LE RIRE DE LA SEMAINE
Que nous dit-on ? César Birotteau veut devenir directeur de
journal... La parfumerie conduit à tout, à la condition d’y rester.
De notables fabricants d’extraits se sont mis en tète de régé-
nérer la [tresse française. Sous prétexte qu’ils ont créé la col-
lection des « odeurs célèbres », ils prétendent avoir le droit de
flanquer des savons au Gouvernement. Ils insinuent que leur
lreure est venue, maintenant que, pour beaucoup de gens, cela
commence à sentir mauvais... Et afin de laver son linge sale,
même en famille, il faut du savon : ces messieurs le fournironl,
enveloppe dans des journaux de grande information.
Après tout, pourquoi le journalisme ne tomberait-il pas dans
la parfumerie "?
D’abord, dans 1rs gazettes, il y a toujours des extraits... Je
commis des feuilles qui ne sont pas faites avec autre chose : ce
ne sont même pas les moins intéressantes.
Ensuite, dans les journaux, on cherche toujours le pot aux
roses : un petit flacon le remplacera fort bien.
Vous dirai-je que nos confrères ont chacun leur odeur parti-
culière ?
Par exemple, Le Figaro sent la peau d’Espagne.
Le Gaulois sent le patchouli.
Les Débats sentent le renfermé.
Le Bonnet Rouge sentait l’eau de Cologne.
Il y a des journaux qui sentent le lys, la violette ou l’œillet;
il y en a d’autres qui sentent l’extrait de casier judiciaire; il y
en a d'autres encore qui sentent le savon à barbe.
Un parfumeur me paraît donc tout indiqué pour diriger une
gazette... A ses rédacteurs, il donne de précieux avis :
- — Donnez un shampooing au Gouvernement!
Ou :
— Faites mousser M. Clemenceau !
Ou bien :
— Préparez quelque chose de bien guimauve sur l’affaire
Malvy !
Il pommait même parfumer réellement son journal : ce serait
un moyen comme un autre pour chasser les odeurs désagréa-
bles que certaines feuilles répandent en France depuis quelque
temps.
* * * Les parfumeurs auxquels on attribue ces ambitions
directoriales ont protesté contre l’appellation de » nouveaux
riches ».
— Riches, nous le sommes, déclarent-ils, mais nom pas de
fraîche date! 11 y a belle lunette que nous avons des millions !
11 en va aujourd’hui de la richesse comme de la noblesse.
Les millions se pardonnent, à la condition de dater d’avant-
sguerre. S’ils ont été gagnés depuis trois ans, ils sont déshono-
rants, odieux, inavouables. De même, il est. très chic d’être
marquis avec des parchemins moyenâgeux, mais les comtes du
pape, voire de Louis XVIII, nous font hausser les épaules.
Pourquoi? Est-ce qu’il n’y a pas commencement à tout?
Je connais deux millionnaires (oh ! en tout bien, tout hon-
neur!). L’un s’est enrrèhi au Panama en volant ses compatriotes;
l’autre a fait fortune en fabrquant des canons,, pour aider à la
victoire... Eh bien, le premier est un monsieur très bien ; rien
à dire sur lui. L’autre est un détestable profiteur et il en prend
pour son grade dans les journaux, sur la scène et ailleurs, fil
s’en moque d’ailleurs comme de sa première culasse.)
Vous me direz ce que vous voudrez, c’est injuste.
La moralité est peut-être une question de latitude : elle ne
devrait pas être une question de dates.
Il faut admettre tous les millionnaires.
Ou bien, il faut les rejeter tous.
D’ailleurs, soyez tranquille, on les admet...
Ce qu’on admet de moins en moins, c’est l’orateur, le
bavard, le monsieur qui prodigue sa salive comme d’autres pro-
diguent leur sang.
M. Clemenéeau qui, jadis, tenait volontiers le crachoir —
s’ést imposé de sévères restrictions verbales. Même dans les
plus solennelles occasions, comme à la Conférence interalliée, il
ne prononce que quelques phrases;
Et c’est très bien. Athènes n’est plus... En attendant le brouet,
ressemblons aux Spartiates qui se taisaient.
Nous avons pris l’éloquence redondante en horreur. Depuis
Que nous dit-on ? César Birotteau veut devenir directeur de
journal... La parfumerie conduit à tout, à la condition d’y rester.
De notables fabricants d’extraits se sont mis en tète de régé-
nérer la [tresse française. Sous prétexte qu’ils ont créé la col-
lection des « odeurs célèbres », ils prétendent avoir le droit de
flanquer des savons au Gouvernement. Ils insinuent que leur
lreure est venue, maintenant que, pour beaucoup de gens, cela
commence à sentir mauvais... Et afin de laver son linge sale,
même en famille, il faut du savon : ces messieurs le fournironl,
enveloppe dans des journaux de grande information.
Après tout, pourquoi le journalisme ne tomberait-il pas dans
la parfumerie "?
D’abord, dans 1rs gazettes, il y a toujours des extraits... Je
commis des feuilles qui ne sont pas faites avec autre chose : ce
ne sont même pas les moins intéressantes.
Ensuite, dans les journaux, on cherche toujours le pot aux
roses : un petit flacon le remplacera fort bien.
Vous dirai-je que nos confrères ont chacun leur odeur parti-
culière ?
Par exemple, Le Figaro sent la peau d’Espagne.
Le Gaulois sent le patchouli.
Les Débats sentent le renfermé.
Le Bonnet Rouge sentait l’eau de Cologne.
Il y a des journaux qui sentent le lys, la violette ou l’œillet;
il y en a d’autres qui sentent l’extrait de casier judiciaire; il y
en a d'autres encore qui sentent le savon à barbe.
Un parfumeur me paraît donc tout indiqué pour diriger une
gazette... A ses rédacteurs, il donne de précieux avis :
- — Donnez un shampooing au Gouvernement!
Ou :
— Faites mousser M. Clemenceau !
Ou bien :
— Préparez quelque chose de bien guimauve sur l’affaire
Malvy !
Il pommait même parfumer réellement son journal : ce serait
un moyen comme un autre pour chasser les odeurs désagréa-
bles que certaines feuilles répandent en France depuis quelque
temps.
* * * Les parfumeurs auxquels on attribue ces ambitions
directoriales ont protesté contre l’appellation de » nouveaux
riches ».
— Riches, nous le sommes, déclarent-ils, mais nom pas de
fraîche date! 11 y a belle lunette que nous avons des millions !
11 en va aujourd’hui de la richesse comme de la noblesse.
Les millions se pardonnent, à la condition de dater d’avant-
sguerre. S’ils ont été gagnés depuis trois ans, ils sont déshono-
rants, odieux, inavouables. De même, il est. très chic d’être
marquis avec des parchemins moyenâgeux, mais les comtes du
pape, voire de Louis XVIII, nous font hausser les épaules.
Pourquoi? Est-ce qu’il n’y a pas commencement à tout?
Je connais deux millionnaires (oh ! en tout bien, tout hon-
neur!). L’un s’est enrrèhi au Panama en volant ses compatriotes;
l’autre a fait fortune en fabrquant des canons,, pour aider à la
victoire... Eh bien, le premier est un monsieur très bien ; rien
à dire sur lui. L’autre est un détestable profiteur et il en prend
pour son grade dans les journaux, sur la scène et ailleurs, fil
s’en moque d’ailleurs comme de sa première culasse.)
Vous me direz ce que vous voudrez, c’est injuste.
La moralité est peut-être une question de latitude : elle ne
devrait pas être une question de dates.
Il faut admettre tous les millionnaires.
Ou bien, il faut les rejeter tous.
D’ailleurs, soyez tranquille, on les admet...
Ce qu’on admet de moins en moins, c’est l’orateur, le
bavard, le monsieur qui prodigue sa salive comme d’autres pro-
diguent leur sang.
M. Clemenéeau qui, jadis, tenait volontiers le crachoir —
s’ést imposé de sévères restrictions verbales. Même dans les
plus solennelles occasions, comme à la Conférence interalliée, il
ne prononce que quelques phrases;
Et c’est très bien. Athènes n’est plus... En attendant le brouet,
ressemblons aux Spartiates qui se taisaient.
Nous avons pris l’éloquence redondante en horreur. Depuis
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
L'Autriche-Hongrie, jouet boche
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
Le rire rouge: édition de guerre du journal le rire
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Objektbeschreibung
Bildunterschrift: Et voilà pourquoi le comte Czernin peut hier formellement que la double monarchie soit "remorquée" par l'Allemagne.
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1917
Entstehungsdatum (normiert)
1912 - 1922
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Public Domain Mark 1.0
Creditline
Le rire rouge, 1917, No. 162 (22 Décembre 1917), S. 3
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg