Mon ami a donc écrit un petit ouvrage auquel, selon la manie
alphabétique moderne, il a donné le titre hiéroglyphique sui-
vant : C. P. E. A. D. G. V. C., ce qui signifie clair comme le
jour : Carnet personnel et authentique d'un G. V. C. Et dont
voici quelques extraits :
EXTRAITS nu CARNET P. E. A. D. G. V. C.
17 février 1915. — Je commence à croire que la guerre va
durer, et je me décide à rédiger un carnet personnel de G. V.
C qui fournira des documents nouveaux et précieux aux histo-
riographes qui rédigeront plus tard l’histoire de la Grande-
Guerre. Rien de ce qui regardera cette lutte fabuleuse ne sera
indiffèrent.
Si je suis victime d’un accident de chemin de fer, prière de
porter e carnet au Grand Quartier général, à M. Hanotaux, ou
a M. Reinach...
4 mars. — On ne s’imagine pas comme ça vous change de
garder des voies quand on a toute sa vie été dans les
caeahouettes! Cela n’a aucun rapport. Rien de ce que j’ai appris
dans mon commerce ne me sert dans mes nouvelles fonctions.
Si, en leur en distribuant, je ne parlais pas à mes camarades, de
temps en temps, de caeahouettes, c’est un mot qui ne serait
jamais prononcé ici. Comme c’est curieux! Moi qui m’imaginais
avant la guerre que les caeahouettes c’était tout!
17 avril. — Depuis quelques mois que je vis sur le passage des
trains je finis par connaître le langage des locomotives. Car ce
serait une grave erreur de croire que toutes les locomotives
disent la même chose. Il y en a qui font, en passant : Tatata,
tatata, tatata... Ce que je suis arrivé à traduire par : Au galop,
au galop, au galop... D’autres disent : Tatatata-tata, talatata-
tata, tatatata-tata, ce que j’interprète après bien des tâton-
nements : Je vais rentrer-chez moi, je vais rentrer-chez
moi, etc.
Cela n'a l’air de rien, mais il faut beaucoup de temps pour
interpréter exactement les halètements de la vapeur. De même
qu’au bruit des obus les hommes du front savent distinguer le
calibre des canons qui les lancèrent, reconnaître un percutant
d’un fusant, etc., de même un G. V. C. intelligent arrive à savoir,
les yeux fermés, si le train qui passe est un train de voyageurs,
GUERRIER GREC
Beau casque, mais personne dedans.
Esope.
— Le plus épatant, c’est qu’il parle!
UN QUI NE S'EN FAIT PAS
— Ça y est, l’impôt sur le revenu !...
— Chouette! ça prouve qu’on reviendra. Dessins de L. Métivet.
de marchandises, de matériel, de bestiaux, s’il est plein ou vide,
français ou belge, etc. Je ne compte plus les cigares que j’ai
gagnés à la suite de nombreux paris. Il est vrai que je suis par-
ticulièrement musicien.
9 mai. — Il ne faudrait pas croire que le fait d’être en faction
en bas ou en haut d’un talus gazonné vous enlève toutes vos
facultés de raisonnement... J’ai fait une observation que je com-
muniquerai après les hostilités aux zoologistes de l’Institut. Cette
observation la voici :
L’expression « Il a l’air d’une vache qui voit passer un train «
est aujourd’hui absolument iniustifiée. Les vaches (vous pouvez
vous en convaincre au cours de vos voyages) ne regardent plus
passer les trains que très exceptionnellement, soit qu’elles soient
par hasard en train de ruminer dans le sens de la voie, soit
qu’un mystérieux instinct les ait averties qu’un parent ou un
compatriote allait passer dans une boîte à claire-voie...
Sans raison spéciale les vaches ne se laissent plus épater par
les trains. Pourquoi? A cause évidemment de l’habitude déjà
longue et de la transmission atavique, de générations en géné-
rations de vaches, de cette accoutumance... C'est tout le Darwi-
nisme! C’est la théorie de l’adaptation, non au milieu mais au
spectacle... N’est-ce pas que c’est épatant? Dame! On n’est pas
une pile de pont : on sait regarder!
14 juillet. — 11 m’est arrivé aujourd’hui une sale blague!
Comme c’était fête, j’ai voulu gâter à ma façon les poilus pas-
sant dans les trains. J’ai pris un sac de caeahouettes (je les ai au
meilleur compte) et quand le premier convoi militaire a passé,
j’ai jeté à la volée mes caeahouettes pour en inonder les compar-
timents.
Les « bonhommes » étaient tous aux portières; en recevant en
plein visage les petites amandes ils ont cru que c’était du gra-
vier ! Oh! là! là! qu’est-ce que j’ai pris !, Ah ! mon colon! Ce que
j’ai pu recevoir instantanément de vieux os, de croûtons, d’éplu-
chures de toutes sortes! C’est un vrai bonheur!... J’ai même
failli recevoir un litre vide sur le tournant! Je me suis baissé à
temps!... Aussi, fini! Quand un train militaire passe, je rectifie
la position, mais les caeahouettes, macache! C’est comme des
dattes! Le Guetteur.
alphabétique moderne, il a donné le titre hiéroglyphique sui-
vant : C. P. E. A. D. G. V. C., ce qui signifie clair comme le
jour : Carnet personnel et authentique d'un G. V. C. Et dont
voici quelques extraits :
EXTRAITS nu CARNET P. E. A. D. G. V. C.
17 février 1915. — Je commence à croire que la guerre va
durer, et je me décide à rédiger un carnet personnel de G. V.
C qui fournira des documents nouveaux et précieux aux histo-
riographes qui rédigeront plus tard l’histoire de la Grande-
Guerre. Rien de ce qui regardera cette lutte fabuleuse ne sera
indiffèrent.
Si je suis victime d’un accident de chemin de fer, prière de
porter e carnet au Grand Quartier général, à M. Hanotaux, ou
a M. Reinach...
4 mars. — On ne s’imagine pas comme ça vous change de
garder des voies quand on a toute sa vie été dans les
caeahouettes! Cela n’a aucun rapport. Rien de ce que j’ai appris
dans mon commerce ne me sert dans mes nouvelles fonctions.
Si, en leur en distribuant, je ne parlais pas à mes camarades, de
temps en temps, de caeahouettes, c’est un mot qui ne serait
jamais prononcé ici. Comme c’est curieux! Moi qui m’imaginais
avant la guerre que les caeahouettes c’était tout!
17 avril. — Depuis quelques mois que je vis sur le passage des
trains je finis par connaître le langage des locomotives. Car ce
serait une grave erreur de croire que toutes les locomotives
disent la même chose. Il y en a qui font, en passant : Tatata,
tatata, tatata... Ce que je suis arrivé à traduire par : Au galop,
au galop, au galop... D’autres disent : Tatatata-tata, talatata-
tata, tatatata-tata, ce que j’interprète après bien des tâton-
nements : Je vais rentrer-chez moi, je vais rentrer-chez
moi, etc.
Cela n'a l’air de rien, mais il faut beaucoup de temps pour
interpréter exactement les halètements de la vapeur. De même
qu’au bruit des obus les hommes du front savent distinguer le
calibre des canons qui les lancèrent, reconnaître un percutant
d’un fusant, etc., de même un G. V. C. intelligent arrive à savoir,
les yeux fermés, si le train qui passe est un train de voyageurs,
GUERRIER GREC
Beau casque, mais personne dedans.
Esope.
— Le plus épatant, c’est qu’il parle!
UN QUI NE S'EN FAIT PAS
— Ça y est, l’impôt sur le revenu !...
— Chouette! ça prouve qu’on reviendra. Dessins de L. Métivet.
de marchandises, de matériel, de bestiaux, s’il est plein ou vide,
français ou belge, etc. Je ne compte plus les cigares que j’ai
gagnés à la suite de nombreux paris. Il est vrai que je suis par-
ticulièrement musicien.
9 mai. — Il ne faudrait pas croire que le fait d’être en faction
en bas ou en haut d’un talus gazonné vous enlève toutes vos
facultés de raisonnement... J’ai fait une observation que je com-
muniquerai après les hostilités aux zoologistes de l’Institut. Cette
observation la voici :
L’expression « Il a l’air d’une vache qui voit passer un train «
est aujourd’hui absolument iniustifiée. Les vaches (vous pouvez
vous en convaincre au cours de vos voyages) ne regardent plus
passer les trains que très exceptionnellement, soit qu’elles soient
par hasard en train de ruminer dans le sens de la voie, soit
qu’un mystérieux instinct les ait averties qu’un parent ou un
compatriote allait passer dans une boîte à claire-voie...
Sans raison spéciale les vaches ne se laissent plus épater par
les trains. Pourquoi? A cause évidemment de l’habitude déjà
longue et de la transmission atavique, de générations en géné-
rations de vaches, de cette accoutumance... C'est tout le Darwi-
nisme! C’est la théorie de l’adaptation, non au milieu mais au
spectacle... N’est-ce pas que c’est épatant? Dame! On n’est pas
une pile de pont : on sait regarder!
14 juillet. — 11 m’est arrivé aujourd’hui une sale blague!
Comme c’était fête, j’ai voulu gâter à ma façon les poilus pas-
sant dans les trains. J’ai pris un sac de caeahouettes (je les ai au
meilleur compte) et quand le premier convoi militaire a passé,
j’ai jeté à la volée mes caeahouettes pour en inonder les compar-
timents.
Les « bonhommes » étaient tous aux portières; en recevant en
plein visage les petites amandes ils ont cru que c’était du gra-
vier ! Oh! là! là! qu’est-ce que j’ai pris !, Ah ! mon colon! Ce que
j’ai pu recevoir instantanément de vieux os, de croûtons, d’éplu-
chures de toutes sortes! C’est un vrai bonheur!... J’ai même
failli recevoir un litre vide sur le tournant! Je me suis baissé à
temps!... Aussi, fini! Quand un train militaire passe, je rectifie
la position, mais les caeahouettes, macache! C’est comme des
dattes! Le Guetteur.
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Le rire rouge: édition de guerre du journal le rire
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1916
Entstehungsdatum (normiert)
1911 - 1921
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Public Domain Mark 1.0
Creditline
Le rire rouge, 1916, No. 61 (15 Janvier 1916), S. 4
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg