muni pour la vraisemblance d’un recueil de noms d’oiseaux et
d’une bouteille d’alcali pour volatiles... Il fut admis auprès de
l’auguste rapace...
Ah! ce n’était plus le fier oiseau d’il y a deux ans et demi!
C’était un aigle déprimé et déplumé, affaissé, au regard inquiet...
Ses serres puissantes étaient fortement rognées, et il grattait d’un
bec notablement écorné dans une mangeoire chichement pourvue.
Ce qu’il y a de curieux, c’est qu’à force de préoccupations et
d’obsessions graves l’aigle avait fini par prendre l’aspect d’un
vieux perroquet neurasthénique, et qu’au lieu de claironner inso-
lemment sans discontinuer comme au beau temps : « Deutschland
über ailes!!.. Gott mit uns!!... Gott strafe England!!..,» il rabâ-
chait sans s’arrêter, d’une voix enrouée : « La paix... la paix...
la paix... Qui donc nous fichera la paix?... La paix... la paix... »
— Oh! mais il ne va pas bien du tout votre oiseau, murmura
notre pseudo-médecin des bêtes au gardien atterré.
— N’est-ce pas, Doctor?... Son moral s’est altéré tout d’un coup,
et son physique a suivi... mais il ne faut pas le dire... Que pensez-
vous de son état?
— Hum! de vous à moi, je ne crois pas qu’il passera l’année.
— Dites-moi bien tout... j’aurai du courage... Qu’est-ce qu’il va
lui arriver?
— Il n’y a pas de doutes : on l’abattra d’ici quelques mois!
— Gottferdumü!
Et le gar dien s’affaissa pendant que l’aigle-perroquet continuait
à répéter : « La paix... la paix... Qui donc nous fichera la paix?...
La paix... la paix... »
*
* *
C’est une drôle de petite histoire que nous a servie Excelsior.
Il paraît que l’on consomme trop de pigeons, non pas aux petits
pois, mais de pigeons messagers militaires. Oui, les pigeons voya-
geurs, oiseaux replets, ont le désavantage d’être pour les veilleurs
ennemis des cibles trop faciles. Sans avoir fréquenté les tirs aux
pigeons selects, les soldats allemands descendent aisément les
pauvres bêtes à cause de leur trop grande visibilité.
On a dû cependant avoir recours, pour les dissimuler aux yeux
des sentinelles, à l’ingéniosité de la section bien connue des
camoufleurs, et nos peintres ont dû tenter de les badigeonner
couleur de l’air ou couleur de nuage ; mais il faut croire que
l’expérience n’a pas réussi puisque l’on va prendre, affirme
Excelsior, un parti catégorique.
Ce parti, c’est le remplacement des pigeons voyageurs par des
abeilles.
La Ville de Paris va donner aux pauvres
quatre millions de kilos de charbon.
— Je ne suis pas comme Berlin, moi, fouchtra ! J’ai le sac.
Dessins de L. Métivet.
Les abeilles, tout le monde le sait, sont des bestioles excellentes
ménagères à qui les difficultés de la vie chère ont donné depuis
des siècles l’habitude d’aller faire leurs provisions très loin.
Puisque les massifs et les prairies de leur quartier exagèrent le
prix du sucre, elles vont en acheter dans les vallons ou dans les
jardins qui représentent pour elles les halles centrales.
Et puis quand elles s’en sont — comme dans la Vie parisienne
— fourré, fourré, fourré jusque-là, elles rentrent fidèlement au
logis barbouillées de la tête au ventre de provisions de bonne
qualité cueillies au meilleur compte.
C'est cette faculté de revenir de n’importe où, sans erreur, à
la ruche, que l’on parle d’utiliser. Entre les ailes de la messagère
(emportée de chez elle dans une boite) on disposera une dépêche
microscopique (cachetée au besoin avec sa propre cire), et puis
on la lâchera... Alors, conformément aux impulsions de son
instinct, elle se mettra en route à travers l’espace et rapportera
à la ruche blindée militaire, où on la guettera, l’utile renseigne-
ment. Ce sera en somme la télégraphie par abeille sans fil...
Nul doute que la petite factrice n’arrive sans encombres; car, en
admettant que les ennemis aux aguets aperçoivent dans l’azur
ces petits points noirs, on ne suppose pas que leurs tireurs puis-
sent attraper une abeille au vol et donner un sens exact à
l’expression : faire mouche!
11 est vrai que les Boches sont ingénieux dans le mal. Ils dres-
seront des passereaux à faire la chasse aux abeilles et à venir
rendre gorge au quartier général pour que l’on retrouve et
déchiffre les minuscules messages.
Au lieu de fusils à balles, ils emploieront contre les bestioles
des lances à jet d’eau en éventail.
Ils auront des petits avions spéciaux dont les observateurs-
entomologistes seront pourvus, non de mitrailleuses, mais de
filets en gaze verte avec lesquels ils feront la chasse aux abeilles
comme on la fait aux papillons.
Ils produiront des nuages asphyxiants spéciaux pour mouches
à miel.
Enfin — et comme ce sera bien boche! — ils trouveront le
moyen d’empoisonner les fleurs! Le guetteur.
LA MALADIE DU KAISER
— Merkur mit uns !...
d’une bouteille d’alcali pour volatiles... Il fut admis auprès de
l’auguste rapace...
Ah! ce n’était plus le fier oiseau d’il y a deux ans et demi!
C’était un aigle déprimé et déplumé, affaissé, au regard inquiet...
Ses serres puissantes étaient fortement rognées, et il grattait d’un
bec notablement écorné dans une mangeoire chichement pourvue.
Ce qu’il y a de curieux, c’est qu’à force de préoccupations et
d’obsessions graves l’aigle avait fini par prendre l’aspect d’un
vieux perroquet neurasthénique, et qu’au lieu de claironner inso-
lemment sans discontinuer comme au beau temps : « Deutschland
über ailes!!.. Gott mit uns!!... Gott strafe England!!..,» il rabâ-
chait sans s’arrêter, d’une voix enrouée : « La paix... la paix...
la paix... Qui donc nous fichera la paix?... La paix... la paix... »
— Oh! mais il ne va pas bien du tout votre oiseau, murmura
notre pseudo-médecin des bêtes au gardien atterré.
— N’est-ce pas, Doctor?... Son moral s’est altéré tout d’un coup,
et son physique a suivi... mais il ne faut pas le dire... Que pensez-
vous de son état?
— Hum! de vous à moi, je ne crois pas qu’il passera l’année.
— Dites-moi bien tout... j’aurai du courage... Qu’est-ce qu’il va
lui arriver?
— Il n’y a pas de doutes : on l’abattra d’ici quelques mois!
— Gottferdumü!
Et le gar dien s’affaissa pendant que l’aigle-perroquet continuait
à répéter : « La paix... la paix... Qui donc nous fichera la paix?...
La paix... la paix... »
*
* *
C’est une drôle de petite histoire que nous a servie Excelsior.
Il paraît que l’on consomme trop de pigeons, non pas aux petits
pois, mais de pigeons messagers militaires. Oui, les pigeons voya-
geurs, oiseaux replets, ont le désavantage d’être pour les veilleurs
ennemis des cibles trop faciles. Sans avoir fréquenté les tirs aux
pigeons selects, les soldats allemands descendent aisément les
pauvres bêtes à cause de leur trop grande visibilité.
On a dû cependant avoir recours, pour les dissimuler aux yeux
des sentinelles, à l’ingéniosité de la section bien connue des
camoufleurs, et nos peintres ont dû tenter de les badigeonner
couleur de l’air ou couleur de nuage ; mais il faut croire que
l’expérience n’a pas réussi puisque l’on va prendre, affirme
Excelsior, un parti catégorique.
Ce parti, c’est le remplacement des pigeons voyageurs par des
abeilles.
La Ville de Paris va donner aux pauvres
quatre millions de kilos de charbon.
— Je ne suis pas comme Berlin, moi, fouchtra ! J’ai le sac.
Dessins de L. Métivet.
Les abeilles, tout le monde le sait, sont des bestioles excellentes
ménagères à qui les difficultés de la vie chère ont donné depuis
des siècles l’habitude d’aller faire leurs provisions très loin.
Puisque les massifs et les prairies de leur quartier exagèrent le
prix du sucre, elles vont en acheter dans les vallons ou dans les
jardins qui représentent pour elles les halles centrales.
Et puis quand elles s’en sont — comme dans la Vie parisienne
— fourré, fourré, fourré jusque-là, elles rentrent fidèlement au
logis barbouillées de la tête au ventre de provisions de bonne
qualité cueillies au meilleur compte.
C'est cette faculté de revenir de n’importe où, sans erreur, à
la ruche, que l’on parle d’utiliser. Entre les ailes de la messagère
(emportée de chez elle dans une boite) on disposera une dépêche
microscopique (cachetée au besoin avec sa propre cire), et puis
on la lâchera... Alors, conformément aux impulsions de son
instinct, elle se mettra en route à travers l’espace et rapportera
à la ruche blindée militaire, où on la guettera, l’utile renseigne-
ment. Ce sera en somme la télégraphie par abeille sans fil...
Nul doute que la petite factrice n’arrive sans encombres; car, en
admettant que les ennemis aux aguets aperçoivent dans l’azur
ces petits points noirs, on ne suppose pas que leurs tireurs puis-
sent attraper une abeille au vol et donner un sens exact à
l’expression : faire mouche!
11 est vrai que les Boches sont ingénieux dans le mal. Ils dres-
seront des passereaux à faire la chasse aux abeilles et à venir
rendre gorge au quartier général pour que l’on retrouve et
déchiffre les minuscules messages.
Au lieu de fusils à balles, ils emploieront contre les bestioles
des lances à jet d’eau en éventail.
Ils auront des petits avions spéciaux dont les observateurs-
entomologistes seront pourvus, non de mitrailleuses, mais de
filets en gaze verte avec lesquels ils feront la chasse aux abeilles
comme on la fait aux papillons.
Ils produiront des nuages asphyxiants spéciaux pour mouches
à miel.
Enfin — et comme ce sera bien boche! — ils trouveront le
moyen d’empoisonner les fleurs! Le guetteur.
LA MALADIE DU KAISER
— Merkur mit uns !...
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Le coke gaulois; La maladie du Kaiser
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
Le rire rouge: édition de guerre du journal le rire
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1916
Entstehungsdatum (normiert)
1911 - 1921
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Public Domain Mark 1.0
Creditline
Le rire rouge, 1916, No. 62 (22 Janvier 1916), S. 4
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg