SWC-r
LATIN DE CUISTRE
le gloriosus. — Faut-il qu’il soit soûl pour m'appeler Victor !...
« Are, Cœsar et Rex, oictor et gloriosus es... »
LE RIRE DE LA SEMAINE
Qui donc aurait pu croire qu’en pleine guerre — et quelle
guerre ! — il pouvait, au milieu d’un déchaînement prodigieux
d’événements, y avoir place pour cette puérilité : une petite polé-
mique littéraire ?
Cela, pourtant, s’est vu. Un critique a pris par un bout sa férule
(lui, il doit dire son « sceptre ») et, faisant un énorme moulinet, il
a férocement mis à mal une bonne partie des poètes français qui
ont rimé sur la guerre. Or l’un de ces poètes, n’étant pas mort
sur le coup, a osé se rebiffer, et sous ce titre : Les critiques
tiennent... il s’est permis — voyez-vous ça! — de répliquer de
façon badine dans un grand quotidien.
Il faut croire que les critiques tiennent encore plus ferme qu’on
ne le supposait car, le lendemain, le critique prenait une énorme
massue pour pulvériser l’audacieux porte-lyre qui crie quand on
l’écorche !
Au moment où les Allemands sont dans le voisinage et ne
peuvent que jubiler de voir les Français se démolir eux-mêmes
intellectuellement, ce minuscule incident ne prêterait guère à
des commentaires humoristiques, si une petite phrase, échappée
à l’un des deux polémistes, ne jetait un peu de gaité dans le débat.
Cette phrase, la voici textuellement : « Critiques et créateurs
vont de pair. » Cela signifie tout simplement qu’entre le monsieur
qui crée quelque chose, livre ou tableau, et le monsieur qui cri-
tique ce tableau ou ce livre, il y a égalité de mérite.
Si le Rire enregistre cette affirmation, ce n’est pas pour la dis-
cuter, mais pour donner aux familles et aux poilus au repos l’idée
d’un nouveau petit jeu de société; ce jeu consiste à déduire de
l’aphorisme inattendu une foule d’autres qui en découlent logi-
quement. Exemples :
Le peintre et l’encadreur se calent.
Le sculpteur et le fondeur ont même mérite.
L'écrivain et le relieur vont de pair.
L'entrepreneur de démolitions vaut Varchitecte.
Le laveur d’assiettes vaut le céramiste.
Lœ souffleur est sur le même pied que l'auteur dramatique.
Le garçon de restaurant égale le chef cuisinier.
Le sommelier est l'égal du vigneron.
Le gardien du musée vaut le chef-d'œuvre.
Le bon Dieu et le théologien, c'est kif-kif, etc., etc.
On voit, par ces quelques échantillons, que le champ est sans
limite, et que l’imagination peut s’en donner à cœur joie Avis aux
amateurs.
Un second petit jeu de société, non moins divertissant, consiste
à deviner par lequel des deux polémistes a ete formule l’apo-
phtegme : « Critiques et créateurs vont de pair... » Est-ce par le
créateur ou par le critique ?
... Tiens! vous êtes bon ! Si c’était facile à deviner, où serait
l’amusement ?
*
* *
L’Amérique, c’est très loin ; aussi continue-t-on à y vivre nor-
malement, malgré l’horrible tragédie qui ensanglante, à peu de
chose près, le reste du monde.
La guerre procure même quelques avantages aux « voyeurs -»
lointains du formidable spectacle. D’abord, elle enrichit un grand
nombre d’entre eux, ce qui est déjà appréciable. Ensuite elle
donne un supplément d’intérêt considérable à leurs magazines
illustrés, ce qui n’est pas à dédaigner dans un pays où les maga-
zines poussent comme des champignons.
Cependant la guerre occasionne aussi quelques désagréments
à certains Etats d’Amérique. Je ne parle pas des paquebots coulés
et des citoyens que leur qualité d’Américains n’empêchent pas,
hélas! de couler avec eux, ne plus ne moins que des citoyens
anglais, suédois ou suisses ; quelques notes envoyées de la Maison
Blanche suffisent à remettre d’aplomb le grand bateau diploma-
tique et à consoler les millions de survivants. Les désagréments
dont il s’agit sont de tout petits désagréments d’un ordre, si j’ose
dire, excessivement accessoire et frivole.
Donc la direction de l’Opéra de Chicago, ayant engagé, selon
l’usage, des artistes de toutes nationalités, s’est trouvée tout à
coup embarrassée — telle la Cigale— quand la guerre fut venue.
L’éclectisme traditionnel qui a présidé aux engagements a forcé-
ment pour conséquences des promiscuités dangereuses... Pensez
à l’inévitable salade d’animosités et de rancunes patriotiques si,
dans la troupe, la basse est russe, la forte chanteuse allemande,
le ténor français, la chanteuse légère viennoise, le baryton belge,
la duègne turque, la prima donna italienne, la figuration grecque,
LATIN DE CUISTRE
le gloriosus. — Faut-il qu’il soit soûl pour m'appeler Victor !...
« Are, Cœsar et Rex, oictor et gloriosus es... »
LE RIRE DE LA SEMAINE
Qui donc aurait pu croire qu’en pleine guerre — et quelle
guerre ! — il pouvait, au milieu d’un déchaînement prodigieux
d’événements, y avoir place pour cette puérilité : une petite polé-
mique littéraire ?
Cela, pourtant, s’est vu. Un critique a pris par un bout sa férule
(lui, il doit dire son « sceptre ») et, faisant un énorme moulinet, il
a férocement mis à mal une bonne partie des poètes français qui
ont rimé sur la guerre. Or l’un de ces poètes, n’étant pas mort
sur le coup, a osé se rebiffer, et sous ce titre : Les critiques
tiennent... il s’est permis — voyez-vous ça! — de répliquer de
façon badine dans un grand quotidien.
Il faut croire que les critiques tiennent encore plus ferme qu’on
ne le supposait car, le lendemain, le critique prenait une énorme
massue pour pulvériser l’audacieux porte-lyre qui crie quand on
l’écorche !
Au moment où les Allemands sont dans le voisinage et ne
peuvent que jubiler de voir les Français se démolir eux-mêmes
intellectuellement, ce minuscule incident ne prêterait guère à
des commentaires humoristiques, si une petite phrase, échappée
à l’un des deux polémistes, ne jetait un peu de gaité dans le débat.
Cette phrase, la voici textuellement : « Critiques et créateurs
vont de pair. » Cela signifie tout simplement qu’entre le monsieur
qui crée quelque chose, livre ou tableau, et le monsieur qui cri-
tique ce tableau ou ce livre, il y a égalité de mérite.
Si le Rire enregistre cette affirmation, ce n’est pas pour la dis-
cuter, mais pour donner aux familles et aux poilus au repos l’idée
d’un nouveau petit jeu de société; ce jeu consiste à déduire de
l’aphorisme inattendu une foule d’autres qui en découlent logi-
quement. Exemples :
Le peintre et l’encadreur se calent.
Le sculpteur et le fondeur ont même mérite.
L'écrivain et le relieur vont de pair.
L'entrepreneur de démolitions vaut Varchitecte.
Le laveur d’assiettes vaut le céramiste.
Lœ souffleur est sur le même pied que l'auteur dramatique.
Le garçon de restaurant égale le chef cuisinier.
Le sommelier est l'égal du vigneron.
Le gardien du musée vaut le chef-d'œuvre.
Le bon Dieu et le théologien, c'est kif-kif, etc., etc.
On voit, par ces quelques échantillons, que le champ est sans
limite, et que l’imagination peut s’en donner à cœur joie Avis aux
amateurs.
Un second petit jeu de société, non moins divertissant, consiste
à deviner par lequel des deux polémistes a ete formule l’apo-
phtegme : « Critiques et créateurs vont de pair... » Est-ce par le
créateur ou par le critique ?
... Tiens! vous êtes bon ! Si c’était facile à deviner, où serait
l’amusement ?
*
* *
L’Amérique, c’est très loin ; aussi continue-t-on à y vivre nor-
malement, malgré l’horrible tragédie qui ensanglante, à peu de
chose près, le reste du monde.
La guerre procure même quelques avantages aux « voyeurs -»
lointains du formidable spectacle. D’abord, elle enrichit un grand
nombre d’entre eux, ce qui est déjà appréciable. Ensuite elle
donne un supplément d’intérêt considérable à leurs magazines
illustrés, ce qui n’est pas à dédaigner dans un pays où les maga-
zines poussent comme des champignons.
Cependant la guerre occasionne aussi quelques désagréments
à certains Etats d’Amérique. Je ne parle pas des paquebots coulés
et des citoyens que leur qualité d’Américains n’empêchent pas,
hélas! de couler avec eux, ne plus ne moins que des citoyens
anglais, suédois ou suisses ; quelques notes envoyées de la Maison
Blanche suffisent à remettre d’aplomb le grand bateau diploma-
tique et à consoler les millions de survivants. Les désagréments
dont il s’agit sont de tout petits désagréments d’un ordre, si j’ose
dire, excessivement accessoire et frivole.
Donc la direction de l’Opéra de Chicago, ayant engagé, selon
l’usage, des artistes de toutes nationalités, s’est trouvée tout à
coup embarrassée — telle la Cigale— quand la guerre fut venue.
L’éclectisme traditionnel qui a présidé aux engagements a forcé-
ment pour conséquences des promiscuités dangereuses... Pensez
à l’inévitable salade d’animosités et de rancunes patriotiques si,
dans la troupe, la basse est russe, la forte chanteuse allemande,
le ténor français, la chanteuse légère viennoise, le baryton belge,
la duègne turque, la prima donna italienne, la figuration grecque,
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Le rire rouge: édition de guerre du journal le rire
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1916
Entstehungsdatum (normiert)
1911 - 1921
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Public Domain Mark 1.0
Creditline
Le rire rouge, 1916, No. 64 (5 Février 1916), S. 3
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg