce d'enflé a commis un Candide en 3 actes et en vers!... en pjejn tribunal ouvert
C'est en solide et souple prose, digne de leur patron que s'ex- son âme à deux battants. Com-
priment, Dieu merci, MM. Charles Méré et Régis Gignoux. me le president lui demandait :
Bien qu'ils soient vêtus sans grande exactitude et sans pitto- (| j;nfin, vous connaissez laMé-
resque, quelle joie de voir en chair et en os M. Hercule Le rejjj E1je est très intelligente :
Huron (Harry Baur y est délicieux) et le sordide jésuite Tout-à- ejje ecr;t ^es romans... » Er-
Tous (le meilleur rôle de Lévèque) et Mme Leblois, si dignement negt de ga voix d'or, rétorqua :
proxénétique avec Mme Juliette d'Harcourt! Guyon fils est un (( c'est une femme qui écrit: ça
père prieur de fine bonhomie; Lebrey a une grandiloquente ne veut pag <jire qu'elle soit
autorité dans l'interrogant bailli; Germaine Reuver, une extra- intelligente! »
vagante et fantasque Mlle de Verkabon; et il faut louer aussi, Parole profonde et singulière-
dans ce spectacle de rare qualité, la galante allure de Rouyer- ment iuste!
de-Saint-Ponange et de la délicieuse Clémence-Ysane-Saint- Ragotin.
Y v 6 s.
Avec Sacha Guitry et son Veilleur de nuit, le directeur du Illustrations de Y. Marevéry.
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Le rire au théâtre
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
Le rire: journal humoristique
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1913
Entstehungsdatum (normiert)
1908 - 1918
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
In Copyright (InC) / Urheberrechtsschutz
Creditline
Le rire, N.S. 1913, No. 565 (29 Novembre 1913), S. 10
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg