La chanson que nous publions ci-des-
sous diffère évidemment de celles que nos
lecteurs sont habitués à trouver dans
Le Rire. C’est une chanson de tranchée et
de dépôt : elle constitue un exemplaire
authentique de la littérature des poilus. A
ce titre, et bien qu’elle nous parût à nous-
mêmes un peu grosse, nous avons cru inté-
ressant de la publier.
N. D. L. R.
LA CHANSON DE L’INAPTE
(Air : Quand la boîteus' va voir son adjudant )
I
Lorsque l’inapte arriv’ dans un dépôt,
Des trous, des Doss’s,des boutons plein la peau,
Eczéma sur 1’ front, fistule à l’arrière,
Boitant par devant, boitant par derrière,
Vaseux en général
Et le sphincter très hémorroïdal,
Le major, joyeux,
Se dit : « Cré bon Dieu!
Voilà un client
Fort intéressant.
Pour le r’mettre à flot
Y aura du boulot
Et mêm’ du turbin :
Tant mieux, non d’un chien!
On va un peu voir .
Le fond d’ mon savoir! »
Songeant tout à coup
Qu’ c’est un tourlourou,
Il pens’ tristement ;
« Ça, c’est embêtant!
Que ne venait-il
Me voir dans F civil?
Avec tout ce qu’il a, pourtant,
Ça f’sait trent visit’s à trois francs!... »
II
Alors, l’inapte est saisi prestement :
Pour 1’ mettre en train, on lui fich’ deux
[lav’ments,
Un peu au hasard, sans fair’ de manières,
Magnési’ devant, eau chaud’ par derrière,
D’ l’huil’ de ricin KK,
A moins qu’il n’ préfère un quart d’ipéca.
Puis, s’il a des poux,
On lui tât’ le pouls;
S’il a 1’ prurigo,
On lui card’ la peau
A la paill’ de fer
Ou au papier d’verr’.
S’il a 1’ coryza,
On lui coup’ le bras;
S’il a le diabète
On lui coup’ la tête ;
Et mêm’, s’il n’a rien,
Comm’ ça n’ s’ voit pas bien,
Vlan! d’la teintur’ d’iode
Plus vieille qu’Hérode :
Il n’a plus qu’à se tenir coi,
Ou, s’il gueule, il saura pourquoi.
III
Lorsque l’inapte est un tuberculeux,
On a pour lui des soins méticuleux
On n’ lui fait fair’ que les corvé’s faciles
Pour ménager la santé... d’ses bacilles.
Il ne va plus à pied
Et gard’ la chambr’ — mais pour la nettoyer.
Armé du balai
Des water-closet,
Il r’pouss’ les crachats
Et les crott’s de chat.
Il attaque d’estoc
Le bacill’ de Koch
Et fait voltiger
En nuag’ léger
Les staphylocoques
Et les streptocoques,
Puis, sur les paillasses
Taché’s de mélasse,
Extermin’ parfois
LA CRISE DU BILLON CONJUREE
— Je rends sur mille francs.
Dessin de Marcel Arnac.
L’ gonocoqu’ gaulois...
L’ canal de l’Yser
N’avait pas, naguêr’,
Sur ses riv’s fleuries
Vu pareill’s boch’ries!
Pourtant ce vaillant,
Bientôt succombant
Aux coups réunis
De tant d’ennemis,
Plus ne se dérobe
Au choc des microbes :
L’ dixièm’ jour, il s’avou’ vaincu,
Et, le quinzième, il est foutu.
IV
Lorsque l’inapte a r’çu des avaros,
Ball’s et grenad’s sur tout 1’ corps — sauf
[dans 1’ dos,
On a pour lui des remèd’s héroïques,
Donnés avec un respect sympathique,
Car c’est, en vérité,
L’ Paul Deshrapnell d’la Chambr’ des Am-
[putés.
— Y a pas..., marraine a dû se tromper de fil-
leul...
— Dis donc, la tête de son poilu, là-bas, en rece-
vant ton cheval mécanique! ! ! Dessin de Djilio.
S’il revient d’Tahure
Avec des eng’lures,
L’ pied frigorifié,
Pour le fortifier,
On lui f’ra chaqu’ jour
Fair’ des demi-tours
Et 1’ maniement d’armes
Vraiment plein de charmes ;
S’il a 1’ bras perclus
D’un éclat d’obus,
On le f’ra tirer
Au fusil cintré.
S’il a 1’ tibia droit
Raccourci d’trois doigts,
On lui f’ra sans doute
Pilonner la route
(Très homœopathe
Pour user l’autr’ patte...) ;
S’il est tombé dans
Les gaz asphyxiants,
Pour le décrotter
Et 1’ désinfecter,
On lui fait, non sans à-propos,
Vider les tinett’s du dépôt.
V
Après deux mois de c’ régim’ bienfaisant,
Officiell’ment, l’inapte est florissant
Et même — en princip’ —toutàfaitingambe,
Vu que, désormais, il boit’ des deux jambes.
Alors, sans plus d’ retard,
On songe à lui pour le prochain départ.
Ça se fait viv’ment,
Car, tout justement,
Il faut des renforts
Pour le n'“m’ corps.
L’inapte, soudain,
N’ se sent plus très bien
Et prend, têt’ penchée,
D’avanc’ des tranchées...
L’ major, ironiqu’,
Fait son diagnostic
Et franch’ment lui dit :
« C’est un’ maladi’
Des plus dangereuses :
C’est la fièvre apteuse. »>
L’envoi’ dans les formes,
Passer la réforme.
Là les trois méd’cins,
Prenant, c’est certain,
L’avis d’ leur confrère,
Mais en sens contraire,
Auscult’nt le poilu
De la tête au... pied
Et, pour paraîtr’ mieux informés,
Le remett’nt dans 1’ service armé.
L’Infirmier de service.
sous diffère évidemment de celles que nos
lecteurs sont habitués à trouver dans
Le Rire. C’est une chanson de tranchée et
de dépôt : elle constitue un exemplaire
authentique de la littérature des poilus. A
ce titre, et bien qu’elle nous parût à nous-
mêmes un peu grosse, nous avons cru inté-
ressant de la publier.
N. D. L. R.
LA CHANSON DE L’INAPTE
(Air : Quand la boîteus' va voir son adjudant )
I
Lorsque l’inapte arriv’ dans un dépôt,
Des trous, des Doss’s,des boutons plein la peau,
Eczéma sur 1’ front, fistule à l’arrière,
Boitant par devant, boitant par derrière,
Vaseux en général
Et le sphincter très hémorroïdal,
Le major, joyeux,
Se dit : « Cré bon Dieu!
Voilà un client
Fort intéressant.
Pour le r’mettre à flot
Y aura du boulot
Et mêm’ du turbin :
Tant mieux, non d’un chien!
On va un peu voir .
Le fond d’ mon savoir! »
Songeant tout à coup
Qu’ c’est un tourlourou,
Il pens’ tristement ;
« Ça, c’est embêtant!
Que ne venait-il
Me voir dans F civil?
Avec tout ce qu’il a, pourtant,
Ça f’sait trent visit’s à trois francs!... »
II
Alors, l’inapte est saisi prestement :
Pour 1’ mettre en train, on lui fich’ deux
[lav’ments,
Un peu au hasard, sans fair’ de manières,
Magnési’ devant, eau chaud’ par derrière,
D’ l’huil’ de ricin KK,
A moins qu’il n’ préfère un quart d’ipéca.
Puis, s’il a des poux,
On lui tât’ le pouls;
S’il a 1’ prurigo,
On lui card’ la peau
A la paill’ de fer
Ou au papier d’verr’.
S’il a 1’ coryza,
On lui coup’ le bras;
S’il a le diabète
On lui coup’ la tête ;
Et mêm’, s’il n’a rien,
Comm’ ça n’ s’ voit pas bien,
Vlan! d’la teintur’ d’iode
Plus vieille qu’Hérode :
Il n’a plus qu’à se tenir coi,
Ou, s’il gueule, il saura pourquoi.
III
Lorsque l’inapte est un tuberculeux,
On a pour lui des soins méticuleux
On n’ lui fait fair’ que les corvé’s faciles
Pour ménager la santé... d’ses bacilles.
Il ne va plus à pied
Et gard’ la chambr’ — mais pour la nettoyer.
Armé du balai
Des water-closet,
Il r’pouss’ les crachats
Et les crott’s de chat.
Il attaque d’estoc
Le bacill’ de Koch
Et fait voltiger
En nuag’ léger
Les staphylocoques
Et les streptocoques,
Puis, sur les paillasses
Taché’s de mélasse,
Extermin’ parfois
LA CRISE DU BILLON CONJUREE
— Je rends sur mille francs.
Dessin de Marcel Arnac.
L’ gonocoqu’ gaulois...
L’ canal de l’Yser
N’avait pas, naguêr’,
Sur ses riv’s fleuries
Vu pareill’s boch’ries!
Pourtant ce vaillant,
Bientôt succombant
Aux coups réunis
De tant d’ennemis,
Plus ne se dérobe
Au choc des microbes :
L’ dixièm’ jour, il s’avou’ vaincu,
Et, le quinzième, il est foutu.
IV
Lorsque l’inapte a r’çu des avaros,
Ball’s et grenad’s sur tout 1’ corps — sauf
[dans 1’ dos,
On a pour lui des remèd’s héroïques,
Donnés avec un respect sympathique,
Car c’est, en vérité,
L’ Paul Deshrapnell d’la Chambr’ des Am-
[putés.
— Y a pas..., marraine a dû se tromper de fil-
leul...
— Dis donc, la tête de son poilu, là-bas, en rece-
vant ton cheval mécanique! ! ! Dessin de Djilio.
S’il revient d’Tahure
Avec des eng’lures,
L’ pied frigorifié,
Pour le fortifier,
On lui f’ra chaqu’ jour
Fair’ des demi-tours
Et 1’ maniement d’armes
Vraiment plein de charmes ;
S’il a 1’ bras perclus
D’un éclat d’obus,
On le f’ra tirer
Au fusil cintré.
S’il a 1’ tibia droit
Raccourci d’trois doigts,
On lui f’ra sans doute
Pilonner la route
(Très homœopathe
Pour user l’autr’ patte...) ;
S’il est tombé dans
Les gaz asphyxiants,
Pour le décrotter
Et 1’ désinfecter,
On lui fait, non sans à-propos,
Vider les tinett’s du dépôt.
V
Après deux mois de c’ régim’ bienfaisant,
Officiell’ment, l’inapte est florissant
Et même — en princip’ —toutàfaitingambe,
Vu que, désormais, il boit’ des deux jambes.
Alors, sans plus d’ retard,
On songe à lui pour le prochain départ.
Ça se fait viv’ment,
Car, tout justement,
Il faut des renforts
Pour le n'“m’ corps.
L’inapte, soudain,
N’ se sent plus très bien
Et prend, têt’ penchée,
D’avanc’ des tranchées...
L’ major, ironiqu’,
Fait son diagnostic
Et franch’ment lui dit :
« C’est un’ maladi’
Des plus dangereuses :
C’est la fièvre apteuse. »>
L’envoi’ dans les formes,
Passer la réforme.
Là les trois méd’cins,
Prenant, c’est certain,
L’avis d’ leur confrère,
Mais en sens contraire,
Auscult’nt le poilu
De la tête au... pied
Et, pour paraîtr’ mieux informés,
Le remett’nt dans 1’ service armé.
L’Infirmier de service.
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
La crise du billion conjurée; La chanson de l'inapte
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
Le rire rouge: édition de guerre du journal le rire
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Objektbeschreibung
Bildunterschrift 1: - Charité, mon bon monsieur! - ... - Je rends sur mille francs. Bildunterschrift 2: - Y a pas..., marraine a dû se tromper de filleul... - Dis donc, la tête de son poilu, là-bas, en recevant ton cheval mécanique!!!
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1916
Entstehungsdatum (normiert)
1911 - 1921
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
In Copyright (InC) / Urheberrechtsschutz
Creditline
Le rire rouge, 1916, No. 59 (1er Janvier 1916), S. 5
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg